La "radicalisation", vue du terrain d’un quartier Nord du 92

20/02/2015 - 2 min. de lecture

La "radicalisation", vue du terrain d’un quartier Nord du 92 - Cercle K2

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Un témoignage sans concession sur le comportement des jeunes dans un quartier défavorisé d’une commune des Hauts-de-Seine. 

« M’dame vous pouvez bien me ramener en garde à vue, m’en fous je suis déjà mort », tels sont les propos quotidien entendus, pendant 5 ans, de la part d’une minorité d’adolescents d’un quartier classé en ZSP. Ils ont 13 ans puis 20 puis 30, mais ils ne deviennent pas des adultes car ils sont désocialisés. « L’autre » n’existe pas pour eux. Ils se lèvent tard, se réunissent en pied d’immeuble, dans leur « quartier », qu’ils appellent par le nom d’une rue, beuglent, mangent, fument du shit sur l’espace public en attendant l’animation de la journée, le passage des « flics », des « schmitts », finalement les seuls qui leur portent un intérêt…

 

La violence, révélatrice de la fracture sociale

17h. Appel radio, une bagarre, armés de bâtons, de barres de fer, tous objets devenant contondants, leur imagination est sans limite, ils sont d’un seul coup 50 ou 80 sortis de nulle part, de l’autre quartier, de l’autre ville. Un accès de rage fugace et imprévisible, cette violence portée par les réseaux sociaux rend l’anticipation de l’événement quasi impossible pour les services de police. Quant on leur demande pourquoi ils se battent ? Ils répondent il y a eu « atteinte ». Et ce mot révèle toute la fracture sociale. Atteinte à qui ? A quoi ? Pas d’explications. Ils n’ont pas de code d’honneur, pas de sens de l’amitié, ils se regroupent pour faire du nombre, en intégrant les plus faibles, pas de sexualité affichée, et même la notion de fratrie semble avoir disparu.

 

Des jeunes « apatrides »

Le communautarisme n’existe plus avec cette génération. Ils sont de toutes couleurs de peau car ils sont presque tous nés sur le territoire français. Mais ils se sentent apatrides. Un petit nombre sont allés « au bled » obligés par les parents. Ils en reviennent encore plus déstructurés, réalisant le gouffre entre la transmission des traditions au sein de la cellule familiale et la réalité de la vie dans ces pays : ils ne sont là-bas aussi, que des étrangers non désirés. Rupture de racines, racontée à ceux qui sont restés dans le quartier. Cette situation exacerbe leur sentiment d’inutilité sociale en renforçant leur discours de n’être sur terre que pour mourir.

 

La case prison, bien souvent inévitable

Le parcours délinquant, accumulé, les conduit, dès lors, à un passage par la case prison qui les rend vulnérables au discours fanatique qui va donner du sens à leur « instinct » de mort. Le quart d’heure de gloire médiatique… Mourir les armes à la main face aux unités d’élite de la police. Après l’affaire Mehra, ils étaient entrés en religion, mais la plupart ont repris leurs habitudes. Quant aux autres, nous les avons vus à l’oeuvre récemment.

Que retenir de ce récit… Femme, encadrant des équipes opérationnelles localisées dans ce quartier, identifiée par tous, ils m’appelaient Madame et j’étais la Chef de la Police. J’ai toujours, même en temps de crise, engageant mes équipes à faire de même, maintenu une communication.

Pas d’angélisme dans cette démarche, mais, il faut se mettre à leur portée par des méthodes éprouvées d’individualisation au sein d’un groupe en les appelant par leur prénom, et surtout en leur tenant un discours simple : « tu joues... tu perds... »... Le vocable de l’autorité ils le comprennent puisque c’est la limite qu’ils cherchent. C’est aussi le début de la notion de respect. Rien n’est perdu. Revenons aux bases : tu ne voles pas, tu ne tues pas, tu ne violes pas…

 

20/02/2015

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