Le renseignement canadien, une voix faible faute d’histoire forte

30/05/2025 - 2 min. de lecture

Le renseignement canadien, une voix faible faute d’histoire forte - Cercle K2

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Cédric Debernard est vétéran des zones rouges et romancier.

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L’Arctique est en train de devenir l’un des théâtres majeurs de la compétition mondiale du XXIe siècle. Ressources naturelles, routes commerciales, intérêt militaire, ce vaste territoire, longtemps marginalisé sur la carte géopolitique, attire désormais toutes les convoitises. Dans ce contexte, le renseignement, outil complémentaire à la défense et la diplomatie, devrait jouer, comme il se doit, un rôle fondamental. 

D’un point de vue géopolitique, le Canada se retrouve en première ligne. Géographiquement face à face, Canada (un quart des façades) et Russie (la moitié) sont engagés dans des revendications concurrentes sur le plateau continental, notamment autour du pôle Nord, où leurs ambitions se croisent. Avec les États-Unis, un différend persiste quant au statut du passage du Nord-Ouest, notamment en lien avec la souveraineté sur les routes maritimes autour du Groenland, territoire voisin d’importance à plus d’un titre. La Chine, bien qu’à distance des zones polaires, se positionne néanmoins comme un acteur incontournable en promouvant un statut d’« État quasi-Arctique », investissant dans les routes maritimes, les ressources naturelles et la recherche scientifique, sous l’oeil attentif des puissances riveraines. Cette situation, emblématique entre toutes, impose au Canada non seulement des postures diplomatique et militaire adéquates, mais également un appareil de renseignement agile, moderne, capable de défendre les intérêts nationaux dans une région aussi sensible que complexe dans les domaines géostratégique, social et environnemental. En dispose-t-il ? Rien n’est moins sûr si l’on en croit les rapports publics du Service canadien du renseignement de sécurité appelant à une réelle modernisation de la loi de 1985 qui le gouverne encore aujourd’hui.

Dans l’espace public, on pourrait y voir une conséquence, une attention pour le moins marginale est portée au rôle et activités du renseignement canadien. Il reste peu connu, peu discuté et peu valorisé dans les médias et les débats. Plus frappant encore : si les services britanniques, américains ou français pour ne citer qu’eux, actifs sur le terrain, nourrissent depuis longtemps l’imaginaire collectif, le renseignement canadien reste absent des récits de fiction. Alors que tout le monde connait les James Bond, Ethan Hunt ou plus récemment Guillaume Debailly, il n’existe aucun personnage emblématique issu du Service canadien du renseignement de sécurité ou d’autres services fédéraux. Il y a là plus qu’un déficit d’image. Il s’agit d’une véritable lacune culturelle, qui reflète une forme de cécité stratégique.

Car la fiction n’est pas qu’un divertissement. Elle façonne la manière dont une société se représente sa sécurité, ses menaces, sa place dans le monde. Elle permet d'incarner les enjeux, de rendre visible ce qui se joue dans l’ombre. En ce sens, l’absence de récits mettant en scène le renseignement canadien face aux tensions géopolitiques globales, en Arctique en particulier, empêche le public de saisir pleinement les défis auxquels le pays est confronté.

C’est cette absence que j’ai voulu combler avec "Arctique : Dossiers Secrets", un roman qui s’appuie sur les dynamiques réelles du Grand Nord, premier tome de la série « Mémoire d’un espion » portée par Héraclès Éditions. En construisant une intrigue où les grandes puissances s’affrontent par le biais d’opérations secrètes sur le territoire canadien, j’ai cherché à illustrer la vulnérabilité, mais aussi le potentiel stratégique du Canada dans cette région. C’est un appel vibrant à mieux intégrer le renseignement et son imaginaire dans la posture canadienne face à un Arctique déjà disputé.

Il est temps que le Canada se dote non seulement des moyens réels de sa souveraineté, mais aussi des récits qui l’accompagnent. Car un pays qui ne se raconte pas dans la fiction peine souvent à se faire entendre dans la réalité.

Cédric Debernard

Site de l'auteur : cedricdebernard.com

30/05/2025

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