Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Le Général (2s) Marc Betton est Général de gendarmerie (2S) & Directeur de la sécurité de RTE.
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Le bouillant entrepreneur mondialement connu a récemment organisé une démonstration en ligne sur les avancées de sa société Neuralink en matière d’implants dans le cerveau. Trois cochons cobayes étaient exhibés, dont l’un porteur d’un implant qui diffusait en temps réel sur un écran l’activité électrique du cerveau de Gertrude, puisque tel est le nom de cette brave bête.
Les connaisseurs des sciences neuronales, dont je ne fais pas partie, objecteront que la recherche n’a pas attendu Monsieur Musk pour défricher ce domaine exaltant porteur de tant d’espoirs. En effet, la recherche sur les interfaces neuronales directes (IND) a commencé dans les années 70 à l’Université de Los Angeles. Il a fallu attendre les années 90 pour voir apparaître des expérimentations sur le décodage de l’activité neuronale de singes. Depuis, le champ des recherches s’est considérablement étendu, la majorité des applications concernant le domaine des neuro prothèses, conçues pour restaurer une fonction sensorielle ou motrice fortement diminuée. Un patient paralysé peut ainsi, par la pensée, déplacer une souris virtuelle d’ordinateur et composer un texte via une image de clavier afin de communiquer !
Donc, que peut bien apporter de nouveau le "show" d’Elon Musk ? En fait, le but est de démontrer l’innocuité d’un implant invasif pour les mammifères, afin d’accélérer le passage aux expérimentations sur l’homme. Certes, on expérimente depuis plusieurs décennies les IND sur l’homme, mais presque exclusivement dans un but thérapeutique. Monsieur Musk est un businessman de génie, pas un professeur spécialiste des neurosciences. Dans sa démarche d’entrepreneur pressé, il cherche à accélérer le passage à l’humain augmenté avec des applications de masse, par exemple une IND qui permettrait à l’heureux propriétaire d’une Tesla de la piloter par la pensée.
À l’occasion de son show, sa notoriété permet de sortir les expérimentations sur les IND du cercle des laboratoires de recherche et de poser des questions éthiques majeures.
S’agissant d’IND bidirectionnelles, c’est-à-dire qui émettent et reçoivent des signaux, on songe illico à la sécurité de transmission des ondes entre le cerveau humain et la machine et vice versa. L’implant présenté par Monsieur Musk est connecté via Bluetooth. Le cerveau de Gertrude peut donc être piraté comme un vulgaire ordinateur personnel. Donc le cerveau humain aussi facilement ! Voici venir le bio hacking.
Certes, on saurait parfaitement protéger le stockage des données et leur transmission entre l’IND et la machine grâce à des procédures de cryptage très sophistiquées mais, ce faisant, on ralentirait considérablement les performances de la machine. Or, les technologies à base d’IND et d’intelligence artificielle n’ont d’intérêt que par le niveau de performance qu’elles offrent. Le conducteur "augmenté" d’une Tesla n’achètera jamais une IND qui aura besoin de plusieurs secondes pour actionner les freins avant de renverser un passant qui traverse la rue tout en pianotant sur son smartphone. Pour les applications commerciales, la sécurisation des échanges de données traitées par l’IND devra immanquablement composer avec l’expérience utilisateur.
Scénario catastrophe, comme dans tous ces films (généralement américains) mettant en scène des bataillons d’humanoïdes augmentés pas très sympathiques ou des hordes de robots dictant leur loi à des humains bien démunis ?
Imaginez dans quel monde nous vivrions si ce modeste article m’était dicté par un robot ?
17/10/2020