De la nécessaire réorganisation internationale de la sécurité des données de santé et du potentiel Français en la matière
06/06/2020 - 3 min. de lecture
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Rémi Thiolet est Fondateur et Président de ComSecProd.
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Connaissez-vous la société américaine Surgisphere Corporation ? Non ?
Cette entreprise américaine, créée en 2007 à Chicago, Illinois, et dirigée par le Pr Sapan Desai, est présentée par ce dernier comme spécialiste de "la performance et la qualité de la Santé au travers de l’analyse puissante des données dopées à l’Intelligence Artificielle"[1] et vient de provoquer un tremblement de terre dans l’univers "très sérieux" et "très contrôlé" des publications scientifiques.
Le 22 mai dernier, la vénérable revue scientifique The Lancet publiait une étude reposant sur l’analyse des données collectées par Surgisphere aux quatre coins du monde, auprès de "centaines d’hôpitaux" et passées au tamis de l’intelligence artificielle.
Cette étude, portée par quatre scientifiques, dont le fameux Pr Desai et trois autres qui étaient jusque-là renommés et dont nous tairons les noms (qui se sont depuis rétractés), produisait plusieurs conclusions, dont une allait faire grand bruit : "L’association d’Hydroxychloroquine et d’antibiotiques de type Azithromycine était non seulement inefficace mais augmentait de façon très sensiblement les risques de décès"[2].
Notre "gaulois réfractaire", le Professeur Didier Raoult, fervent défenseur de cette thérapie avait beau monter au créneau médiatique et vilipender le sérieux de cette étude, rien n’y faisait, la majeure partie des études cliniques comportant ces molécules étaient suspendues sine die par les Hautes autorités de santé des plus grandes Nations, sous l’impulsion énergique de l’OMS.
Nous savons aujourd’hui que l’étude de Surgisphere Corporation se basait probablement sur des données très certainement inventées pour l’occasion, en aucun cas collectées[2].
Un bidonnage de plus direz-vous… certes… néanmoins un bidonnage crédible aux yeux de The Lancet et des scientifiques renommés qui ne remirent en aucun cas en question l’origine des données présentées et "traitées".
Comme dans beaucoup d’arnaques, le cadre reposait sur des structures de données potentiellement crédibles, à savoir des données cliniques formatées dans des standards d’échanges internationaux reconnus et couramment utilisés par les systèmes d’information hospitaliers.
L’avènement de la gestion numérique des données de santé, destinée notamment à faciliter les échanges entre structures et organisations de santé, a, comme dans beaucoup de domaines, été développée différemment selon les pays, les cultures et les intérêts particuliers des politiques de santé nationales.
Les tentatives de normalisation internationale ont été principalement anglo-saxonnes et les initiatives d’ampleur, fusses-elles louables, ont été trustées par des organisations principalement américaines et largement liées à l’industrie informatique de santé Yankee, les européens, grands absents, à quelques rares exceptions individuelles, des organes décisionnels de ces organisations, en sont aujourd’hui à essayer vainement de rattraper un retard, de compréhension d’abord du "comment ça marche" et du "comment on s’en sert" ensuite.
Les référentiels de pathologie internationaux qui ont été créés sont souvent adaptés aux critères nationaux et modifiés en fonction d’approches différentes de la classification des maladies.
Cela fait la fortune de certains gros opérateurs informatiques, très souvent américains, qui proposent "d’interopérer" les différentes structures de données afin de permettre, entre autres, aux scientifiques de mener des études de masse sur des volumes issus de cohortes larges et internationales.
Mais cela pose une question : quelle est la garantie de la non-altération des données, qui sont obligatoirement anonymisées et quelle garantie a-t-on de leur fiabilité ?
Jusqu’à présent, la confiance en la responsabilité des organismes émetteurs, des organisations réceptrices et des revues scientifiques garantissant le sérieux de leurs publications prévalait.
L’affaire du Lancet vient de faire exploser ce principe.
La solution, s’il en existe une, peut venir de la nécessaire réorganisation internationale de la gestion des données de santé, et notamment de la création de ce que pourrait être une "garantie internationale d’origine et de fiabilité" de ces données.
Il est à noter que quelques entreprises françaises notamment, start-ups ou plus établies, ont planché sur le sujet et produit des solutions d’anonymisation des données de santé couplées à des technologies de blockchain garantissant l’intégrité des éléments récoltés.
En pointe sur ces domaines, la France pourrait jouer un véritable rôle et œuvrer à un consensus international sur la fiabilité des sources servant aux études cliniques de masse, à tout le moins en portant la voix de ses fleurons en la matière sur la scène internationale.
Espérons que les institutions françaises sauront identifier ces perles, soutenir leurs efforts et les promouvoir efficacement, ce qui est encore loin d’être gagné.
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[1] Source : LinkedIn
[2] Source AFP / Le Figaro
06/06/2020