[Groupe K2] L'expérience de la préparation mentale en NBA

24/03/2022 - 7 min. de lecture

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Ancien basketteur professionnel, Ronny Turiaf a joué pendant près de 10 ans en NBA. Il est l’un des rares français à remporter un titre de Champion NBA, en 2012. Il compte, par ailleurs, plus 100 sélections en Équipe de France.

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Ronny, que vous a apporté la préparation mentale ?

La préparation mentale a été l’opportunité de comprendre ce qu’il se passait à l’intérieur de moi et ainsi trouver des moyens et outils me permettant de m’améliorer dans ma carrière de basketteur. 

 

Comment avez-vous découvert la préparation mentale ? 

Je l’ai découverte en 1998, lorsque je suis arrivé à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) à l’âge de 14 ans, car j’ai ressenti le besoin de bénéficier d’un accompagnement mental. J’y ai fait la rencontre de Cédric Quignon-Fleuret qui est préparateur mental de l’AS Monaco, chercheur et auteur d’un livre sur la préparation des champions (Cédric Quignon-Fleuret, "Devenir champion", Solar, 2016). Avec Cédric, j’ai commencé à utiliser l’imagerie mentale. Par ailleurs, j’ai découvert et pratiqué des techniques de respiration, utilisées en sophrologie, pour réduire les tensions physiques et mentales. 

 

Cela a donc été une initiative personnelle ? 

Oui, je savais que j’avais besoin d’outils pour m’aider à gérer mes émotions. J’étais un jeune adolescent avec beaucoup d’énergie et, déjà à l’époque, fasciné par les arts martiaux et la culture orientale. J’avais la conviction que je devais travailler sur l’aspect mental, en dehors du terrain, pour être meilleur sur le terrain. 

 

Quels souvenirs gardez-vous des séances d’imagerie et de techniques de respiration ?

En imagerie mentale, on utilisait des scènes ou des situations à succès sur le terrain. Pour le travail de respiration, j’ai surtout le souvenir de la sensation de plénitude aiguë en fin de séance, ce qui est une sensation très rarement ressentie dans la vie quotidienne. Il y avait une sorte de rapport énergétique. Nous arrivions à nous comprendre parfaitement avec Cédric. J’en garde de très beaux souvenirs. 

 

Lors de votre passage à l’université aux États-Unis, avez-vous continué à être suivi ?

Au départ, je n’ai pas reçu beaucoup de soutien sur le plan mental pour pouvoir être performant sur le terrain, mais plutôt sur le plan culturel. J’ai été accompagné par une tutrice qui m’aidait à perfectionner mon anglais, à faire mes travaux, ainsi que par mes coéquipiers pour me faire comprendre le fonctionnement du pays. Ce soutien n’avait pas pour but de m’améliorer sur le terrain mais de m’aider dans ma vie quotidienne, en dehors du terrain, contribuant ainsi indirectement à ce que je sois performant sur le terrain. 

 

Après 4 années à l’université, vous êtes drafté en NBA mais devez subir une lourde intervention chirurgicale au niveau du cœur. Malgré cela, vous revenez en seulement quelques mois, puis êtes rapidement performant. Comment l’expliquez-vous ? 

C’est une période qui me suivra jusqu’à la fin de mes jours. Ma force mentale à ce moment-là était une promesse que je m’étais faite, mais surtout que j’avais faite à ma mère. Je lui avais promis que j’allais prendre soin d’elle. Chaque jour je pensais à cette promesse. Je ne pouvais pas ne pas honorer cette parole, d’autant plus ce qu’elle a fait pour moi tout au long de sa vie. 

 

Vous avez été une personnalité appréciée dans les vestiaires par lesquels vous êtes passé. Quelle est l’influence de la bonne humeur et de la cohésion dans la performance d’une équipe ?

En NBA, j’étais arrivé à un stade où j’avais atteint et même dépassé mes objectifs et souhaits, donc j’essayais d’apprécier tout ce que je vivais. On parle très rarement du facteur humain dans le sport, car les athlètes à très haut niveau sont tous des "machines de guerre". Cependant, lorsqu’il y a un vestiaire avec de la compassion, de la compréhension et dans lequel les joueurs apprécient passer du temps ensemble, cela crée des liens forts. Ce sont ces détails qui permettent de franchir les obstacles. 

 

À votre arrivée aux Lakers de Los Angeles, qu’avez-vous appris du fonctionnement de l’institution et du coach Phil Jackson ?

Je me suis retrouvé dans une équipe où l’on faisait de la méditation de groupe avant les matchs et des exercices de respiration. Il y avait évidemment des personnes plus réceptives que d’autres mais nous faisions une activité commune, qui permettait de se recentrer sur soi-même pendant 3-4 minutes, avant d’enchaîner sur un travail vidéo. C’est quelqu’un qui a apporté également beaucoup de spiritualité bouddhiste, de calme. Il dégageait la sérénité. 

 

Quels bienfaits la méditation vous a-t-elle apporté ? 

J’ai toujours ressenti des émotions très fortes, que ce soit dans le bon ou dans le mauvais sens. Pour moi, mon travail a consisté à essayer de rester le plus proche possible de l’équilibre, de ne pas être trop haut, ni trop bas. C’est un trait de caractère, de ma personnalité. La méditation m’a aidé dans cette quête de recherche de l’équilibre sportif, mais également personnel. 

 

Qu’avez-vous compris de votre fonctionnement intérieur ? 

