L’attractivité de la France, une réalité fragile

07/12/2023 - 4 min. de lecture

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Diplômé de SciencesPo Bordeaux, puis du Ciffop en 2001, Vincent Lavaux a occupé diverses fonctions dans la gestion des ressources humaines en France mais aussi en grande partie à l’international, en Europe, en Afrique du Nord et aux États-Unis. Ces expériences de terrain lui ont permis de développer une connaissance des environnements économiques et sociaux ainsi que des modèles de gestion des ressources humaines hors des frontières hexagonales.

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L’attractivité de la France, une réalité fragile

 

Sujet par essence transpartisan, l’attraction des capitaux étrangers doit rester une priorité dans une économie en constante mutation.

Il y a quelques jours, le laboratoire danois Novo Nordisk annonçait un investissement de plus de 2 milliards afin de doubler ses capacités de production sur son usine de Chartres. Nul doute que cette annonce résulte d’un long travail et d’une collaboration active entre les différents acteurs tricolores afin de convaincre les décideurs d’une entreprise étrangère de renforcer sa présence en France plutôt qu’ailleurs. Alors que la crise du Covid a soudainement redonné des couleurs à l’idée de réindustrialiser l’Europe, la compétition avec nos voisins pour attirer les capitaux étrangers n’en est pas moins rude. Une telle annonce devrait donc naturellement soulever une vague d’optimisme et de confiance. Et pourtant… force est de constater que le traitement médiatique frôle le service minimum. Ces bonnes nouvelles sont probablement moins vendeuses que le drame social d’une fermeture d’usine. Chacun peut néanmoins comprendre que le bénéfice d’un tel investissement du géant Danois n’est pas immédiatement tangible, contrairement au préjudice des salariés qui perdent leur emploi. Mais bien que moins tangibles, les emplois futurs sont une réalité, une promesse d’avenir pour un bassin d’emploi, un horizon qui s’ouvre également pour des partenaires et des sous-traitants. Pourquoi alors snober ces bonnes nouvelles ?

L’attractivité de la France est une réalité. Non pas une conviction ou une intuition mais un fait dont il appartient à chacun de saisir, sans nier les nombreux défis qu’il reste à relever. Lors de la dernière édition de « États de la France » au CESE, Pascal Cagni, Président de Business France et ambassadeur aux investissements internationaux, rappelait que la France est championne d’Europe avec 1 259 projets d’investissement en 2022, en hausse de 3%. Un leadership que le monde nous envie et que seuls les Français ignorent. La libération des échanges et la mondialisation débridée des années post-guerre froide annonçaient un nouvel ordre commercial fondé sur la recherche systématique des avantages comparatifs. Des biens de consommation parcouraient (et continuent) de parcourir des milliers de kilomètres, dans un écosystème où les risques géopolitiques et écologiques étaient minimisés voire ignorés. La migration de nos chaînes de montage vers l’Europe de l’Est jusqu’à l’Asie a longtemps été présentée comme une évidence par des experts et cabinets de conseils avides d’accompagner ce mouvement. Aux pays à bas coût la production de biens de consommation, au reste du monde le service et l’innovation technologique. La question de l’attractivité de la France est donc restée dans l’ombre pendant trop longtemps, alors que notre réseau diplomatique se focalisait sur des sujets plus nobles, laissant aux missions économiques de nos ambassades le soin de vendre la France à de potentiels investisseurs. Puis, les questions d’intelligence économique, de souveraineté et d’autonomie stratégique ont peu à peu fait leur chemin hors des cercles spécialisés. Le mythe de la mondialisation heureuse s’est progressivement effacé devant l’appétit de nouveaux concurrents partis à la conquête de marchés que nous pensions acquis. Une concurrence décomplexée dont les méthodes ont forcé le réveil des Européens. Ainsi avons-nous réalisé récemment que nos amis chinois pouvaient faire disparaître un Airbus afin de le démonter entièrement dans le plus grand secret pour éviter de réinventer la roue. Dans ce contexte, la réindustrialisation de l’Europe occidentale passe du statut d’idée ringarde à celle de priorité stratégique, portée en étendard par les instances de l’Union Européenne et des politiques volontararistes. Pour quels objectifs ? Si on estime à 2.5 millions les emplois industriels perdus depuis 1975, la France a-t-elle les capacités de se réindustrialiser et à quelle échéance ? Le débat est ouvert, les défis sont nombreux et bien connus : choc de simplification, révolution digitale, formation professionnelle, désenclavement des territoires… le tout en assurant la transition vers une économie décarbonée. Et, bonne nouvelle, nous avons quelques atouts dans notre jeu : des viviers de talents, le crédit impôt recherche, des réseaux de transports ou encore un prix de l’énergie très compétitif. Il importe néanmoins de rester lucide et garder à l’esprit la nécessité de s’adapter continuellement dans une économie mondiale instable et en constante mutation. L’attractivité de la France est fragile et impose agilité et pragmatisme.

À l’heure où l’on s’apprête à accueillir les Jeux Olympiques, promouvoir l’attractivité de la France devrait être par essence un enjeu transpartisan, mobilisant les acteurs privés et publics, les pouvoirs locaux et centraux, les Français de l’intérieur et de l’étranger. La France continue de jouir d’une image positive malgré nos traditionnels défilés rouges ou jaunes, malgré la nostalgie qui habite l’inconscient collectif d’une nation qui eut son heure de gloire, lorsque le français était parlé dans toutes les cours européennes. Mettre en avant nos atouts sera toujours plus exigeant que de se lamenter sur nos insuffisances. Dans ce contexte, il appartient à l’État stratège et à des corps intermédiaires responsabilisés de s’emparer du sujet et, in fine, au citoyen engagé, à son niveau, de porter l’image de son pays.

Vincent Lavaux

07/12/2023

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