La force du respect

28/11/2020 - 3 min. de lecture

La force du respect - Cercle K2

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Le Général (2s) Marc Delaunay est Président de MARS Analogies et Co-fondateur d’AME-France (Association des Militaires Entrepreneurs).

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La force du respect

Chacun aspire au respect : pour lui, sa famille, son métier, son histoire.

Il ne s’agit pas de forcer le respect mais de lui rendre la force vertueuse dont il n’aurait jamais dû être privé.

Ce n’est ni le "respect !" du "pote" intouchable, passeport commode pour l’impunité, ni les respects protocolaires qu’on présente à des chefs pas toujours dignes de cette marque d’autorité.

Matière à option de l’éducation, bousculé par l’explosion de l’incivilité et la violence, le respect se dilue dans le monde ensauvagé qui pointe.

Ce mot pacifique et civilisé, oublié de nos spasmes sociétaux, déserte nos paysages de crises à répliques interminables où l’interdiction devient la règle et la liberté l’exception. Quant à faire respecter ces règles, c’est une toute autre affaire…

La mort tragique du professeur d’histoire de Conflans-Sainte-Honorine a été une illustration emblématique de la défiguration progressive du respect par la politique et la société.

Elle nous a d’abord renvoyé à la décapitation symbolique des aristocrates et des opposants à la Terreur, aux pires rituels archaïques et au retour spectaculaire de la mort publique à l’encontre de notre vision de l’humanisme et de la justice.

Entre la compassion solidaire et digne du corps professoral et la récupération outrancière des politiques et des réseaux sociaux, les réactions qui ont suivi ce drame témoignent de l’abandon croissant de tout ce qui constitue un respect exempt de faiblesse : l’attention réciproque à l’autre, le recul du jugement, le sens de la mesure et l’esprit de concorde pour perpétuer la paix civile dans la Cité de tous.

Ce respect, qui est-il ? Pilier de la qualité et de la durabilité des relations humaines, il coiffe l’équilibre entre droits et devoirs, calme le jeu dans la vie en société comme dans l’univers professionnel et apporte un surcroît de savoir être, individuel et collectif, aux seuls savoir-faire égoïstes qui ne suffisent plus. Respecter, oui, mais ce qui est respectable. D’où l’ardente obligation de lui redonner du souffle, de mettre cette matière vivante au programme de la formation et de l’éducation en tenant compte de l’environnement social, culturel, voire cultuel de ceux qui doivent l’apprendre.

Dans le monde militaire, ce rapport à l’homme, cette écoute du monde sous-tend le quotidien comme les circonstances exceptionnelles. Marque du sens et de la considération, il truffe nos expériences. Avec le respect, on apprend tant ; sans le respect, on n’obtient rien. Si on devait apprécier ce qui fait "le succès des armes de la France",  le soldat, comme toute l’armée française derrière lui, dirait combien le respect appris, pratiqué et transmis, cette "politesse de l’action", pèse lourd dans la balance. Le respect apaisé du frère d’armes ; le respect maîtrisé du cruel adversaire ; le respect attentionné des populations tapies sous la guerre ; le respect des environnements et des circonstances qui dictent leurs lois intraitables. Respecter rend le soldat, comme le citoyen, tout simplement meilleur.

Ainsi, au nom d’une laïcité devenue un totem dogmatique répétitif et un alibi désarmé face à la montée des communautarismes, on a vu les pouvoirs publics, Président de la République en tête, ressortir au nom de la liberté d’opinion les caricatures ensanglantées de "Charlie", avec le risque, dans un climat sanitaire anxiogène et un contexte géostratégique tendu, de provoquer les esprits faibles et de confondre dans un même rejet, pour ce qui les concerne, l’ensemble de nos compatriotes musulmans, pacifiques et extrémistes.

Insister sur un droit au blasphème rangé au statut de devoir, c’est faire une impasse coupable sur le respect à témoigner à ceux qui, dans la globalité des croyances et des obédiences, ont le même droit à vivre libres de croire, de pratiquer et de témoigner que les autres citoyens. Et, de surcroît, sont davantage investis dans l’engagement citoyen et la modération politique.

En polluant l’émotion sincère avec ces provocations répétées et inutiles, le pays a encore perdu une occasion de remettre à l’heure les pendules du fait religieux, inexorable en ce XXIème siècle où n’est médiatisée que sa face la plus sombre. Cette confusion, clivante et entretenue, est non seulement inapte à rétablir une paix républicaine enracinée, à accorder les responsabilités des pouvoirs publics, des clercs et des fidèles mais discrédite une nouvelle fois l’action publique et le faux débat médiatique. 

Dans ce domaine, la pratique ancestrale par les armées du respect des opinions et des pratiques religieuses allogènes est un exemple de ce que peut être une culture bien comprise du respect pour intégrer : un commandement attentif,  des cadres et soldats praticiens de la diversité et de l’altérité culturelle, un corps multiconfessionnel d’aumôniers sans distinction parmi les âmes, le respect de chaque tradition légitime, la prise en compte du calendrier des fêtes religieuses, l’octroi a minima de lieux de pratique, la cohabitation des sensibilités et la conduite du dialogue inter religieux sans que les exigences opérationnelles n’aient à en souffrir ; au contraire.

Aux approches de la mort, le sens et l’instinct de survie rapprochent et, si besoin, pardonnent et réconcilient.

Oublier le respect, c’est amputer l’avenir commun de l’une de ses facettes les plus éclairées.

Général (2s) Marc Delaunay

28/11/2020

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