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Patrick Lagadec est Directeur de recherche honoraire à l’École Polytechnique.
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Attention aux milieux en surfusion. Ces milieux où tout peut se prendre en masse à partir de la moindre agitation, a fortiori des chocs violents.
Des pays en grande souffrance, en perte de sens, d'énergie, de confiance et de légitimité, sont exposés à des surprises et des réactions inédites.
Trop de signaux s'allument à cette heure. Le week-end va voir chacun continuer à compter, re-compter, les yeux rivés sur les tableaux Excel. Avec des discussions sans fin sur le 49-3, la Constitution, les dimensions multiples de la légitimité, l’âme de la démocratie… Sans oublier les marchés, l’international, l’hyperlocal…
Avec des supputations et des jeux sur un remaniement, une dissolution, des accords entre débris parlementaires…
Et par ailleurs la recherche "créative", ici et là, de tous les points de blocage à portée systémique qui pourraient être actionnés de façon concertée ou totalement "sauvage", et mettre le pays sur des orbites "inconcevables".
Qui pourraient ne pas être goûtées des marchés… Mais le sujet est-il encore celui des retraites ? Et si l'enjeu était le risque de dissolution du pays, avec des fulgurances ingérables dérapant sans contrôle dans le chaos, les blocages "inconcevables", les méga-feux de violence ? Nul n'a de certitude.
On peut tabler sur une sortie de crise certes quelque peu turbulente, mais finalement possible. Cela me semble une hypothèse bien hasardeuse. Je vois plutôt une question, encore ouverte à cette heure mais de plus en plus pressante : et si la seule possibilité restait une action décisive – remettant le problème sur un tout autre tableau –, sous 24 heures, avant que le toboggan devienne prison ? Pour sortir d’une trajectoire qui s'accélère vers le gouffre. Je ne fais ici qu’amorcer le travail d'une FRR qui opérerait au plus haut niveau.
Sur les quatre questions clés d’une FRR :
- De Quoi s'agit-il ? Dans les contextes actuels, les crises mutent rapidement. Ici, ce n'est plus la question des retraites, c'est la stabilité du pays.
- Quels pièges ? Ici, partir dans des dynamiques fulminantes et pulvérulentes, de type chaotique qui déborderaient rapidement nos cartographies, modes et capacités de réponse. Dynamiques qui, elles aussi, auraient rapidement des impacts majeurs sur la signature de la France.
- Quels acteurs ? Il y en a d'évidents à remettre dans le jeu, jeu qu'il s'agit donc de réouvrir par une nouvelle donne suffisamment forte et, d'autres, surprenants, à tenter de discerner avant de les découvrir un peu trop tard.
- Quelles impulsions décisives possibles ? C'est là le travail crucial, le plus complexe, d'une FRR entraînée. Il semble assez évident que l'objet de la convulsion nationale est déjà en état de mort cérébrale. Il reste à l'acter. Bien plus : il s’agit d’ouvrir un tableau de vision et d'action pour remettre le pays dans une dynamique de cohésion et de confiance, certes fragile, mais au moins hors des dégringolades actuelles, de plus en plus dangereuses.
Comme le dit Henry Kissinger dans ses mémoires, les intervenants extérieurs au cercle de pilotage n’ont pas les dernières informations en main. Il serait vain et bien présomptueux de tenter ici d'aller plus finement dans les propositions.
Reste une conviction : le week-end dernier, la Maison-Blanche était sur le pied de guerre pour stopper une épidémie financière qui commençait à déborder – à commencer ceux qui, deux jours avant, assuraient que tout était sous contrôle ; ce week-end, en France, il y a urgence vitale à arrêter la course à l'abîme. Et les fenêtres d'intervention peuvent se refermer à tout moment. Il reste 24 heures avant que le Grand Cirque ne nous emmène sur de nouvelles orbites hors du système solaire…
21/03/2023