Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Le Général (2s) Jean-Pierre Meyer a accompli une partie de sa carrière dans le renseignement et les opérations. Il a notamment été Directeur des opérations à la Direction du renseignement militaire, puis Directeur au Comité Interministériel du Renseignement au Secrétariat Général de la Défense Nationale. Il a accompli, par ailleurs, plusieurs séjours en opérations extérieures, notamment à Sarajevo comme Commandant en second des forces multinationales.
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X et X’
La vie privée familiale du Président de la République(PR) a toujours été un sujet tabou. Il s’agissait de protéger l’image d’une vie normale, familiale et traditionnelle, identique à celle de tous les français.
Soucieux d’échapper aux pesanteurs protocolaires de la vie à l’Élysée, très tôt, le PR avait décidé de ne pas occuper les appartements privés du Palais mais de continuer à vivre sa vie familiale rue de Bièvre, dans l’appartement qu’il avait acquis bien avant son élection.
Mais une autre vie privée devait aussi être gérée dans la plus grande confidentialité. Le PR n’en parlait jamais et n’y faisait jamais allusion. Pour des questions de sécurité, les identités n’étaient pas révélées et un nom de code leur avait été donné. Il s’agissait de X et X’. Ce sujet étant totalement cloisonné par le PR, l’organisation des déplacements privés en compagnie de X et X’ était dirigée par un personnage de l’Élysée appartenant au premier cercle présidentiel, dont le nom de code était 007... ! Ces déplacements dit « privés-privés » pouvaient toutefois comporter une partie plus officielle, notamment lorsque des rencontres avec les autorités locales étaient prévues. Ces déplacements nécessitaient alors une organisation spéciale des plus subtiles.
Ainsi tel fut le cas d’un bref séjour en Égypte à l’invitation d’un couple égyptien, ami du PR, auxquels participaient X et X’. À cette occasion, le PR avait décidé d’assister, sur le chemin du retour, à une cérémonie à Alexandrie célébrant la construction de la nouvelle bibliothèque. Cet événement était organisé par le Président Moubarak et regroupait un certain nombre de chefs d’États. Au cours de la partie officielle de cette visite, il était hors de question qu’X et X’, devenues « passagers fantômes », apparaissent. Le PR devait donc être reçu par le Président Moubarak dans un de ses palais où il devrait passer la nuit, seul. X et X’ devaient, de leur côté, être hébergées dans un hôtel où une chambre leur avait été réservée. Tout avait donc été soigneusement préparé. Cependant, toute organisation, même la mieux réfléchie, a toujours sa faille, liée à l’imprévisibilité des événements. En effet, à l’arrivée du PR à Alexandrie, la veille au soir de la cérémonie, un incident a manqué de révéler l’identité des deux passagers fantômes. La Sécurité égyptienne, qui souhaitait contrôler les participants à cette cérémonie, faisait passer devant un photographe chacun des participants, qui devait alors révéler son identité en présentant son passeport et son visa afin de recevoir son badge d’accréditation. X et X’, devant se soumettre à cet enregistrement, étaient accompagnées dans la file d’attente – même si elles n’étaient elles-mêmes pas très au fait des consignes spécifiques de sécurité les concernant – par les forces de sécurité françaises. L’ennui, c’est que, dans cette file d’attente, figurait aussi la presse française qui couvrait l’événement. Il fallut donc urgemment exfiltrer les deux personnes, en expliquant aux autorités protocolaires égyptiennes qu’elles n’appartenaient pas à la délégation officielle et n’étaient que des invitées privées du PR. Devant notre insistance et grâce à nos bonnes relations avec les autorités locales, l’incident put trouver son issue : les deux personnes n’ont pas été enregistrées et purent rejoindre leur hôtel. Il leur fut alors donné pour consigne de rester enfermées dans leur chambre et de ne pas en sortir, y compris pour une visite nocturne de la ville qu’elles s’étaient pourtant enthousiasmées de réaliser. Le PR ne fut pas informé de cet incident que personne n’a évoqué devant lui. Cependant, les forces de sécurité égyptiennes, intriguées par ce manège inhabituel, s’étaient renseignées sur l’identité précise de ces deux personnes et l’avaient bien entendu découverte. Ils avaient nécessairement dû porter cette information au Président Moubarak – celui-ci eut, à l’occasion du départ du PR, une attitude significative qui ne laissait guère place au doute. À la fin de la cérémonie, après un dernier tête-à-tête, le Président Moubarak a tenu à raccompagner le PR jusqu’à l’aéroport où le Falcon attendait son passager à l’extrémité du tapis rouge, tous rideaux baissés : X et X’, embarquées en toute discrétion, étaient en effet déjà à bord. N’étant pas du voyage retour car le vol se poursuivait « en privé », je pris congé du PR lorsque celui-ci eut passé en revue, en compagnie du Président Moubarak, le piquet d’honneur qui lui était réservé. Le Président Moubarak ne voulait toutefois pas encore donner son congé au PR : il tenait absolument à l’accompagner jusqu’à son avion, même au pied de la passerelle, même à l’intérieur. La curiosité l’avait gagnée… Le PR, surpris par son insistante sollicitude, le remercia à plusieurs reprises de cette attention mais comprit vite, au regard malicieux du Président Egyptien, que ce dernier savait qui était à bord. Cette situation, qui avait sa part comique, amusa d’abord le PR, puis il commença à s’en agacer, voyant la volonté du Président Moubarak de l’accompagner jusqu’à bord se confirmer. Il continua néanmoins à faire preuve de patience, voire de connivence, avec son homologue, mais sans outrer la mesure. Arrivés au pied de la passerelle, le Président égyptien essaya une dernière tentative pour aller plus loin, qui naturellement échoua. Il était hors de question pour le PR de partager avec celui-ci cette part de sa vie dont il avait si âprement et toute sa vie protéger le mystère. Il se sépara du Président Moubarak et rejoignit celles qui l’attendaient à bord. L’avion décolla vers Paris.
La presse ne fit aucun écho de cet événement, même si elle en fut informée. Le sujet était tabou pour tous et le restera, jusqu’à la fin.
Général (2s) Jean-Pierre Meyer
20/09/2020