On ne naît pas chef

20/03/2021 - 4 min. de lecture

On ne naît pas chef - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Gauthier Delaforge est Officier supérieur de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, ancien Auditeur de l’École de guerre et Doctorant en Sciences de gestion.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur le livre "Sombres fumées" que vous publiez aux Éditions Balland ? 

Ces pages rédigées au gré des affectations successives constituent à la fois un témoignage de l’engagement des sapeurs-pompiers de Paris qui vivent des aventures extraordinaires grâce au collectif, mais aussi une réflexion sur la conduite des hommes dans l’action. Ainsi, les récits d’opérations dans les rues de Paris alternent avec les analyses sur le commandement et le leadership. 

Je destine cet ouvrage au grand public en souhaitant lui faire découvrir ceux et celles qui composent les rangs de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). De plus, ces pages trouveront également un écho auprès d’un public plus spécialisé intéressé par les questions de formation des décideurs ou encore de commandement.

 

Comment en êtes-vous arrivé à écrire un tel ouvrage ? 

J’ai eu l’honneur de commander,  entre 2012 et 2014, une compagnie de 270 sapeurs-pompiers et ce moment a constitué l’aboutissement de dix années de préparation opérationnelle. Je conserve aujourd’hui encore gravés dans ma mémoire des souvenirs forts, qu’il s’agisse de regards échangés dans les moments critiques, de comportements admirables ou tout simplement d’histoire de vies sauvées.

À l’issue de ces années, j’ai occupé d’autres fonctions en État-major, puis en administration centrale. Ces expériences très différentes m’ont apporté du recul pour murir mon engagement de chef militaire. Enfin, la scolarité à l’École de guerre a nettement marqué une étape dans ma carrière. Je tournais en effet la page de ma vie d’officier subalterne au contact direct de la troupe pour embrasser de nouvelles fonctions de conception et de commandement d’unités plus importantes.

J’ai alors ressenti que le moment était était venu de témoigner et de transmettre mon expérience du commandement, notamment dans le but de contribuer à la formation des décideurs de demain. 

 

Le statut militaire de la BSPP est singulier. Quel rôle joue celui-ci dans le quotidien des sapeurs-pompiers  ? 

La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris constitue effectivement l’une des rares unités militaires en charge de la protection des populations. Cette origine historique, qui remonte à plus de deux cents ans[1], n’est pas seulement anecdotique ; elle constitue l’ADN de la BSPP. Être militaire c’est être jeune, discipliné et avoir intériorisé la notion d’intérêt collectif primant sur l’intérêt individuel. C’est aussi accepter les plus grandes exigences allant si nécessaire jusqu’au don de sa propre vie comme l’illustre notre devise "Sauver ou Périr". 

À ce titre, je crois que ce statut est une grande chance, non seulement pour la qualité du service offert au quotidien à la population mais aussi parce qu’il est source de performance et de résilience. Les crises que la France connaît depuis plusieurs années ont montré cette nécessaire solidité des services de l’État, que ce soit lors de pandémies ou d’attaques terroristes. De plus, je crois que le changement de paradigme opéré par les services de secours suite aux attentats de Madrid (2004) et de Londres (2005) est beaucoup plus naturel pour des officiers de sapeurs-pompiers ayant été projetés dans des zones de conflits comme ceux qui servent à la BSPP.

 

Au fil des pages, le commandement des hommes constitue un fil rouge. Quel est sa particularité ?

Le chef militaire est avant tout un décideur qui a vocation à conduire un groupe dans des environnements chaotiques. Cette règle intangible est valable pour le caporal-chef de 23 ans en charge de son ambulance jusqu’au général commandant les secours lors d’un sinistre majeur. Dès sa formation initiale, ce chef est préparé à assumer des fonctions de leader dans l’environnement complexe constitué par la guerre. Cette haute ambition demande un long mûrissement qui s’acquiert progressivement à travers de nombreuses expériences humaines. 

On ne naît pas chef, c’est un mythe ! Et, pour être chef, il faut de la compétence, maîtriser les techniques de prise de décision, les aspects techniques de son métier mais aussi, et surtout, beaucoup de qualités humaines car, sans elles, le groupe ne peut être soudé autour du chef. 

Or, les officiers de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris sont ces chefs militaires formés dans le moule du cursus exigeant de l’armée de Terre. Par conséquent, le commandement des unités d’incendie de la BSPP est singulier.

L’exercice du commandement est à la fois très facile car des principes structurants guident le chef, mais également très difficile car les voies pour les atteindre sont terriblement exigeantes. C’est le cas des principes d’exemplarité, d’obéissance active ou de compétence qui servent de boussole au décideur. De plus, une unité demeure une somme d’individualités qui, dans leurs comportements, ne répondent pas à des lois scientifiques.

 

Pourquoi devient-on sapeur-pompier de Paris et quelles étaient vos motivations pour vous lancer dans cette voie ? 

Il y assurément autant de motivations pour s’engager à la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris qu’il y d’hommes et de femmes. Ils viennent des quatre coins de France avec des profils très variés. Toutefois, les points communs sont connus : ces jeunes gens viennent pour un idéal altruiste, pour servir et parce qu’ils aiment le métier de sapeur-pompier. Le reste des motivations est personnel : le sport, l’aventure, la vie militaire ou le sens que chacun veut donner à sa vie. 

À titre personnel, en tant que Parisien, les pompiers de Paris faisaient partie de mon paysage quotidien. Adolescent, j’étais engagé dans une association de secourisme et animé par la volonté de servir. La Brigade s’est naturellement imposée à moi. Comme je voulais être chef, j’ai intégré l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 2002. 

J’ai été servi au-delà de mes espérances lors de ces premières années de carrière !

Gauthier Delaforge est l'auteur de "Sombres fumées - Livre de bord d’un officier des pompiers de Paris", préfacé par le Général commandant la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, à paraître aux Editions Balland le 25 mars 2021.

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[1] La création des pompiers de Paris date du 18 septembre 1810. Le bataillon d’alors a été créé par Napoléon 1er. 

20/03/2021

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