Le collectif de travail au secours de la grande démission

06/10/2022 - 3 min. de lecture

Le collectif de travail au secours de la grande démission - Cercle K2

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Caroline Diard est Enseignant-chercheur en Management des Ressources Humaines, à l'ESC Amiens.

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Un situation vraiment alarmante ?

Reprenant une expression employée courant 2021 aux États-Unis ("Big quit" : https://atlantico.fr/article/decryptage/vers-un-tsunami-de-demissions-la-loyaute-de-beaucoup-de-salaries-est-proche-du-point-de-rupture-covid-19-pandemie-impact-caroline-diard), le concept de grande démission est au cœur des préoccupations managériales ! Il s’agit donc d’un enjeu stratégique pour les entreprises.

Dès la sortie du premier confinement, dans un contexte de crise sanitaire, de nombreux salariés ont volontairement quitté leur emploi (démissions et ruptures conventionnelles).

La DARES a publié, en août 2022, une note de synthèse dans laquelle les chiffres de 2022 sont comparés à ceux de 2008.

 

Deux crises, deux effets, mêmes conséquences. 

Ainsi, dans un contexte de crise financière, la France enregistre, au 1er trimestre 2008, 510 000 démissions (taux de démission de 2,9 %). Il s’agit alors d’un record depuis 1993 (2,1 %).

Au premier trimestre 2022, le taux de démission a atteint 2,7 %. La DARES fait état de 520 000 démissions entre fin 2021 et début 2022 (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/la-france-vit-elle-une-grande-demission).

 

Pourquoi rester ?

Dans un contexte post-crise sanitaire, le nombre de démissions est donc haut mais n’est pas inédit. Il témoigne d’un marché du travail dynamique, évocateur de nombreuses perspectives d’emploi. Les offres sont phéthores et les candidats se font rares. Les employeurs sont donc confrontés à une double problématique : attirer les candidats, retenir et fidéliser les talents.

Dans une telle situation, les salariés sont investis d’un nouveau pouvoir de négociation. 

Dans un contexte pénurique où les recrutements s’avèrent compliqués, ce qui contribue à tirer les salaires d’embauche vers le haut, les salariés attendent également bien plus que le salaire : télétravail, avantages en nature, sens au travail, missions motivantes (https://www.village-justice.com/articles/teletravail-marque-employeur-remede-contre-grande-demission,41929.html).

La situation actuelle correspond aux effets du confinement généralisé sur l’emploi mais pas seulement !  Certains employeurs n’ont pas pu compenser les incertitudes liées à la crise sanitaire avec le changement ni répondre à la quête de sens au travail.

Un collaborateur peut rester dans l’entreprise pour plusieurs raisons : conditions de travail très favorables (lieu de travail, avantages, salaire, horaires), un collectif de travail bienveillant, une culture d’entreprise motivante, un sentiment d’appartenance renforcé ou par loyauté.

Dans les organisations, il est donc intéressant de se demander à partir de quel moment un individu perçoit la situation d’emploi comme inacceptable au point de quitter l’organisation. 

Cela va dépendre des caractéristiques intrinsèques propres à chaque collaborateur : son âge, son genre, son environnement social et géographique, son éducation, et le groupe dans lequel il évolue. Cela dépendra aussi de sa place au sein de l’équipe et de sa perception de l’ambiance de travail. En effet, si l’organisation offre la possibilité à l’individu de bien s’intégrer dans celle-ci ou non. 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l’intention de quitter : des salaires trop bas, des opportunités de carrière limitées, un rapport conflictuel avec leur supérieur, des horaires de travail peu flexibles, des missions inintéressantes, des conflits au sein de l’équipe, un individu toxique ou déviant dans l’organisation.

Il est donc particulièrement intéressant de s’intéresser au rôle du groupe et à la culture d’entreprise. Une équipe de travail se conforme à un ensemble de valeurs et aux règles collectives jugées légitimes. 

 

Fidéliser, motiver et conserver les talents par la culture d’entreprise.

Il appartient au manager d’assurer la cohésion du groupe et d’éviter tout conflit qui serait nuisible au collectif de travail. Le manager est le garant de la culture d’entreprise et du partage des valeurs communes.

La culture d’entreprise est en effet un facteur de motivation et de cohésion. Elle représente l’ensemble des signes qui distinguent une entreprise d’une autre. C’est une somme de valeurs, de mythes, de rites, de tabous, de normes et de signes partagés par la majorité des salariés. 

Toute entreprise est constituée de sous-groupes sociaux composés d’individus appartenant à une ou plusieurs cultures nationales, régionales et professionnelles. 

Pour assurer la cohérence de cet ensemble, l’entreprise doit créer une identité collective, qui deviendra le point commun de tous ses membres, atout de motivation et de fidélisation (https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/la-culture-dentreprise-toxique-premier-motif-de-demission-aux-etats-unis-1378596).

Une culture d’entreprise renforcée permettra également d’éviter l’intégration d’individus toxiques, perturbateurs et sources de conflits, pouvant conduire à des démissions ou ruptures conventionnelles. 

 

Attention aux erreurs de recrutement : un seul individu et tout peut basculer !

Un recrutement en décalage du collectif, peu adapté à la culture, peut ainsi être une nouvelle source de départs. Cette situation est donc à éviter !

En effet, la présence d’un seul individu toxique, avide de pouvoir, peut conduire à des situations de harcèlement managérial, des doutes des salariés anciens, tentés de partir. Un seul élément peut faire vaciller un fragile équilibre et, comme décrit dans la mythologie grecque avec le combat fratricide entre Etéocle et Polynice, le pouvoir ne se partage pas aisément. 

Il est donc préférable d’envisager le collectif de travail en conformité avec une culture d’entreprise partagée co-construite, acceptée de tous et bien ancrée dans l’histoire et l’organisation de l’entreprise. À ce combat fatal, vous seul les aurez conduits (Racine, Antigone, Acte V, Scène 3).

Caroline Diard

06/10/2022

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