Cryptomonnaies : comprendre la menace hybride  pour mieux se protéger

30/06/2025 - 3 min. de lecture

Cryptomonnaies : comprendre la menace hybride  pour mieux se protéger - Cercle K2

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Jean-Christophe Cloetens est Directeur Général de Datagenese et Datagenese Balkans, Président d’Onyx International.

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La notion de menace hybride s’impose aujourd’hui dans tous les cercles de réflexion sur la cybersécurité. Mais de quoi parle-t-on exactement ? 

Loin d’être un simple mot à la mode, elle désigne des attaques combinées, mêlant différentes techniques et vecteurs d’agression, dans le but d’exploiter les vulnérabilités d’un individu, d’une organisation ou d’un système. Dans le champ qui nous intéresse ici, celui de la sécurité des profils exposés dans l’écosystème des cryptomonnaies, la menace hybride associe les outils du cyber (piratage, infostealers, doxxing, fuites de données, ingérence algorithmique) à des actions dans le monde physique : filatures, manipulations psychologiques, violences, voire tentatives d’enlèvements.

Elle est multidimensionnelle car elle combine intrusion numérique et agressions humaines, parfois en parallèle, parfois en séquence.

Elle poursuit des objectifs complexes : vol, surveillance, déstabilisation, intimidation.

Elle est difficile à détecter, car aucun des signaux pris isolément ne suffit à alerter.Elle implique une pluralité d’acteurs : groupes criminels, réseaux transnationaux, APT liés à des États, mais aussi individus opportunistes.

Ce type de menace exploite la convergence entre les univers cyber et physique pour maximiser l’impact tout en rendant toute défense plus difficile à anticiper.

Des faits récents qui ne sont plus anecdotiques

En France, les derniers mois ont vu s’accumuler les preuves de cette mutation des risques. Le 27 mai 2025, un commando structuré a été démantelé à Paris et en province. Leur cible : un investisseur en cryptomonnaies. L’enquête a révélé une surveillance fondée sur des données numériques : publications, localisations croisées, habitudes d’achat, informations bancaires. Un mois plus tôt, le père d’un entrepreneur crypto avait été enlevé à Paris. Rançon : cinq millions d’euros. Retrouvé mutilé, il aura passé 58 heures entre les mains de ses ravisseurs. En janvier, un cofondateur d’une entreprise de cybersécurité blockchain a été kidnappé avec sa compagne dans le Cher. L’intervention du GIGN a permis leur libération.

Ces cas ne sont pas isolés. À Troyes, un faux rendez-vous professionnel a abouti à une séquestration. À Paris, la fille d’un dirigeant crypto a été visée. Dans chacun de ces scénarios, la préparation de l’acte physique a reposé sur des données numériques collectées via l’OSINT, le Dark Web ou des fuites issues de malwares.

L’environnement numérique comme théâtre d’opérations

L’espace en ligne devient le principal écosystème de planification criminelle. Avec peu d’implication dans le monde réel, les agresseurs structurent leurs actions en exploitant les traces que la cible laisse en ligne — souvent sans le savoir. L’arrivée de l’intelligence artificielle amplifie cette dynamique : collecte automatisée, reconnaissance faciale, corrélation comportementale, analyse des portefeuilles blockchain… La vitesse, l’ampleur et la sophistication de ces attaques ne cessent d’augmenter.

La menace hybride est donc à la fois silencieuse et brutale. Elle précède l’agression physique. Elle la rend possible. Et elle brouille les lignes traditionnelles entre cybersécurité, renseignement humain, gestion de crise et sécurité personnelle.

Face à cela, les individus ne disposent que de peu d’outils formels. Les forces de l’ordre, sur-sollicitées, interviennent souvent trop tard. La protection rapprochée permanente reste inaccessible ou inadaptée. Pourtant, des solutions existent : discrètes, modulaires, agiles.

Passer d’une logique de réaction à une culture d’anticipation

Il devient urgent d’adopter une culture de sécurité préventive et rationnelle. Elle commence par une lecture de sa propre empreinte numérique : identifiants, adresses, historiques de fuites, zones de présence fréquente, photos publiées, wallets crypto visibles… Ce diagnostic peut désormais être mené via des outils OSINT avancés, recoupant les sources ouvertes, le Deep Web, les registres publics, les chaînes blockchain.

À partir de cette cartographie, on identifie les vecteurs de risque, les scénarios d’exploitation possibles, les angles morts. Viennent ensuite les contre-mesures : sécurisation des données, segmentation des identités perso/pro, cloisonnement des actifs numériques, limitation de l’exposition des proches.

Certaines solutions proposent une réponse rapide et ciblée en cas de menace : présence ponctuelle, sécurisation de trajets, accompagnement discret. Ce n’est ni du “bodyguarding” de luxe, ni une posture paranoïaque. C’est une réponse sobre, mais lucide, à un phénomène en expansion.

Enfin, la collaboration avec les autorités — lorsqu’elle est nécessaire — doit être facilitée, notamment pour les déplacements sensibles ou à l’étranger. Former les figures publiques à la gestion de crise, éduquer les jeunes profils exposés, coordonner les niveaux de réponse : autant de leviers pour renforcer la résilience.

Une prise de conscience nécessaire

La cryptomonnaie n’est pas seulement un actif technologique. Elle révèle les fragilités d’un monde où l’exposition informationnelle devient un enjeu de sécurité à part entière. Dans cet environnement, se protéger ne signifie plus seulement verrouiller ses comptes, mais reprendre la maîtrise de son image, de ses flux et de ses usages.

Ce que nous vivons n’est pas une vague passagère : c’est un changement d’ère. Et dans cette ère, la menace hybride n’est pas un risque parmi d’autres. Elle est le nouveau visage du danger.

Jean-Christophe Cloetens 

30/06/2025

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