Les entreprises face à la crise : rupture des routines, émergence des valeurs humaines, gestion de l’incertitude, anticipation et adaptation, vertus de l’action
29/10/2020 - 4 min. de lecture
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Nicolas Bottero est Directeur général d'une PME.
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Sans minimiser les drames humains, la crise nous a sensibilisés au soin mutuel et collectif, à la solidarité et à l’effort commun et mis en lumière le rôle sociétal que peut jouer l’entreprise.
C'est ce que nous avons entendu partout et le comportement dont nous avons fait preuve. Le "prends soin de toi, faites attention à vous". C'est cette notion d'éthique, de sollicitude, d'être attentif aux autres qui se manifestait encore plus pendant la période de confinement. Tous, durant ces moments, nous nous sommes interrogés à partir de situations extrêmement différentes mais c'est ce qui nous unit. Il nous appartient de faire en sorte que cette unité perdure après la crise.
En effet, aucun d’entre nous ne s’attendait à une telle vague de risques dans nos quotidiens. Il semble que chacun a réalisé soudainement le confort dans lequel nous vivons. Nous avons découvert qu’une rupture de nos routines était possible, mais surtout pouvait arriver sans prévenir. Se préparer et s’équiper en cas de rupture de la normalité deviendra-t-il habituel ? Comment l’entreprise peut se positionner par rapport à cette nouvelle donne ? (Dans son organisation ? Dans son offre de valeur ? Dans sa raison d’être).
Cette crise peut frapper durement et durablement notre économie. Des entreprises vont malheureusement disparaître, d’autres vont se relancer en saisissant les opportunités. Après le temps de la gestion de ce méga choc et des ralentissements, le temps de l’organisation de l’après dans la durée doit se mettre en place autour de trois grands axes de réflexion :
- Quelles limites du modèle de l’entreprise ont été mises en lumière par cette crise ?
- Quelles opportunités naissent de cette crise pour nos activités ?
- Lesquelles de ces opportunités permettent de combler les limites de notre modèle ?
La principale vertu d’une crise, surtout lorsqu’elle est de nature exceptionnelle comme celle que nous vivons actuellement, est de nous révéler les pistes qu’il faudrait suivre pour faire évoluer la société dans le bon sens. Une valeur cardinale a émergé: la solidarité. Valeur souvent galvaudée, elle reste le point d’ancrage pour faire évoluer les relations humaines, notamment dans les échanges économiques. La solidarité au sein de l’entreprise se manifeste de deux manières :
- les rapports de personnes ayant une même communauté d’intérêts,
- le sentiment d’un devoir moral envers les autres membres du groupe.
Image simple, l’entreprise peut être cette "maison" ou nous habitons tous, où à la fin de la journée nous apprécions cette gratification personnelle d’avoir été utiles au bien commun. Cependant pas d’angélisme : l’entreprise n’a pas une vocation philanthropique. Sa raison d’être première est la rentabilité pour garantir son développement. Dans une société où le modèle et les valeurs de la famille ont profondément changé, ou la mission de l’école est parfois critiquée, l’entreprise peut jouer un rôle nouveau et fédérateur, celui d’un repère solide garant d’un certain lien social.
Le dénominateur commun de toutes les entreprises dans la gestion de la crise demeure l’incertitude. Beaucoup de questions ne trouvent pas de réponse. La fin du confinement et ses modalités en ont fait partie. Désormais, on s’interroge sur la durée de l’épidémie et de ses conséquences. Difficile de savoir quand, comment, qui et où ? Pourtant, il faut s’y préparer car il s’agit d’une étape essentielle pour nous, personnellement et professionnellement.
Malgré cette incertitude, nous devons continuer d’agir. L’action est notre seul salut pour que les entreprises puissent durer et surmonter cette crise. Pour cela, l’objectif majeur est de moins subir la situation en agissant plus concrètement. Nous devons, chacun à notre niveau de responsabilité accepter que nous ne contrôlions pas ce qui se passe. En revanche, nous contrôlons les réponses et les modes d’actions que nous mettons en place.
Cette situation inédite, qui génère un avenir complètement imprévisible, nous oblige à nous interroger en permanence. Il est important de ne pas attendre la fin de la crise pour en tirer les enseignements (le retour d’expérience). Pour résoudre les problèmes que les entreprises rencontrent, elles doivent éviter la paralysie en réagissant vite et en constante adaptation. Cette posture d’adaptation doit prendre en compte les approches suivantes :
- Que pouvons-nous faire maintenant avec les ressources dont nous disposons ? (l’action doit être la finalité pour continuer à avancer petits pas par petits pas)
- Quelles actions pouvons-nous mettre en œuvre avec un niveau de risque contrôlé ?
- Comment pouvons-nous influencer en notre faveur l’environnement dans lequel nous évoluons ?
Si ce mode de pensée n’est pas une recette miracle, c’est en tous cas un état d’esprit qui permettra de ne pas subir et de tirer parti de la crise pour préparer l’avenir.
En effet, la crise du Covid-19 se déroule en 3 temps. Le 1er était celui de la résilience (sécurité des collaborateurs, nouvelle organisation du travail, utilisation des dispositifs de soutien, esprit de corps et solidarité, etc.). Beaucoup de décisions ont été prises. Le 2ème est celui du moyen terme et de l’agilité. C’est celui que nous vivons aujourd’hui et pour les prochaines semaines, l’incertitude liée à l’évolution sanitaire qui nous oblige à imaginer le rythme et les modes de redémarrage de certaines activités. Le 3ème, dans lequel nous entrons progressivement, est celui du long terme, celui de la vision collective pour demain.
Cette crise peut susciter un tournant sociétal qui, à son tour, sera un tournant pour les entreprises. Tout comme les leçons de l’Histoire, il est essentiel pour les entreprises de ne pas oublier ce que nous enseigne cette situation extraordinaire.
29/10/2020