Innover au service de la France : l’impact structurant de l’intelligence artificielle

31/10/2025 - 5 min. de lecture

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François Hoehlinger est Senior Director France, Plug and Play Tech Center.

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L’innovation n’est plus un choix : elle est une exigence. Une nécessité stratégique, économique et démocratique. Alors que les transitions énergétiques, industrielles, numériques et géopolitiques s’entrecroisent, la France et l’Europe doivent agir avec rapidité et lucidité. L’intelligence artificielle (IA), technologie systémique par excellence, s’impose comme un levier déterminant pour préserver notre souveraineté, renforcer notre compétitivité et améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

Comme l’a rappelé la Commission européenne dans sa stratégie sur l’IA de 2021 : « L’intelligence artificielle ne constitue pas une fin en soi, mais un outil qui doit être au service des citoyens européens, respectueux des droits fondamentaux et créateur de prospérité » (Commission européenne, 2021).

L’IA comme clé de souveraineté et de compétitivité

Le marché mondial de l’IA est estimé à 826 milliards de dollars d’ici 2030 (PwC, 2022), avec un potentiel de contribution au PIB mondial de près de 15 700 milliards de dollars. L’Europe, selon l’OCDE, accuse un retard par rapport aux États-Unis et à la Chine : en 2023, 60 % des investissements privés mondiaux dans l’IA provenaient des États-Unis, contre seulement 7 % pour l’Union européenne (OCDE AI Policy Observatory, 2023).

Cette asymétrie souligne l’urgence pour la France et l’Europe d’investir massivement, non seulement pour capter une part de cette valeur, mais aussi pour garantir une autonomie stratégique. Comme l’a exprimé Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur : « L’Europe doit rester maître de ses données, de ses infrastructures et de ses algorithmes. Sans cela, il n’y aura ni souveraineté numérique, ni souveraineté économique » .

Décloisonner l’innovation : dépasser les silos

Aujourd’hui, l’innovation reste souvent confinée à des espaces spécialisés : laboratoires, start-ups, incubateurs. Or, pour libérer son potentiel, l’IA doit irriguer l’ensemble des chaînes de valeur – industrielles, administratives et sociales.

Une étude de McKinsey en 2023 estime que l’adoption généralisée de l’IA générative pourrait augmenter la productivité mondiale de 1,2 % par an. Mais cette productivité ne se réalisera que si les entreprises, les pouvoirs publics et les citoyens coopèrent. La fragmentation entre le monde académique, le monde économique et l’action publique est un frein majeur en Europe.

La France doit assumer un rôle moteur dans ce décloisonnement, en favorisant la coopération entre grandes entreprises, PME, centres de recherche, collectivités locales et administrations publiques. L’IA peut être ce « langage commun » qui relie ces univers et accélère la mise en œuvre des politiques publiques.

L’IA au service des transitions

Transition énergétique

Aucune organisation, qu’elle soit publique ou privée, ne peut réussir seule la transition énergétique. L’IA apporte des réponses concrètes :

  • optimisation en temps réel des réseaux électriques, permettant des gains d’efficacité énergétique de 10 à 15 % (IEA, 2022) ;
  • anticipation des besoins de mobilité décarbonée, réduisant jusqu’à 20 % les émissions liées aux déplacements urbains (Banque mondiale, 2023) ;
  • amélioration de l’efficacité énergétique des data centers, responsables aujourd’hui de 2 % des émissions mondiales de CO₂ (Agence internationale de l’énergie, 2022).

Ces résultats démontrent que l’IA n’est pas un luxe, mais un outil indispensable à l’atteinte des objectifs climatiques européens (Fit for 55, Green Deal).

Santé et bien-être

Selon l’OCDE, 30 % des tâches administratives médicales pourraient être automatisées grâce à l’IA, libérant du temps pour les soignants (OCDE, 2023). En France, cela signifie potentiellement plus de 100 000 heures médicales réallouées chaque année aux patients. De plus, l’IA appliquée au dépistage permet une réduction de 20 % des erreurs de diagnostic dans certaines spécialités (Lancet Digital Health, 2021). Au sein d’une société qui vieillit et dont la moyenne d’âge s’approche des 40 ans, de telles avancées sont cruciales.

Mobilité et infrastructures

Les systèmes d’IA peuvent fluidifier le trafic urbain et réduire les embouteillages de 8 à 12 % (European Transport Forum, 2022). Appliqués aux réseaux ferroviaires et logistiques, ils permettent de mieux anticiper les pics de demande et d’améliorer la résilience face aux crises, un enjeu stratégique pour la souveraineté industrielle européenne. Créer des centres-villes apaisés, dédiés à la vie de quartier, au culturel et aux services, dans un cadre moins pressurisé : c’est aussi une des applications directes de ces technologies.

Transformer l’action publique

L’intelligence artificielle n’est pas seulement un levier économique : elle est aussi une arme de modernisation des services publics.

  • Anticipation des risques climatiques : des modèles prédictifs peuvent réduire les coûts liés aux catastrophes naturelles de 25 % (UNDRR, 2022).
  • Optimisation des transports publics : l’IA permet d’adapter l’offre en temps réel, améliorant la satisfaction des usagers et réduisant les coûts d’exploitation.
  • Simplification administrative : selon l’OCDE, 40 % des démarches pourraient être automatisées, améliorant la relation entre citoyens et administrations.

Mais cette modernisation doit être encadrée. Comme l’a rappelé l’UNESCO dans sa Recommandation sur l’éthique de l’IA (2021), « la technologie doit rester un instrument au service de l’humain, et non l’inverse ». Prenons enfin l’exemple d’Edi Rama, Premier ministre albanais qui vient d’annoncer la mise en place du premier ministre “100% intelligence artificielle” sur les achats, afin de mettre fin à la corruption dans son pays : une véritable avancée.

Vers une vision européenne de l’IA

L’Europe dispose d’atouts majeurs : excellence scientifique, infrastructures numériques, capital humain qualifié. Mais pour s’imposer, elle doit promouvoir une IA conforme à ses valeurs.

La future réglementation européenne (AI Act) vise à instaurer un cadre unique, fondé sur la confiance et la responsabilité. L’Europe veut montrer qu’il est possible d’allier performance technologique et protection des droits fondamentaux.

C’est cette approche qui peut constituer un avantage compétitif. Alors que d’autres régions privilégient la vitesse au détriment de la régulation, l’Europe peut être la référence mondiale d’une IA responsable et digne de confiance.

Conclusion : une coalition pour l’avenir

"Innover au service de la France", c’est affirmer une vision exigeante :

  • une innovation qui crée de la valeur économique mais aussi sociale et politique ;
  • une IA qui simplifie la vie des citoyens, renforce notre souveraineté industrielle et contribue aux Objectifs de développement durable (ODD) ;
  • une technologie qui rapproche plutôt qu’elle n’exclut.

La France a les talents, les infrastructures et les moyens financiers pour réussir. Ce qui nous manque encore, c’est la capacité à connecter ces énergies et à bâtir une coalition durable entre acteurs publics, privés et académiques.

Comme le rappelle l’OCDE : « L’IA sera ce que nous en ferons : une source de division, ou un levier de coopération et de progrès » (OCDE, 2023). À nous de choisir la seconde voie, et de hisser la France et l’Europe à l’avant-garde de la révolution technologique mondiale.

François Hoehlinger

31/10/2025

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