Regardons vers l'avenir

06/10/2020 - 4 min. de lecture

Regardons vers l'avenir - Cercle K2

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Philippe Mourouga est médecin-statisticien.

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La politique sanitaire actuelle du gouvernement concernant la gestion du Covid ne cesse de poser polémique : du problème du délai d’obtention des tests au surdiagnostic potentiel[1] induit et, enfin, à la fiabilité exacte des chiffres concernant l’épidémie, il devient difficile pour le gouvernement de préserver une base de confiance et de crédibilité concernant ses dernières décisions.

En termes de source de chiffres concernant l’épidémie, on peut citer deux sources (parmi de nombreuses autres) :

    • Le lien vers les métadonnées d’un grand nombre de pays permet d’avoir une vision comparative et standardisée de l’épidémie Covid.
    • La note détaillée du 5 avril (en cliquant dessus ou depuis la page de garde) expose la méthodologie de comparaison. Je conseille particulièrement de lire l’article accessible depuis sur la page de garde : "Comment la France compte-t-elle ses morts ?" (G. Pison et F. Meslé, "The Conversation").
    • La dernière mise à jour (brève de juillet 2020) regroupant l’analyse des données de mortalité disponibles par pays permet de constater le fait suivant : "L’évolution du nombre de décès suit initialement une progression exponentielle très similaire dans tous les pays. Puis, après des mesures fortes de confinement, les courbes entament une inflexion, atteignent un plateau du nombre de décès quotidiens, puis amorcent une descente (situation actuelle de l’Italie, l’Espagne, la France et l’Allemagne), qui en Chine s’accélère puis ralentit. Seules exceptions : la Corée du Sud avec très tôt une stabilisation du nombre de décès, ainsi que la Suède avec inflexion et une descente plus lentes". Il est particulièrement intéressant de regarder les deux graphiques qui expriment bien les tendances depuis le jour 1 de l’infection. Les deux graphiques présentés à la fin du papier mettent, quant à eux, en évidence les différences régionales mais surtout permettent de mieux juger de la tendance par opposition aux pics quotidiens. En d’autres termes, on ne peut juger des conséquences d’une épidémie que par l’analyse des données de mortalité et seule la tendance permet d’évaluer l’existence d’une reprise épidémique.
    • On peut retenir un élément fort de ces analyses : "la structure par âge, l’état de santé, la prise en charge des plus vulnérables et les contacts sont des éléments-clés dans l’analyse de la propagation du virus". Cette remarque du rapport de fin mars 2020 a été vérifiée par l’expérience : les adaptations et mobilisations locales ont souvent fait la différence dans la gestion de la transmission du virus et des cas graves.
  • Un site plus grand public mais permettant aussi une comparaison inter-pays avec de nombreux graphiques et tableaux: COVIDminute. Une traduction en français est disponible.

A priori, aucun indicateur ne pointe en faveur d’une reprise épidémique de nature à mettre de nouveau notre système de santé en danger. L’élément le plus positif à rappeler dans ce contexte reste certainement l’amélioration de la prise en charge des patients atteint de Covid. En effet, la pratique clinique a énormément évolué depuis le début de la crise avec une prise en charge optimisée des patients tant en unité de soins intensifs qu’à l’arrivée des urgences : les insuffisantes criantes en termes de moyens ont été partiellement palliées, les équipes de soins se sont adaptées, les protocoles de prise en charge ont évolué. Cependant, le manque de personnel, la lourdeur administrative, la centralisation obsessionnelle pourraient de nouveau mettre la Nation en difficulté. Prenons-en pour exemple la polémique débutante à Marseille sur la difficulté pour l’APHM (Assistance publique de Marseille) de gérer une augmentation des hospitalisations par manque de moyens. Les derniers chiffres concernant une reprise épidémique en France inquiètent. Il est bon cependant de garder une certaine perspective (voir graphique concernant le seuil de dépassement des capacités d’accueil en réanimation et aussi le baromètre des réanimation). En définitive, les mesures de distanciation sociale restent les mesures les plus efficaces, à ce stade, pour nous permettre de maintenir la courbe des hospitalisations la plus basse possible.  

Espérons que la dernière tribune publié par un collectif de scientifiques soit effectivement l’élément final de ces polémiques et permette de se recentrer sur l’avenir.

À cet effet, le rapport publié par la fondation Bill et Melinda Gates en ce mois de septembre 2020 permet d’envisager cet avenir et de donner une perspective de rebond après une crise sanitaire majeure, unique et aux répercussions encore inconnues mais dont aucune n’amène à être optimiste. Le constat de ce rapport : un recul marqué des indicateurs de développement durable dans le monde en quelques mois associé à une collaboration internationale sans précédent pour rebondir. C’est là toute la force de ce rapport : écrire un avenir plus positif que nos peurs et annoncer qu’il n’est pas nécessaire d’abandonner l’idée d’une amélioration des conditions de vie. La sinistrose française apparaît d’autant plus décalée. Sans angélisme particulier, nous pouvons espérer que notre pays va rebondir si le gouvernement, quittant une approche infantilisante, permet aux français d’être conscients des enjeux.

Au-delà de l’arrivée des vaccins en 2021, il apparaît bien que l’ensemble des efforts consentis par la Nation depuis le mois de mars nous ont permis d’atteindre un stade de maîtrise de cette épidémie. Pourquoi douter que nous ne puissions continuer d’agir avec responsabilité ? Les citoyens ont amplement démontré au niveau individuel et collectif leur capacité de résilience. Il est cependant certain que les autorités sanitaires rendront compte, tôt ou tard, à la Nation de leur errance. Espérons que la dramatisation de la situation actuelle ne vise pas à créer un écran de fumée leur permettant d’échapper au bilan nécessaire.

Philippe Mourouga

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[1] Trop grande sensibilité des tests détectant des personnes positives mais non contaminantes. Pour plus d’information cliquer sur ce lien et, plus particulièrement, la note 127 de cette page.

06/10/2020

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