L’épreuve de la reconversion

17/02/2022 - 3 min. de lecture

L’épreuve de la reconversion - Cercle K2

Cercle K2 neither approves or disapproves of the opinions expressed in the articles. Their authors are exclusively responsible for their content.

Benoit Guyot est un ancien joueur de rugby professionnel ayant joué au Stade Français, à Biarritz et à La Rochelle. Docteur de gestion, il a travaillé sur le rôle des technologies dans le cadre de la performance. Il est lauréat du Trophée K2 Sport 2020 et est actuellement product manager chez JOY.--

J’en parle maintenant avec un peu de recul, l’arrêt de ma carrière professionnelle a été une vraie épreuve. On n’est jamais totalement prêt à arrêter. Loin de moi l’idée de cracher dans la soupe ou encore donner des leçons, je veux juste partager la façon dont j’ai vécu cet arrêt. Je me rends aujourd’hui compte que l’on n’évoque pas suffisamment la difficulté que peut représenter ce moment. On ne partage souvent que la partie émergée de l’iceberg, laissant la partie moins reluisante, les doutes, au placard, par pudeur ou par peur sûrement. La situation peut s’avérer complexe, financièrement, physiquement mais aussi d’un point de vue identitaire et, plus largement, professionnel. Lorsque l’on arrête, la perte de repères est totale alors autant tenter de s’y préparer.

Le sport occupe une place centrale dans la vie des joueurs professionnels. Les sacrifices sont nombreux. Le chemin pour y arriver, les différentes phases de sélection et "d’écrémage" ont placé la performance au centre de tout ce qui régit le quotidien. De mes 15 à mes 28 ans, tout a été mis en place pour atteindre cet objectif : jouer au meilleur niveau possible. On s’habitue rapidement à ce que tous les choix soient faits en fonction de cette objectif unique. La vie dans ces conditions gagne en simplicité, fini les hésitations. Tous ceux ayant accédé à ce niveau ont dû faire preuve d’une extrême exigence. Tant que l’on n’a pas fixé de nouveaux objectifs, la désorientation peut être réelle pour les néo-retraités.

Je parlais avec un ami qui a arrêté récemment et, aussi surprenant que celui puisse paraître, le plus difficile pour lui avait été de ne plus recevoir le programme de la semaine le dimanche soir. Que l’on soit pro ou amateur, le sport organise et cadre le quotidien. Il dispose ses points de rendez-vous dans le temps, ils sont immanquables, on s’y tient rigoureusement. Une fois sorti de cette vie d’équipe, le joueur doit faire face à une liberté nouvelle qui donne paradoxalement le vertige. On doit réapprendre à s’organiser, on doit se fixer de nouvelles limites à atteindre. C’est d’autant plus vrai pour les athlètes professionnels qui se trouvent être sortis d’une bulle, tant sociale que professionnelle. Parvenir à redéfinir un nouvel équilibre peut prendre du temps, parfois beaucoup. Même en ayant préparé l’arrêt en diversifiant les formations ou activités hors rugby, la transition est violente. Se préparer à cette épreuve permet de mieux vivre la transition mais aussi d’éviter les potentiels drames liés à toutes les problématiques que sont la formation, la recherche d’emploi, la diminution des revenus, etc.

Je suis parvenu à ne pas perdre trop de temps en repartant le plus rapidement possible sur un nouveau projet. Assez naturellement, j’ai transféré mon approche sportive à mon environnement professionnel. On ne change pas de mode de fonctionnement du jour au lendemain ! Même en partant de zéro, je me suis mis à essayer de lister les compétences acquises au rugby : leadership, rigueur, persévérance, résilience, esprit d’équipe, etc. Il y en a beaucoup, mais parvenir à les valoriser pour la suite de son parcours professionnel n’est pas toujours facile. Les codes en entreprise sont loin d’être les mêmes que ceux d’une équipe. Il faut savoir traduire, en quelques sortes. L’accompagnement dans ce moment crucial d’une carrière est un vrai accélérateur, autant pour les jeunes que pour les vieux briscards. 

La fin de carrière est une étape incontournable dans la vie du sportif. Elle l’oblige à redéfinir son quotidien, ses objectifs, ses compétences mais aussi, et plus simplement, son identité. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire. Il y a un cadre à définir propre à chacun, avec des objectifs qui prennent en compte le caractère et la personnalité du joueur ou de la joueuse concernée. Pour la première fois, cette épreuve va devoir être traverser seul(e), sans y avoir été forcément préparé(e). De nombreuses dimensions sont à prendre en compte, évidemment la partie financière et les compétences, mais aussi et surtout le fait de parvenir à définir un nouveau chemin qui devrait de nouveau apporter épanouissement et réussite.

Benoit Guyot

17/02/2022

Dernières publications