Le défi de l’imprédictibilité pour le monde du sport de haut niveau
03/02/2021 - 4 min. de lecture
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Jean-Maxence Berrou est entraîneur national de pentathlon moderne.
Le pentathlon moderne est la combinaison de 5 sports et 4 épreuves : l’escrime, la natation, l’équitation, le laser-run (fusion du tir au pistolet laser et de la course à pied). Cette discipline a été créée par le baron Pierre de Coubertin au court de l’ère moderne des JO. Il fit sa première apparition aux JO de Stockholm en 1912.
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2020 : une année olympique, une année si importante pour les sportifs. Quatre années pour se préparer à cet évènement qui devait célébrer l’exploit de nos champion(nes). Les meilleurs d’entre eux récompensés par un podium Olympique. Mais 2020 fut l’année de tous les bouleversements avec une pandémie, qui dans le domaine sportif, a entraîné l’annulation de toutes les compétitions internationales pour de nombreuses disciplines et surtout un report des Jeux Olympiques.
Durant cette période, nous devons faire face à l’incertitude, au manque de perspective et de visibilité alors que les athlètes – comme les staffs – sont en permanence dans cette quête de haute performance visant à décrocher les médailles mondiales et Olympiques. La rigueur, l’exigence est de mise dans notre quotidien : les saisons sportives sont dictées par un calendrier de compétitions précis, organisées par des cycles et des stages d’entraînement. Les journées sont rythmées au fil des séances et calibrées pour tenter de progresser à chaque instant. Comment donc gérer le passage de cette vie cadencée et maitrisée à ce sentiment de vide où tout s’arrête, où tout perd son sens. C’est un choc certain et avéré autant pour les athlètes que pour les entraîneurs. Cette rupture incite à s’adapter, s’organiser et se recentrer sur ce que nous maitrisons. Ainsi, il est nécessaire de créer un nouvel écosystème afin de continuer d’avancer.
En mars dernier, chacun de nos athlètes a expérimenté un confinement différent, notamment à travers les différences d’âge (de 18 à plus de 30 ans) et lieux de vie (cloitré dans un petit appartement parisien ou isolé dans une maison provinciale en famille).
L’élaboration de ce nouvel écosystème s’est faite en plusieurs temps. L’objectif était de gérer au mieux la situation et permettre de maintenir une stabilité psychologique ainsi qu’un entretien physique en vue de la reprise. Aujourd’hui, avec un peu de recul, je livre un retour sur expérience, la stratégie que nous avons mis en place.
Tout a commencé par une période de repos pour une intégration et une digestion de ce nouveau contexte.
Par la suite, de manière progressive, il a fallu créer de nouveaux programmes d’entraînement adaptés au contexte (lieux de vie) et au niveau de motivation de chacun afin d’apprendre à occuper le temps. Le but premier était de rester au maximum en mouvement et dans l’action afin de préparer la reprise dans notre lieu d’entraînement à l’INSEP (Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance, PARIS).
De nouvelles stratégies de communication entre le staff se sont ajoutées, visant à garder une proximité d’échange : débriefer de la partie d’année écoulée, profiter de ce temps pour optimiser le fonctionnement actuel, élaborer les modalités de reprise afin d’anticiper le retour à la pratique. Maintenir un lien et une proximité avec les athlètes afin de réaliser un état des lieux tant sur ce qui était fait pendant leur séquence d’entraînement que de se préoccuper de leur état psychologique. J’insiste particulièrement sur l’importance de prendre d’autant plus en compte dans cette période de pandémie l’état psychologique de nos athlètes. Enfin, inciter ces derniers à échanger avec le staff et à se responsabiliser dans leur investissement et engagement en fixant des objectifs ensemble.
La deuxième phase de ce retour d’expérience est la sortie de confinement, comprenant la reprise de l’entraînement et l’apprentissage du respect de l’ensemble des gestes barrières. En parallèle, gérer l’incertitude liée au maintien, ou non, des compétitions nationales et internationales.
Notre stratégie a été alors d’unir nos forces et de favoriser la dynamique collective lors des entraînements et des stages. N’ayant pas de compétitions programmées, nous avons saisi l’opportunité pour faire évoluer certaines de nos routines de stages habituelles. L’objectif principal était de réaliser d’autres activités sportives que celles du pentathlon moderne, de sortir les athlètes de leurs zones de confort pour les obliger à repousser leurs limites, se souder, stimuler l’entre-aide et la synergie collective. Même dans le sport individuel qu’est le pentathlon moderne, l’aspect collectif est déterminant dans la réussite.
Face à l’incertitude de l’organisation des compétitions, il était aussi nécessaire de stimuler les athlètes, renouer avec l’enjeu et la recherche d’un résultat. Ainsi, nous avons dû organiser régulièrement de nouvelles formes de compétition et défis afin de mobiliser le collectif dans le présent et préparer les évènements futurs.
Enfin, notre dernier pilier stratégique d’entraînement vise à appuyer les athlètes dans leur engagement continu, tout en essayant de rester dans une démarche positive et une volonté de progresser. C’est pourquoi les séances ont été organisées autour des valeurs sportives : travail, respect, partage et détermination dans l’effort. C’est également l’opportunité unique, du moins nous l’espérons, de travailler des épreuves en profondeur sans pression de résultat à court terme et donc d’optimiser la préparation pour les JO de Tokyo 2021 et bien sûr ceux de Paris 2024 dans le « viseur ».
Par ailleurs, une volonté du staff est de trouver des solutions dans l’adversité ou d’offrir l’occasion de progresser dans ce nouveau contexte mouvant et inédit. Cela nécessite de mettre en place un cadre, une organisation tout en restant tout de même réactif et flexible pour s’adapter au mieux en fonction de l’évolution du contexte sanitaire.
Pour aller plus loin, les situations auxquelles nous avons pu être confrontées montrent aussi qu’il est nécessaire de prendre le temps de dialoguer et de se concerter pour décider. Bien que nous soyons aujourd’hui dans une société de l’immédiateté, les temps de réflexion et de concertation semblent incontournables pour réguler et orienter au mieux les stratégies d’entraînement.
Plus largement, pour conclure j’attire l’attention sur la nécessité de mettre en place des routines structurantes et évolutives, de se fixer des objectifs à court terme. De cette manière, nous pouvons poursuivre notre avancée, pas à pas, et traverser plus sereinement cette période qui nous bouscule tous mais dont nous saurons, à n’en pas douter, tirer collectivement des enseignements pour innover dans nos pratiques sportives.
03/02/2021