Les Journées du patrimoine

18/09/2021 - 4 min. de lecture

Les Journées du patrimoine - Cercle K2

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Christine de Langle est Historienne de l’art et Fondatrice d’Art Majeur.

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La France célèbre chaque année, le troisième week-end de septembre, les journées du patrimoine. À l’origine, Jack Lang, ministre de la Culture, lance en 1984 une "Journée porte ouverte dans les monuments historiques" qu’il souhaite, dès l’année suivante, étendre à l’Europe. Dès 1991, le Conseil de l’Europe officialise les Journées européennes de la Culture auxquelles l’Union européenne s’associe. L’objectif est la visite du patrimoine national et européen et la découverte des lieux habituellement fermés au public. Depuis 1999, un slogan européen proclame "L’Europe un patrimoine commun pour une meilleure compréhension entre ses peuples".

Cette année de 38ème édition, de 40 ans de la SNCF, la France choisit de célébrer son patrimoine ferroviaire, du mythique Train bleu à la gare de Metz classée Monument historique. Avec "le patrimoine pour tous", l’accent est mis sur l’accessibilité des lieux de visite.

Ces journées sont pour beaucoup de Français l’occasion de découvrir les lieux de pouvoir de la République : chaque année, le Palais de l’Élysée remporte la palme du monument le plus visité.

Cette actualité est une merveilleuse occasion de s’interroger sur ce qu’évoque le patrimoine pour chacun de nous. On y accole souvent un qualificatif : patrimoine immobilier, patrimoine génétique, patrimoine naturel mais quand il apparaît seul, selon un accord tacite, il s’agit de patrimoine culturel. 

L’étymologie nous rappelle qu’il s’agit d’un héritage de famille, un bien "paternel". À chaque fois, le mot définit un bien commun à gérer, conserver et transmettre. Alors, que célèbre-t-on avec les Journées du Patrimoine ? Au-delà du choix que nous faisons de privilégier telle ou telle visite lors de ces journées, la question devient quel patrimoine souhaitons-nous gérer, conserver, partager et transmettre ? Nous sommes tous concernés car nous sommes tous propriétaires de ces monuments nationaux, gérés par délégation populaire par l’État. Quant aux monuments privés, c’est l’occasion d’exprimer notre gratitude envers des propriétaires qui souvent se saignent aux quatre veines pour entretenir et transmettre à la génération future.

Tous ces monuments sont notre fierté et notre mémoire collective.  C’est aussi ce qui nous permet de comprendre un lieu car nous en sommes issus et ce sont nos racines. "Plus mon petit Liré que le mont Palatin", à la suite de Joachim du Bellay, nous clamons notre amour du terroir. Ces références communes, quelles sont-elles ? Les avons-nous encore ? Et comment les transmettre à des visiteurs étrangers ? Ils viennent en France, synonyme pour eux de pays de culture et sont souvent déçus de voir l’ignorance des Français sur leur histoire. 

Une autre manière de poser la question : qu’est-ce qu’être français ? Vivre en France ? Qu’est ce que j’admire ? Qu’est-ce que j’aime ? Quel patrimoine ai-je reçu ? Ai-je acquis ? En suis-je fier ? 

À chacun ses priorités en fonction de son histoire. Comme vous pourrez en juger par cette anecdote personnelle : quand je travaillais au Louvre qui était comme ma deuxième maison, j’habitais non loin, de l’autre côté de la Seine. Un jour, je vois apparaître un immense nuage de fumée. Mon sang ne fait qu’un tour et dévalant les escaliers à toute vitesse, je cours jusqu’au Pont Royal croyant me trouver devant une vision d’horreur, un Louvre en flammes… Las, l’incendie était plus éloigné, ce n’était "que" le Crédit Lyonnais qui brûlait !! Chacun ses priorités.

En fait de priorité, arrêtons-nous sur le monument le plus visité de France. Si je vous pose la question, vous répondrez peut-être, comme beaucoup : la Tour Eiffel ou le Mont Saint-Michel. Avec ses 14 millions de visiteurs par an, Notre-Dame de Paris arrive en tête (deux fois plus que les précités). Cela mérite notre intérêt. Que représente Notre-Dame de Paris ? Nous en avons eu un aperçu lors de l’incendie du 15 avril 2019. Que voulait dire le Courrier International en titrant "Notre-Dame du monde" ? Et les journaux du monde entier qui ont titré sur cet évènement ? Nous découvrions abasourdis que le drame de Notre-Dame de Paris, monument certes inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, faisait saigner le cœur de tous. 

Chacun, français ou étranger, avait une bonne raison de s’émouvoir : croyants et athées, amoureux des arts et de la littérature, chacun évoquait "sa" cathédrale : celle voulue par l’évêque bâtisseur Maurice de Sully au XIIème siècle, celle qui abrite les reliques de la Passion rachetés à prix d’or par Saint Louis au XIIIème siècle, celle du voeu de Louis XIII exécutée par Louis XIV et réaffirmée par Louis XV, celle du sacre de Napoléon, du Te Deum de la Libération de Paris en 1944 ou de la célébration pour les morts des attentats de 2015. Mais aussi celle Victor Hugo, de Walt Disney ou de la comédie musicale créée en 1978 qui fit ensuite le tour du monde.

Loin d’une démarche passéiste de vouloir préserver le patrimoine, une idée de partager ce que nous chérissons et de transmettre ce qui mérite de l’être. Ce qu’on appelle la tradition. Une tradition vivante en constante évolution, j’en veux pour preuve les concertations autour de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

Pour conclure, pourquoi réserver cette célébration du patrimoine à un week-end par an ? Notre connaissance du patrimoine, son partage et sa transmission doit s’exprimer tous les jours. Une façon de se définir qui nous pousse à nous interroger, à échanger avec d’autres sur cette notion de patrimoine. Une évolution permanente à partir de racines profondes qui assurent un réseau, des liens et des correspondances, c’est ce qu’on appelle la vie.

Christine de Langle

18/09/2021

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