Ré-investissons le champ de la citoyenneté
12/06/2020 - 4 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Mélody Pellissier est Vice-présidente du Cercle K2 et Oscar Adeossi membre du Comité Executif.
---
"Paradoxe"
Chacun de nous peut dresser ce constat : les experts et nos gouvernants statuent sur des questions qui nous préoccupent au quotidien et dont les réponses engagent souvent l’avenir de nos sociétés, sans que nous y participions et avec ce sentiment que les choses nous échappent. La légitimité républicaine de nos institutions n’est naturellement pas ici en question et ce n’est pas dans ce débat que nous souhaitons entrer.
Nous souhaitons discuter de citoyenneté. Qu’est-ce que la citoyenneté ? En un mot, c’est l’activité de celui qui participe à la vie politique du territoire où il se reconnaît et qui le reconnaît. Or, participer à la chose publique suppose d’exprimer son opinion personnelle. Là est l’écueil.
Nous en avons tous fait l’expérience en écoutant la radio ou en regardant les chaînes d’informations : nous avons le sentiment d’être dépassés par le traitement technique des sujets abordés. L’hydroxychloroquine et l’Azythromycine (HCQ-AZ) sont-elles efficaces pour lutter contre l’infection du Covid-19 ? Faut-il introduire les règles de l’état d’urgence dans notre droit commun pour lutter contre le terrorisme ou les risques sanitaires ? Faut-il sanctionner la Corée du Nord à la suite des lancements de missiles ? Quelles conséquences du désengagement des États-Unis en matière de protection de l’environnement ?
Nous souhaitons comprendre et nous former notre propre avis, mais nous n’y parvenons pas. Il y a toujours une donnée qui nous échappe. Notre époque nous abreuve pourtant – tel est le paradoxe - d’informations sur tous les sujets d’actualité : Covid-19, terrorisme, réchauffement climatique, crise économique ou cyber criminalité. Jamais nous n’avons été en capacité d’être aussi bien informés, mais jamais il ne nous a paru aussi difficile de nous forger une véritable opinion.
Nous souffrons d’autant plus vivement de cette incapacité que, dans le même temps, nous nous heurtons à des réponses insatisfaisantes apportées par nos gouvernants aux menaces et dangers auxquels nous sommes confrontés, individuellement et collectivement.
"Nous réapproprier nos devoirs de citoyen"
Si notre colère peut paraître légitime, elle ne doit néanmoins pas effacer notre part de responsabilité individuelle. Nous avons en effet depuis trop longtemps abandonné le champ de la citoyenneté et de ses exigences. Bien sûr, nous avons pu observer, et nous réjouir, des mobilisations citoyennes d’ampleur à l’occasion d’événements particulièrement graves et qui nous engagent tous. Mais cet élan spontané et généreux, si prometteur, retombe malheureusement vite, faute en particulier de structures entretenant la dynamique qui était née.
Il nous faut nous ré-intéresser au territoire sur lequel nous vivons, à son environnement, et ré-investir le champ de la citoyenneté qui seule permet de maintenir ce lien fragile qui unit les individus d’une société donnée.
Le chemin pour y parvenir est cependant d’autant plus difficile que nous ne disposons plus aujourd’hui d’un socle commun de connaissances sur lequel nous appuyer pour faire émerger des équilibres sur les principaux sujets qui nous permettent d’être et d’agir ensemble, tant au niveau national qu’international.
Or, sans équilibre et sans compromis, aucune vie en collectivité n’est possible : c’est l’affrontement des opinions, sans possibilité de parvenir à un consensus ; c’est la confrontation des intérêts, sans volonté de trouver un terrain d’entente. Et nous pouvons aisément deviner les dangers d’une société où chacun ne voudrait obéir qu’à sa propre loi et se déprendre de toute règle commune. Nous n’avons donc pas le choix : si nous voulons conserver le sens du commun et nous sauver en tant que société, il faut nous réapproprier nos devoirs de citoyen.
"Un lieu qui permette la confrontation des réflexions, des éxpériences et des regards"
Des signes d’espoir sont toutefois perceptibles. Mouvements, cercles et collectifs de citoyens se multiplient. Leur avenir dépendra naturellement de leur efficacité et de leur effectivité, mais la dynamique est là et elle a déjà permis – conséquence heureuse - de susciter un dialogue entre verticalité et horizontalité.
C’est ce que nous avons tenté en nous engageant dans l’aventure du Cercle K2. Nous avons souhaité participer au développement d'un lieu qui permette la confrontation des réflexions, des expériences et des regards sur une multitude de sujets, allant du renseignement au sport et du droit à la musique classique par exemple, dans l’objectif de tirer profit de notre pluralisme et de notre diversité, entre jeunesse et expérience.
Nous ne pourrons jamais tout comprendre, mais nous ne devons pas abandonner à quelques spécialistes et aux décideurs politiques le traitement des sujets les plus importants. Chacun de nous doit s’intéresser, s’informer et s’impliquer dans la résolution des grands problèmes de la Cité.
Renonçons à toute volonté d’exhaustivité car la démarche est d’avance vouée à l’échec. Il y a désormais trop de tout. Peut-on assimiler plus de 70 codes, 80 000 articles législatifs, 230 000 articles réglementaires et des milliers de textes communautaires et internationaux ? Cette multiplication de textes sur tout et n’importe quel sujet, dont nous ne parvenons même pas à mesurer l’efficacité, nous étouffe. Elle éloigne de nous toute possibilité de disposer de repères clairs nous permettant de nous déployer et de nous épanouir. Or, ce sont nos libertés individuelles et collectives qui risquent d’en pâtir. Alors, retrouvons l’esprit de synthèse et réinvestissons les grands sujets de l’époque laissés aux spécialistes. Ne laissons pas la crainte nous dominer.
Si nous délaissons notre rôle, d’autres s’en empareront, et nous pourrons craindre que, derrière les arguments avancés par certains experts, il y ait en réalité une volonté – moins avouable – de « régir son monde à sa guise », de satisfaire une soif de pouvoir ou de tirer profit économiquement des nouvelles menaces, ébranlant ainsi la confiance en ceux qui interviennent et prennent les décisions.
Assumons donc notre rôle de citoyen, acceptons ce dialogue entre horizontalité et verticalité, et disons oui à la vie, un grand oui…
Mélody Pellissier et Oscar Adeossi
12/06/2020