Comment l’usage de l’information stratégique peut aider en temps de crise ?

05/04/2021 - 4 min. de lecture

Comment l’usage de l’information stratégique peut aider en temps de crise ? - Cercle K2

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Alexandre Lanzalavi est un professionnel de la communication, spécialisé en communication d'influence et en intelligence politique, et Michel Tsimaratos Professeur de pédiatrie à l'Université d'Aix-Marseille et dirige le service de pédiatrie multidisciplinaire à l'Hôpital de la Timone à Marseille.

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La France, l’Europe et le monde, sont, depuis le début de la crise pandémique, exposées à des difficultés qui hypothèquent l’avenir et le jour d’après. Le scepticisme et le désarroi rayonnent entre désordre, contestation et émotion. Les récents évènements du Capitole, qui se sont déroulés aux États-Unis, première puissance économique mondiale et porte-étendard de la démocratie et du monde libre, ne font que confirmer le malaise qui sillonne les pays occidentaux et particulièrement les nations Européennes. Un retour à la normale après le Covid peut-il réellement être envisagé ?

Imaginer

Les impacts sociaux, économiques et politiques de la grave crise sanitaire mondiale que nous vivons, souvent présentés comme un manque d'efficacité de nos organisations, pourraient être aussi attribués à un défaut d’imagination, une absence de courage et d’inventivité qui bride l'anticipation, et privilégie la réaction. Il ne s'agit pas d'une chimère. Dans d'autres domaines comme les conflits armés, nos dirigeants basent leur stratégie sur des scénarios prédictifs grâce au renseignement. C'est l’anticipation qui rend possible l’activation de solutions innovantes, en phase avec les évènements. Anticiper c'est permettre les transformations nécessaires de nos ressources en avance sur l'agression. C'est aussi prêter attention aux opinions éclairées des experts reconnus qui jouent le rôle d'oracles.

Plus que des comités créés en réaction, au moment ou après l'agression, il serait pertinent de mobiliser des experts soigneusement sélectionnés, constitués en réseau, et à l'abri de l'agora médiatique pour alimenter en continu notre base de connaissance, et ainsi ne pas être pris au dépourvu. La vertu essentielle : échapper à l’improvisation !

 

Connaître

Sous cet angle, l'analyse froide et détachée de la crise actuelle suggère que nos lacunes, en termes de vision sur l’avenir, proviennent d’un déficit de connaissances stratégiques et opérationnelles. Une carence qui remplace la connaissance par la conviction, la croyance, les préjugés. Des préjugés dont le défaut majeur est de catalyser la fragilité et la versatilité des annonces. La récurrence des messages versatiles est interprétée comme un manque de discernement. Tous les domaines sont concernés. Bouleversements géopolitiques, nouvelles économies, rupture numérique et écologique, etc. Le recueil d’informations stratégiques est mis à mal. Les pseudo-experts se multiplient et se livrent des batailles d'égo, au détriment de la convergence de moyens.

Quel que soit le secteur, améliorer notre base de connaissance permet faire des choix stratégiques. Enrichir les bases de connaissances par le renseignement autorise une lecture éclairée des bouleversements mondiaux et donne de l'indépendance. Dans les secteurs stratégiques (énergie, produits de santé et industriels, composants électroniques, métaux rares, exploitation des data, intelligence artificielle, etc.), l'indépendance c'est la survie. Le savoir et la connaissance protègent.

 

Souffrir

L'Europe souffre dans ses secteurs stratégiques. L’exemple des vaccins illustre ce point. Pour créer ses vaccins, l’Europe dépend d’entreprises privées. Pour les fabriquer rapidement, la plupart des ressources sont à l'étranger. Le vieux continent, les 27 pays de la Communauté européenne et ses 370 millions d’habitants ne sont pas maîtres de leur destin. Cette situation pose questions sur les choix politiques et les investissements réalisés ces dernières décennies. Quels secteurs ont été privilégiés ? La recherche ? La santé ? Le renforcement de l’austérité économique ? Le new public management ? La dissolution progressive des politiques publiques ? Et sur quels éléments rationnels et informationnels ces décisions politiques ont été menées ?

Le manque de considération des autorités pour des études, des décryptages portant sur des secteurs stratégiques ou l’organisation de domaines majeurs démontrent qu’elles sont focalisées sur des visions à court terme. Les autorités sanitaires ne semblent pas avoir tenu compte du Plan pandémie et de la stratégie vaccinale, publié en 2011[1].

Dans ce plan, les recommandations pour faire face à une pandémie sont clairement formulées.

Par ailleurs, en 2018, des simulations et des scénarios envisageaient un risque accru épidémique à l’échelle planétaire. La France, comme beaucoup d'autres pays, n’y a pas prêté l'attention suffisante pour se préparer. Les données existent, mais elles sont méconnues. Une sorte d'inculture collective.

 

Anticiper

L’exploitation de l’information concerne, en premier lieu, les fonctions de communication qui sont au cœur du processus de transformation de l’information en connaissance, car l’usage stratégique de l’information permet de décider, contrôler, innover et contourner des écueils dont les conséquences peuvent être irréversibles. Une approche davantage soumise à l'état d’esprit qu’à une démarche purement technique. Les décideurs, responsables politiques, hauts fonctionnaires ou chefs d’entreprise ont un intérêt direct à cultiver leurs connaissances. Adopter des réflexes de gestion de l’information stratégique c'est permettre la mise en place d'une démarche d’influence. Un moyen robuste pour partager et alimenter le débat avec des réflexions structurées et une vision globale. À ce sujet, les rapports parlementaires pointent sans complaisance l'absence de stratégie de la France[2].

Il semble que l'urgence soit un peu plus perceptible au regard des effets délétères de la crise sanitaire et du risque de perdre la santé.

Sans imagination, la crise pandémique isole les plus faibles et tue deux fois.

La mise en œuvre de politiques d’intelligence économique, territoriale et d’influence (et même de soft power) est l’un des maillons faibles dans notre chaîne de performance. Une lacune qui grève le développement de puissance pour nos territoires et notre tissu économique. La recherche, la production et l’animation d’un modèle global, efficace en matière d’intelligence économique et d’influence, est proposé depuis longtemps[3].

Alexandre Lanzalavi et Michel Tsimaratos

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[1] Document d’aide à la préparation et à la décision / plan national de prévention et de lutte "Pandémie grippale" [archive]. Ref doc : n° 850/SGDSN/PSE/PSN Octobre 2011. Ce plan abroge et remplace le plan national n° 150/SGDN/PSE/PPS du 20 février 2009.

[2] Nicolas Moinet : "Nous sommes en guerre économique. On ne peut pas répondre aux dynamiques de réseaux par une simple logique de bureau".

[3] Rapport Martre de 1994, travaux de Claude Revel, déléguée interministérielle à l’IE en 2013

05/04/2021

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