L’Italie : un pays modèle de discipline collective rattrapé par la colère.

31/10/2020 - 2 min. de lecture

L’Italie : un pays modèle de discipline collective rattrapé par la colère. - Cercle K2

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Laura Ghiringhelli est Consultante Senior chez ESL & Network

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Tous à la maison pour casser la courbe des contaminations.

À la suite de la hausse record des cas de Covid-19, le gouvernement italien a décidé de mettre en place, dimanche 25 octobre, de nouvelles mesures restrictives (fermeture des commerces et bâtiments publics, hors services de première nécessité, à partir de 18 heures, piscines, salles de sport, cinémas et salles de spectacles, et ce a minima jusqu’au 24 novembre). Guiseppe Conte fait un pari pour "affronter décembre et les vacances de Noël avec plus de sérénité". En parallèle de ce dispositif, certaines régions, comme la Campanie (Naples), le Latium (Rome) et la Lombardie (Milan) – les trois territoires les plus touchés – avaient déjà annoncé des mesures de couvre-feu.

L’Italie s’éteint à 18h, c’est la révolte.

Des protestations – sporadiques, mais parfois violentes – contre ce quasi-confinement ont vu le jour, reflétant l’inquiétude qui grandit dans toute l'Italie, au sein des catégories les plus touchées par ces mesures : les commerçants, mais également le monde du spectacle qui s’oppose à la fermeture des cinémas et des théâtres.

Malgré les annonces du gouvernement pour venir en soutien des secteurs en danger, l’exaspération est forte. Lors de la première phase de la crise, les Italiens avaient montré un grand sens civique – avec le slogan "#IoStoACasa" comme symbole. Mais l’automne voit apparaître une exacerbation des tensions sociales après un confinement qui a précipité le pays dans sa pire récession économique de l’après-guerre.

Dangereux mélange : "attention aux infiltrations".

Vendredi dernier, à Naples, si nombreux portaient la colère de ceux qui ont perdu un emploi ou une source de revenus, d’autres participants au sein du rassemblement anti-couvre-feu avaient pour objectif de renverser la table.

Le groupe d’extrême droite de Roberto Fiore, Forza Nuova, n’a pas caché son adhésion et soutien aux échauffourées du début du week-end tant à Rome qu’à Naples. Par ailleurs, des clans de la Camorra auraient joué un rôle – plus discret – dans l’organisation de ces manifestations de rue voyant, pour leur part, en la fin de la vie nocturne, l’arrêt de leurs principales sources de financements (fermeture des canaux de vente de drogue et de blanchiment d’argent). Ces groupes prospèrent sur le malaise social pour semer le désordre, et tentent d’affaiblir l’Etat : c’est une menace aussi pernicieuse que la pandémie.

Et maintenant ?

Les nuits napolitaines ne pourraient-elles pas être qu’un début ? Les mêmes scènes se reproduisent du Sud comme au Nord (Parme, Milan, Turin) jusque dans la capitale, de nouveau ce mardi 27 octobre.

Face à ce qu’il qualifie de "manœuvres sur le terrain", le Palazzo Chigi affiche son soutien aux entreprises et indépendants, promet de nouvelles aides pour pallier l’impact économique de cette deuxième vague, et se veut attentif à la fracture sociale dont les premiers signes sont déjà présents. L’exécutif compte en partie sur les maires pour maintenir l’unité et éteindre les éventuelles réactions violentes face à cette situation difficile.

Mais l’équipe Conte, après avoir agi efficacement en mars, est-elle véritablement préparée à ce qui va suivre ? Au-delà des "infiltrations" fustigées par les dirigeants italiens, l’essence du problème reste un mécontentement profond et en partie produit d’années d’inaction politique.

L'équilibre délicat entre santé publique et économie est devenu explosif, en Italie peut-être davantage qu’ailleurs. Néanmoins, à ce stade, les forces d’opposition se montrent encore prêtes à collaborer à la condition qu’une fois la période d’urgence sanitaire passée, des élections soient organisées.

Laura Ghiringhelli

31/10/2020

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