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René Villemure est Éthicien, Président-Fondateur d'Ethikos et Conférencier international.
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L’éthique n’est pas un sujet nouveau. Platon et Aristote ont beaucoup écrit à ce sujet, il y a bien longtemps déjà.
Au fil du temps, plusieurs penseurs et philosophes se sont intéressés à l’éthique qui, au cours des 100 dernières années a été "éclatée" en plusieurs sujets telles l’éthique médicale, l’éthique de l’environnement et, bien sûr, l’éthique des affaires. Paul Ricoeur avait un nom pour ces éclatements ; il les appelait "éthiques régionales". Toutefois, avant que d’être une éthique régionale ou l’éthique de quoi que ce soit d’autre, il faut qu’elle soit l’éthique en soi.
Depuis toujours, la philosophie questionne la nature, la vie humaine et la vie avec les autres - ce que nous appelons depuis peu le "vivre-ensemble".
Par le biais de questions telles que "Qui suis-je?", "Que puis-je connaître?", "Que m’est-il permis d’espérer?", la philosophie a tenté de répondre aux interrogations qui se sont posées ou imposées au fil de l’Histoire et de l’évolution des sociétés.
On peut affirmer sans se tromper que le mot "éthique" est largement connu. Il est dorénavant employé par certains pour décrire le monde de l’économie, du travail, de la mode, de la technologie, de la gouvernance, voire de la pornographie. Toutefois, au-delà de la notoriété du mot "éthique", celle-ci est-elle réellement comprise pour autant ?
Si on investiguait un peu plus et posions la question "De quoi l’éthique est-elle le nom ?", les réponses tourneraient invariablement autour des manquements, des fautes, des fraudes et autres malversations. C’est dommage mais force est de constater que, pour plusieurs, l’éthique, c’est avant tout les manquements.
C’est pourquoi, si on désire faire une différence dans le monde, il est essentiel de poser la question : de quoi parle-t-on lorsque l’on parle d’éthique ?
Éthicien depuis plus de 20 ans, j’investigue ce sujet au quotidien et observe sa progression au fil des années dans le discours public, dans les médias, chez les acteurs économiques ainsi que dans la vie de tous les jours.
Pour ma part, et pour faire court, je définis habituellement l’éthique comme étant la forme pratique du bien faire. Elle est une réflexion exigeante qui cherche à déterminer ce qui est juste dans les circonstances. En d’autres termes, l’éthique pose la question : que convient-il de faire dès lors que l’on veut bien faire ?
Je remarque qu’au fil des années, en migrant des facultés de philosophies vers le monde de l’entreprise, l’éthique s’est transformée : d’une réflexion critique stricte, elle a parfois été réduite à un simple processus où la conformité l’a emporté sur la pensée. D’un idéal à l’origine, l’éthique normative réduit l’éthique à un minima.
Quoi qu’il en soit, aux fins de compréhension et d’appréciation, je vous propose une vue d’ensemble, tant rétrospective que prospective, sur les transformations de l’éthique au fil du temps ainsi que sur les grammaires dorénavant utilisées pour parler de l’éthique du futur.
Hier : de l’éthique primitive à l’éthique normative
Il y a d’abord eu l’éthique dite primitive où un vague sentiment du bien et du mal a guidé la conduite des premiers humains. Les philosophes de l’Antiquité nous ont ensuite proposé l’éthique des valeurs où des idéaux tels le respect et l’intégrité devaient guider la prise de décision. La professionnalisation des affaires et de la vie publique nous a ensuite entraîné vers une troisième forme d’éthique, normative cette fois, que l’on appelle l’éthique normative ou déontologique. Dans cette configuration, c’est la conformité à des règles et des normes qui façonne l’idée du Bien. L’éthique est soudainement devenue une tâche administrative.
L’observateur attentif remarquera que, jusqu’à maintenant, l’éthique a surtout été évoquée dans une perspective de protection des entreprises. Les codes d’éthique, les ethics officers, les lignes de dénonciations, etc. sont tous des éléments qui ont pu orienter ou diriger les conduites afin de ne pas mal faire et de protéger les entreprises des nombreux risques éthiques, notamment en matière de conflits d’intérêts. Avec l’éthique normative, le Bien faire sociétal tarde à naître.
Aujourd’hui : l’éthique stratégique
En 2021, ne pas mal faire ne suffit plus. Si les entreprises désirent prospérer dans un monde post-pandémie, elles devront Bien Faire tout en étant en mesure de démontrer ce Bien Faire. C’est à ce moment qu’il faut parler d’éthique stratégique, c’est-à-dire de la forme de l’éthique qui permettra aux entreprises de se construire un capital éthique qui facilitera l’acquisition et la rétention de la clientèle et des talents, pour vrai. Les milléniaux sont catégoriques : ils choisissent leurs fournisseurs ou leurs employeurs en évaluant le niveau d’engagement social des fournisseurs ou des employeurs en question. Un haut niveau de cohérence est exigé entre ce que dit faire l’entreprise et ce qu’elle fait réellement, entre le discours et les actions. Ignorer l’importance des changements démographiques ainsi que le niveau de désirabilité éthique des milléniaux et par la société en général est une recette pour assurer la disparition de l’entreprise
L’éthique stratégique s’avère dorénavant un incontournable pour éclairer et guider les entreprises afin de leur permettre de faire du bien à la société; elle doit devenir un référent qui influencera la résolution des grands enjeux.
En 2021, l’éthique doit être comprise comme étant un actif qui permettra aux entreprises de durer.
12/02/2021