Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Alain Papiasse est Chairman de Corporate and Institutional Banking et supervise l’activité du Groupe BNP- Paribas en Amérique du Nord et en Grande Bretagne. Il est par ailleurs Président de la French-American Foundation et Membre du Comité Exécutif du Cercle K2.
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Le monde est plus que jamais confronté à des défis majeurs appelant à des changements rapides et ambitieux de l’ensemble des acteurs économiques. L’urgence climatique, d’abord, nous oblige à repenser nos modèles de développement en profondeur pour allier croissance et préservation de la nature. La crise sanitaire, ensuite, représente également une crise économique inédite. Ces défis sont néanmoins aussi des opportunités.
Si ces dernières années la COP21 et l’adoption de l’Accord de Paris ont accéléré la visibilité des sujets liés au développement durable qui apparait désormais comme une évidence, la pandémie démontre aujourd’hui un renforcement sans précédent de la volonté de lier impératifs économiques et préservation écologique comme les deux faces d’une même pièce. De plus en plus, un lien est établi entre la nécessité de préserver l’économie et les emplois associés, et la prise en considération des impacts sur l’environnement et le monde dans son ensemble. L’économie se transforme rapidement, les modes de consommation aussi, et la croissance verte apparaît comme le seul chemin possible. Il s’agit donc de soutenir au maximum les entreprises et les acteurs qui opèrent des mutations de façon responsable et pouvant permettre un impact positif plus pérenne.
Cette pandémie et les programmes d’investissements massifs déployés en conséquence par les États offrent ici une possibilité unique d’agir en profondeur et de sécuriser des impacts positifs pour les décennies à venir. C’est ce qu’on observe avec les plans de relance partout dans le monde, et notamment en France où une forme de conditionnalité pour une transition verte et technologique est attachée aux divers plans de relance et aux PGE les plus importants. Il en va de même au niveau européen avec l’émission sans précédent de 750mds€ de dette commune qui établira un nouvel instrument financier de référence, affichant publiquement la volonté de transformer le défi immense auquel nous faisons face en opportunité d’investir dans un futur plus vert.
Contrairement à la crise de 2008, la finance, et plus précisément la finance durable, présente donc une partie des solutions pour relever les défis actuels. Les banques doivent y prendre leur pleine part et jouer un rôle moteur dans la transition en accompagnant toutes les entreprises effectuant leur mue vers un modèle plus vertueux, adoptant les meilleures pratiques de leur secteur, et convergeant vers l’ambition d’avoir un impact positif sur la société, l’économie et l’environnement.
Après avoir joué un rôle essentiel pour répondre à la crise de liquidité du printemps/été 2020 au travers de reports de remboursements, d’assouplissements de gestion de trésorerie et de la mise en place rapide de financements garantis par l’état, les banques doivent donc désormais s’inscrire dans le temps long et soutenir leurs clients dans leurs divers besoins de financements et de conseils. C’est pourquoi, en tant que leader européen de la finance durable, BNP Paribas propose une palette toujours plus large de produits "verts" et durables, que ce soit pour indexer les conditions de financement à l’atteinte de critères environnementaux et sociaux, ou pour flécher l’épargne vers des fonds d’investissement responsable.
Les défis restent toutefois nombreux afin de proposer un cadre du financement durable qui soit stable et transparent pour attirer un maximum d’investisseurs, épargnants comme institutionnels. Qu’il s’agisse de taxonomie partagée, de critères d’évaluation standardisés des impacts, ou même de disponibilité et d’harmonisation des données, un travail en commun des acteurs de la place financière est nécessaire pour apporter des réponses réalistes et efficaces. Ces outils de la finance verte apparaissent indispensables pour développer ce marché et pour pouvoir valoriser des éléments qui nécessitent d’être uniformisés et quantifiés de façon standardisée.
Dans ce contexte, une évolution des cadres règlementaires doit aussi permettre de servir une relance économique rapide et soutenable qui nécessite d’énormes investissements de transformation tels que ceux détaillés dans le Pacte Vert européen. Face à ces ambitions, un marché unique des capitaux, profond et liquide, est primordial pour combler les besoins en investissements en mobilisant puissances publiques et investisseurs privés. Les régulations gouvernant la catégorisation des produits, la titrisation des actifs verts ou la finance mixte, ou l’homogénéisation des attendus des régulateurs nationaux et européens en termes de gestion du risque climatique sont autant de briques d’un édifice à consolider au plus vite. C’est précisément l’un des objectifs de l’Union des Marchés de Capitaux, véritable serpent de mer européen en débat depuis plusieurs années. Relancée fin septembre par la Commission Européenne et soutenue publiquement par la BCE, il s’agit désormais d’aboutir sur des réformes concrètes afin de porter la relance.
C’est ensemble que nous pouvons faire face aux défis actuels en proposant un modèle résilient pour l’économie et l’ensemble de la société. Législateurs européens, nationaux et acteurs économiques doivent se saisir de manière concertée des enjeux décrits afin d’établir un cadre adapté et efficace à une relance durable. En ce sens, la pandémie nous offre une fenêtre qu’il ne faut pas laisser se refermer.
22/10/2020