Vers une parole exemplaire : pourquoi l'excellence verbale est essentielle dans l'expression publique ?
11/09/2024 - 3 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Philippe Bilger est Magistrat honoraire et Président de l’Institut de la parole.
---
Beaucoup savent qu’ils ne parlent pas comme il faudrait mais l’acceptent en jugeant inutile de s’améliorer.
Cette disposition d’esprit est encore plus choquante quand elle affecte des professionnels de la parole publique : politiques, avocats, magistrats, artistes, sportifs, conférenciers, animateurs, journalistes et autres locuteurs voués à ce type d’expression.
Pourquoi cette réticence ?
D’abord parce qu’il conviendrait d’admettre que son verbe est imparfait, ce qui exige conscience et lucidité ainsi que modestie. Alors que, le plus souvent, on se satisfait de son oralité puisque, dans notre monde, l’absence d’excellence ne gêne pas plus ceux qui s’expriment que ceux qui les écoutent.
Un autre point est capital. L’alternative n’existerait qu’entre une éloquence formelle et une parole quotidienne à accepter telle qu’elle sort des esprits et des bouches. Comme si, faute de s’intéresser à l’éloquence, on n’avait pas d’autre choix que de se contenter d’un verbe sur la qualité duquel nous n’aurions jamais à nous interroger alors que nous savons que pour convaincre, séduire, argumenter, enseigner et diriger, une parole se doit d’être exemplaire. Pour être écoutée et conquérir.
C’est la raison pour laquelle j’ai créé cet Institut de la parole – et non pas encore une formation de plus, spécifique, technique, restrictive, compartimentée, réservée aux élites. Il y en a tant de ce type dans les univers professionnels !
Ce qui m’importe est d’accueillir aussi bien ceux qui ont besoin de perfectionner leur parole publique que ceux qui ont envie de découvrir la richesse de la parole, par eux trop longtemps ignorée. J’insiste sur le fait que les bagages culturels sont les bienvenus mais que je me fais fort, même sans eux, de guider mes visiteurs sur les chemins d’une oralité pour laquelle ils n’auront à s’encombrer que d’eux-mêmes, en exploitant leur capital humain et intellectuel.
La qualité du verbe dépendant à mon sens de l’affirmation de la personnalité, je l’enseigne davantage comme une coulée de vie, un flux d’existence que tel un exercice scolaire. Je montre que parler en même temps qu’on élabore sa pensée, avec seulement soi comme outil, est non seulement possible mais formidablement gratifiant.
Il suffit d’imaginer, dans les multiples rencontres où des esprits s’affrontent et se testent, le gain fulgurant et immédiat d’une verbe apparemment improvisé, spontané, libre, convaincant parce que convaincu. Je garantis que là où la multitude suscitera l’ennui, mon orateur enthousiasmera.
Qu’on ne s’y trompe pas : un tel propos impose en amont dans sa tête une structuration, une cohérence et un ordre sans lesquels il dériverait vers de l’informe et du pâteux. Pour donner l’impression d’une liberté et d’une spontanéité, il faut les préparer puis les faire surgir tels une grâce, un éclat, un choc.
La formation que je propose est unique aussi parce que contrairement à tant d’autres qui se qualifient de coachs sans la moindre expérience se rattachant à ce qu’ils prétendent transmettre, mon souci n’a jamais été de théoriser sur la parole mais je l’ai pratiquée durant quarante ans sur le plan judiciaire et les débats médiatiques auxquels je participe sur C News et comme chroniqueur chaque soir sur Sud Radio ne me détournent pas de ma passion de la parole qui n’est pas du tout contradictoire avec l’écoute des autres et une attention infinie pour leur propre oralité. Comme la tenue d’un blog "justice au singulier" depuis 2005, par l’écrit, m’a ancré dans cette conviction que la parole et l’écrit étaient jumeaux et que chacun enrichissait l’autre.
Pour qui est un citoyen passionné par notre société, il lui est facile de percevoir que la médiocrité résulte souvent de la pauvreté du langage et de l’infirmité des mots. La violence politique et la vulgarité médiatique sont directement liées à cette déplorable carence culturelle et humaine.
Si je n’avais pas craint le reproche de narcissisme, j’aurais volontiers ajouté au "je pense donc je suis" de Descartes, au "je veux donc je suis" de Maine de Biran ma propre prescription s’abritant derrière ces géants : je parle donc je suis.
On pourra consulter utilement mon site de l’Institut de la parole : institut-de-la-parole.
Magistrat honoraire et Président de l'Institut de la parole
11/09/2024