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Emmanuel Bloch est Professeur associé à l’Institut Français de Presse, Université Paris-Panthéon-Assas.
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(In)Consistance
Fin décembre 2023, il y a un an à peine, le gouvernement français s’enorgueillissait de la transposition dans le droit français - et même de la sur-transposition diront certains - de la réglementation européenne CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive) qui impose à toutes les grandes entreprises – et bientôt les ETI et PME – de diffuser toute une série d’indicateurs environnementaux. Notre pays était l’un des tous premiers à le faire et montrait l’exemple de son engagement environnemental à l’Europe entière.
Aujourd’hui, voilà que les ministres français se succèdent pour proposer l’un après l’autre la simplification de cette réglementation « insupportable ». Oubliant d’ailleurs au passage que ce sont bien les eurodéputés français de Renew qui ont porté ce projet lors de la précédente mandature européenne puis ont poussé pour son adoption au niveau européen avec l’approbation totale du gouvernement. Certes, les profils des parlements européen et français ont quelque peu changé ces derniers temps, mais ce sont souvent les mêmes - Mme von der Leyen en tête au niveau européen - qui ont porté avec intransigeance ce texte et qui, aujourd’hui, en dénoncent les excès.
Les entreprises ne sont pas en reste. Jusqu’à la mise en œuvre effective de ces textes, nombre d’entre elles dont les plus grandes, se répandaient dans les médias professionnels et les conférences « d’experts » pour rappeler que certes c’était une marche à franchir, mais qu’au final cela profiterait à la compétitivité européenne. Un discours porté par les directions RSE, mais qui ne semble plus du goût des directions générales des mêmes entreprises.
Après la sortie de M. Menegaux, PDG de Michelin, lors l’assemblée générale du Pacte Mondial des Nations Unies en mai dernier, dénonçant « l’application catastrophique » de la CSRD, c’est au tour de M. Bonnafé, PDG de la BNP, d’évoquer en décembre un « cauchemar réglementaire », « un délire bureaucratique ». L’intervention de M. Bonnafé marque à ce titre une véritable rupture, le monde financier ayant depuis le début été très actif pour pousser la réglementation à demander toujours plus de données RSE aux entreprises, au prétexte qu’elles en avaient besoin pour leurs investisseurs (sans se rendre compte peut être qu’elles-mêmes devraient y répondre un jour).
Ces allers-retours et changements de position pourraient être amusant, s’ils n’avaient pas autant de conséquences pour les entreprises qui les appliquent. Jusqu’à cette année elles n’ont pas ménagé leur effort pour souligner le poids économique qu’allait faire peser sur elles l’application de réglementations extrêmement complexes à mettre en œuvre telles que la CSRD, la SFDR, la Taxonomie et bientôt la CS3D. Longtemps l’Europe - mais également les parlements et gouvernements nationaux - ont été sourds à ces appels, perçus comme l’opposition du grand capital à la mise en place d’un monde plus écologique, plus humain, et d’un environnement plus sain.
Maintenant que le coût réel de ces grandes législations se révèle au grand jour et que leur impact économique se fait sentir durement jusqu’à menacer l’existence même de pans entiers de l’industrie européenne, c’est l’heure des volte-face. Reste à espérer que ce ne soit pas trop tard…
14/01/2025