J’ai compris que j’étais un très bon joueur de basket mais que j’étais bien moins performant lorsque je laissais mes émotions me déborder et dominer. Plus généralement, je me suis aussi rendu compte que toutes les leçons apprises sur le terrain, toutes ces valeurs d’abnégation, de travail collectif, de dépassement de soi, etc., ce sont des leçons universelles que l’on peut appliquer dans le sport et, plus largement, dans bien d’autres domaines. 

 

Selon vous, le mental contribue-t-il à se surpasser dans les moments les plus importants ?

Oui, je pense que c’est le cas. Un jour, un coéquipier m’a dit : "tu sais, ce que font les joueurs en défense, cela ne m’affecte pas". Cela pourrait être perçu comme de l’arrogance. Mais il a développé en me disant : "j’ai tellement travaillé, tellement simulé toutes les situations que ce que le joueur fait en face de moi, cela ne m’affecte pas, parce que je ne fais que réagir par rapport à ce qu’il fait et j’ai une réponse à ce qu’il me propose. Donc, si je rate un shoot, ce n’est pas forcément lui qui m’a fait rater le shoot, c’est que j’ai simplement raté le shoot". Il me disait ainsi reprendre toutes les situations possibles, les répéter tout le temps et à différents degrés de vitesse. Il répétait donc les mêmes gestes, inlassablement. On voit ainsi que le mental se travaille perpétuellement pour se mettre dans des situations de réussite.

 

Avez-vous noté une différence de perception entre l’approche mentale aux États-Unis et en France ? 

La nuance principale que j’ai pu voir ou ressentir concerne la personnalité. D’un côté, avec les États-Unis, c’est la culture de la gagne, surtout à l’université qui joue un rôle primordial dans le développement des adolescents. De l’autre côté, en Europe, et notamment en France, ce n’est pas la culture de la gagne qui prédomine car la vision développée est différente, l’important n’étant non pas forcément de gagner mais de participer. Ces deux cultures, aussi différentes soient-elles, sont toutefois complémentaires.  

 

Comment étiez-vous accompagné dans les franchises NBA pour lesquelles vous avez joué ? 

Il y a une importante part de préparation mentale qui n’est pas appelée comme telle. Il existe, dans chaque équipe, des personnes dans le staff avec le rôle de Player Development Coach. Ce sont des assistants coach qui font travailler le joueur sur son basket mais, 90 % du temps, ce sont surtout des conversations avant et après l’entraînement. Chaque joueur ou presque a son assistant coach mais il ne s’agit en aucun cas d’un spécialiste de la préparation mentale. Je donne néanmoins beaucoup de crédit aux franchises NBA qui ont compris que, si le joueur est épanoui en dehors du terrain, il le sera sur le terrain également. Pour le reste, chaque joueur peut faire appel à un préparateur mental s’il le souhaite. Cela m’est arrivé régulièrement durant ma carrière. 

 

Existe-t-il des séances de préparation mentale en groupe ?

J’ai remarqué que les joueurs ont du mal à faire confiance à des personnes extérieures au groupe. Lorsque j’étais aux Los Angeles Lakers, c’était le coach, Phil Jackson, qui enseignait la méditation. Ce n’était pas quelqu’un d’extérieur, avec lequel il y aurait sûrement eu des réticences. 

Aux États-Unis, dans le sport, la préparation mentale est très utilisée par les sportifs mais il y a peu d’échanges sur ce sujet car chacun veut garder pour soi ce qui lui permet d’avoir 1, 2 ou 3 % de plus que son adversaire.

 

Avec le recul, quels changements pourraient être réalisés pour optimiser la performance des athlètes ?

Durant ma carrière, j’aurais aimé avoir plus d’opportunités d’échanger avec des athlètes pratiquant une autre discipline que la mienne. Après avoir eu la chance d’échanger avec des basketteuses, des nageurs, des tennismen, des architectes, des peintres, des cinéastes, etc, je me suis rendu compte que "nous sommes tous des héros" ("Puissance du mythe", Joseph Campbell, Oxus). Nous vivons tous des épopées héroïques mais n’avons pas assez d’opportunités pour les partager. Il y a énormément d’éléments à retenir d’une conversation avec un nageur qui explique comment il a pu faire face à un obstacle. Cela permet de trouver de l’inspiration, des réponses, etc. C’est cela que j’aurais aimé voir davantage durant ma carrière, c’est-à-dire des espaces comme le Cercle K2 dans lesquels les athlètes peuvent se rencontrer et échanger. 

Ronny Turiaf

 

Cet entretien s'inscrit dans le cadre des échanges menés par le Groupe K2 "préparation mentale pour tous" composé de :

Cristina Piccin est préparatrice mentale et sportive de Haut Niveau; Sylvain Callejon est Responsable de la Communication et du Marketing chez Allyteams ; Fanny Renou avocate et co-fondatrice de Allyteams; Charlotte Lapicque Secrétaire générale du Cercle K2; Reynald Lemaitre Conseiller en gestion de patrimoine chez Capfinances & Ancien footballeur professionnel ; Benjamin Nivet ancien footballeur professionnel ; Marilise Miquel Directrice des Opérations du Cercle K2 ; Christophe Massina  Responsable de l'Equipe de France féminine de Judo ; Edith Perreaut-Pierre Directrice associée de Coévolution ; Michel Verger Enseignant-chercheur et Préparateur mental ; Fabien Siguier Vice-Président Exécutif Ressources Humaines et Transformation au sein du Groupe Adisseo; Ronny Turiaf Ancien joueur professionnel de basket-ball. Champion de NBA avec le Heat de Miami

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24/03/2022

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