L’enjeu de financement doit-il toujours être un enjeu de gouvernance ?

23/07/2025 - 3 min. de lecture

L’enjeu de financement doit-il toujours être un enjeu de gouvernance ? - Cercle K2

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Yannis Baala et Anaïs Bouchet sont respectivement, Directeur général et Directrice Produit et Technologie, de WE DO GOOD, première plateforme de financement en Partage de Revenus. 

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Dans un contexte où les modèles économiques évoluent rapidement, et où les attentes en matière de transparence, d’impact et de durabilité deviennent la norme, il est de plus en plus clair que le financement ne peut être dissocié des questions de gouvernance.

« Finance is a tool of control. […] Debt becomes a signal that swamps all other decision‑making priorities. »
 — Dan Davies, Financial Times

Chaque décision de financement influence la manière dont une entreprise est dirigée : qui décide, à quel rythme on se développe, avec quels objectifs. Et ces choix, souvent faits en phase de lancement ou d’accélération, structurent l’avenir de l’entreprise.

Nous sommes convaincus qu’il est possible de financer la croissance des PME et des startups sans sacrifier leur indépendance. C’est précisément dans cette optique que j’interviens au quotidien, en mobilisant mon expertise pour les accompagner dans la structuration de financements alignés avec leurs valeurs et leurs ambitions.

Cette tribune propose d’explorer comment les outils de financement actuels influencent la gouvernance, pourquoi leurs limites appellent de nouveaux modèles, et comment créer une culture du financement plus alignée avec les besoins réels des entrepreneurs.


1. Quels outils de financement pour les entrepreneurs aujourd’hui ?

Le dirigeant d’une PME ou d’une startup a généralement à sa disposition trois grandes familles d’outils pour financer son activité :

  • La dette bancaire, notamment via des prêts classiques ou des dispositifs garantis par l’État (comme les PGE).
  • Les financements publics, sous forme de subventions, avances remboursables ou crédits d’impôt.
  • L’apport en capital, via les business angels, les fonds d’investissement (seed, VC, growth), ou encore la love money (amis et famille).

Chacun de ces leviers, s’il est bien utilisé, peut être un accélérateur de croissance. Mais ils ont aussi des effets collatéraux sur la gouvernance :

  • La dette implique souvent des engagements lourds, parfois inadaptés aux cycles longs d’innovation.
  • Le capital s’accompagne de dilution, de droits de vote transférés, de pactes d’actionnaires contraignants.
  • Les subventions, bien qu’appréciables, induisent un certain formalisme administratif et une dépendance aux politiques publiques.

Ces choix ne sont jamais neutres. Ils tracent une ligne directrice sur qui détient le pouvoir de décision, à quelle vitesse on doit croître, et à qui l’on rend des comptes.


2. Limites des modèles actuels : dilution, dépendance, fragilité

Si ces outils ont permis à de nombreuses entreprises d’émerger, leurs limites apparaissent de plus en plus nettes.

  • Selon les données de Carta (2023), les fondateurs de startups ne conservent en moyenne que 15 à 20 % du capital à la sortie, après plusieurs tours de table
  • Du côté des PME, le poids de la dette post-Covid reste préoccupant : de nombreuses structures ayant contracté un PGE (Prêt Garanti par l’État) se retrouvent aujourd’hui en situation de forte tension de trésorerie, voire en risque de défaut

Ces modèles peuvent pousser à une gouvernance centrée sur la recherche d’un horizon de sortie pour les investisseurs et sur la pression d’échéances court-terme, parfois au détriment de l’impact et de la résilience de l’entreprise.

D’où un besoin urgent de réinventer les logiques de financement. C’est ici que des modèles comme le partage de revenus apportent une alternative concrète :

  • Pas de dilution du capital,
  • Rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé,
  • Alignement naturel entre le financeur et l’entreprise,
  • Flexibilité adaptée aux cycles d’activité réels.

Ce modèle favorise une gouvernance autonome, tout en intégrant une responsabilité partagée avec les financeurs. Il permet de rester maître à bord, sans exclure les parties prenantes.


3. Pour une nouvelle culture du financement

La clé du changement n’est pas seulement dans les outils, mais dans les mentalités.

Nous devons encourager une nouvelle culture du financement, qui repose sur :

  • La formation des entrepreneurs aux enjeux de gouvernance liés à chaque modèle de financement, pour leur permettre de faire des choix éclairés et cohérents avec leur vision.
  • La diversification raisonnée des sources de financement, pour limiter la dépendance à un seul acteur ou mécanisme.
  • L’accompagnement des financeurs (investisseurs, institutions, plateformes) dans la création de modèles plus souples, plus inclusifs, qui valorisent l’impact autant que la rentabilité.

La formation à ces enjeux est donc un levier central : comprendre les conséquences des choix de financement sur la gouvernance, savoir naviguer entre dilution, contrôle et alignement d’intérêts, devient indispensable.

Les entreprises de demain ne se construiront pas uniquement sur du capital ou du crédit, mais sur la confiance, la coopération et la transparence entre les acteurs.


Conclusion : gouvernance et financement, deux faces d’une même pièce

Financer, c’est orienter. Gouverner, c’est arbitrer. Et dans l’économie à impact que nous voulons bâtir, ces deux mouvements doivent être alignés.

Oui, le financement est toujours un enjeu de gouvernance — mais cela ne doit plus être une contrainte. Cela peut devenir une opportunité stratégique : celle de construire des entreprises plus libres, plus responsables, et plus durables.

Yannis Baala et Anaïs Bouchet

 

23/07/2025

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