Le retour de la vérité

19/01/2018 - 5 min. de lecture

Le retour de la vérité - Cercle K2

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René Villemure est une sommité internationale en matière d'Éthique. Il a reçu en 2019 un Doctorat honorifique(D.h.c.) de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

 

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Comment peut-on parler d’éthique dans un monde où le faux prend quotidiennement la place du vrai, et ce, dans une relative indifférence?

En rétrospective, il est désolant de constater à quel point, et avec quelle facilité, l’espace public s’est rempli de fausses nouvelles, des nouvelles auxquelles, sans un minimum de vérification, on accorde sans réfléchir une présomption de vérité.  C’est publié? C’est vrai ou, du moins, il doit y avoir un fond de vrai. La phrase précédente n’a pourtant aucun fondement, elle est de l’ordre de l’idée reçue, c’est-à-dire une idée fausse que l’on fait passer pour vraie. Rien n’est d’ailleurs plus faux, plus pernicieux, plus dangereux et plus répandu, que les idées reçues.

Notre monde en 2018 est fondé sur l’information, c’est elle qui permet le savoir et le pouvoir; l’information nous permet de faire des choix, de décider.

C’est la raison pour laquelle il est urgent de sonner l’alarme sur les fausses nouvelles et de rappeler que le vrai et le faux doivent être distingués car si l’envers de la vérité est toujours faux, l’envers de la fausseté n’est pas nécessairement vérité.

Pour s’y retrouver, et on n’y échappe pas, il faut réfléchir plutôt que de simplement réagir, il faut penser plutôt que de systématiquement partager sur les réseaux, deux activités que l’on aimerait bien déléguer à notre téléphone intelligent ou à notre tablette mais, ce n’est pas possible, alors, réfléchissons ensemble et tentons d’éclairer ce moment dans l’histoire.

Les dernières décennies nous ont habitués aux promesses électorales, relativement fausses, souvent énoncées pour la forme et, qui de toute manière, n’entraînaient aucun effet; nous avons souvent entendu des réclames publicitaires qui, pour l’une d’elle, clamait que le savon A lavait plus blanc que le savon B. Ces affirmations qui, sans nécessairement être fausses n’étaient pas considérées par la population comme étant vraies non plus. Ces promesses ou propositions n’avaient que peu d’importance, elles ne jouissaient pas forcément de ce qu’il convient d’appeler la présomption de vérité, on les percevait souvent comme étant des petits mensonges que l’on acceptait et que l’on croyait sans effet. Pourtant, rien n’est jamais sans effet. Ces petits mensonges se sont accumulés et nous ont habitués à ce que la vérité devienne un concept flou ou approximatif. Qui n’a pas retouché une photo personnelle ou mis de l’avant sous un meilleur jour son profil en ligne? Combien de photos de paysages publiées sur Instagram n’ont pas subi des retouches extrêmes qui rendent méconnaissables les lieux représentés? Les images sur Instagram et les photos de profil ne sont pas fausses, elles ne sont simplement pas représentatives ou fidèles à la réalité, elles appartiennent à un nouveau concept que l’on appelle dorénavant le relativement vrai.  Celui-ci est une appréciation de surface qui ne doit pas être confondu avec le vrai. La caractéristique essentielle au relativement vrai est le fait d’être publié en ligne.

C’est à ce moment que nous sommes passés du vrai au C’est publié en ligne, c’est donc vrai; c’est à partir de ce point que le relativement vrai est devenu vrai aux yeux de la plupart.

Dans sa forme mineure, le relativement vrai sert à tromper en évitant de montrer que certaines personnes ont, en réalité, une vie plus moche que leurs profils en ligne ne le laissent croire; que d’autres ont toujours ce vilain bouton sur la joue que l’on préfère dissimuler avec Photoshop; dans sa forme plus perverse, le relativement vrai est utilisé par certains afin de créer la confusion de la population sur des enjeux d’intérêt public; c’est ce que l’on appelle les fake news.

Depuis l’augmentation de la fréquence de ces petites faussetés (i.e. les photos retouchées), et des plus grandes (les fake news) on s’est habitué à elles et on n’a que peu ou plus d’intérêt pour la vérité. En quelques mots : on s’est habitués au faux.

Le faux, c’est rassurant, c’est moins compliqué, croit-on. Du moins, le relativement vrai dispense de réfléchir…dans une société malade de l’urgence, c’est plus simple.

En conséquence, dans l’espace public, le faux a remplacé le mensonge. Pourquoi mentir lorsque l’on peut simplement s’en tirer avec le relativement vrai?

Par contre, les répercussions sont graves. Le mensonge institutionnalisé que sont les fake news, nous empêche de décider avec justesse, sereinement, ne sachant jamais si les faits évoqués dans ces nouvelles sont vrais, relativement vrais ou carrément faux. Même si l’absolue vérité est généralement hors de portée, on doit tout de même pouvoir s’appuyer sur des éléments solides afin de rendre jugement ou de décider.

Tout au long de notre vie, nous fondons nos décisions et nos actions subséquentes sur les informations que nous recevons des médias sociaux ou traditionnels, des gouvernements, de notre entourage, de nos amis et membres de notre famille.  La menace que la fausseté fait peser sur ces décisions nous rend souvent ambivalents face à une décision en particulier : en plus de devoir s’assurer que nous possédons toute l’information nécessaire à la prise d’une décision éclairée, nous devons constamment nous interroger afin de savoir si l’information en notre possession n’a pas été manipulée par une tierce partie afin d’orienter notre décision?  Une telle tension est intenable en soi.

Chaque vérité approximative, chaque mensonge, chaque fake news attaque et sape le socle de la confiance sur lequel nous devons nous appuyer pour vivre en société.

Cette situation ne peut être tolérée car, sans confiance, aucune société n’est possible. Il est impensable de vivre dans un monde où chaque parole, chaque fait énoncé, doivent être vérifiés un à un, à chaque fois.

Les gouvernements ainsi que tous et chacun d’entre nous devons agir afin de rendre inopérants ces mensonges et fake news dans l’espace public et faire en sorte que les promoteurs de ces conduites asociales soient blâmés.

La sanction au mensonge, c’est l’opprobre et la honte.

Malheureusement, dans un monde où règne le faux, l’opprobre et la honte n’ont que peu de valeur.

Une résolution pour 2018?

Tout en pensant un peu plus aux autres et un peu moins à soi : moins de fausseté et plus d’honnêteté dans nos interactions.

Cela me semble une bonne idée.

19/01/2018

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