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Dominique Letourneau est Président du Directoire de la Fondation de l’Avenir pour la recherche médicale appliquée et Professeur associé, Université Paris-Est, Faculté de médecine de Créteil
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Trop souvent en France pour résoudre (enterrer aurait dit Clemenceau) un problème, on installe une commission, voire on convoque une grande messe. Très clairement le Ségur de la santé fait partie de cette deuxième option. Le problème étant suffisamment aigu, pour que l’on ne tergiverse pas et que les pouvoirs publics se donnent les moyens. On ne lésine pas sur le nombre des parties prenantes associées, des réunions bilatérales, des rencontres territoriales et pour être dans l’ère du temps, des consultations en ligne. La démarche se veut ouverte, participative avec un souci de répondre vite car la pression est là. Mais une fois la messe passée, les annonces effectuées, la facture présentée, que reste-t-il ?
S’agissant de la santé le problème est loin d’être résolu, car ce Ségur de la santé vient après des rapports, des commissions, des lois et une production réglementaire qui depuis 30 ans se sont empilés à un rythme de plus en plus effréné.
Le diagnostic est connu, notre système de santé est organisé pour répondre à des besoins de santé qui ne sont plus forcément ceux qui correspondent au profil (démographique, sociologique et épidémiologique) de la population française d’aujourd’hui.
Le diagnostic est connu, notre système coûte de plus en plus cher pour un accès et un service rendu de moins en moins bonne qualité.
Le diagnostic est connu, notre système de santé s’est de plus en plus complexifié et tout ceci au nom de la simplification et de la sécurité des soins.
Le diagnostic est connu, notre système de santé n’est pas un système, mais plutôt une juxtaposition d’acteurs et d’organisations aux intérêts immédiats souvent divergents.
Nous pourrions continuer l’anaphore, en pointant le recul de notre industrie biomédicale ou de notre recherche. Je ne sais pas si notre système était le meilleur du monde, comme cela se disait il y a encore quelque temps, mais il était accompagné d’un environnement industriel et scientifique de grande qualité. Ceci est-il toujours le cas aujourd’hui ?
Si le diagnostic est connu, paradoxalement les solutions sont esquissées depuis longtemps, comme si le Ségur servait de catalyseur pour accélérer ce qui aurait déjà dû être mis en œuvre. Il conviendrait de s’interroger sur cette difficulté à traduire dans les faits avec réactivité ce qui fait déjà globalement consensus. Car si nous regardons les conclusions du Ségur, rien de nouveau, rien de bien clivant. Encore que de façon sous-jacente, avec la remise en première ligne des acteurs soignants au plus près des patients, nous assistons à un changement de paradigme qui va poser problème aux institutions techno-bureaucratiques dont la santé ne manque pas. Mais entre l’annonce et l’effectivité traduite au plus près du terrain, le chemin sera long et supposera une forte volonté politique inscrite dans la durée.
Finalement un Ségur de la santé (dans ce cas, mais nous pourrions dire la même chose d’un Grenelle) doit aussi surement correspondre à une gestion des rapports de force interne au sein de l’administration centrale et notamment dans la relation à Bercy. Les ministères sectoriels, sauf exception, sont rarement écoutés dans les arbitrages qui pourtant pourraient permettre d’inscrire dans la durée l’évolution d’un secteur. Et trop souvent en France, c’est dans l’urgence, appréciée en fonction du potentiel de nuisance des protagonistes, que les décisions sont prises.
Au final c’est très coûteux pour la collectivité, cela obère des marges de manœuvre pour accompagner des adaptations structurelles indispensables et intrinsèquement la réponse perçue au niveau individuel reste assez faible. Elle sera de ce fait vite oubliée par les professionnels concernés jusqu’à la prochaine crise. Et puis ce Ségur de la santé bouclé juste avant la pause estivale semble finalement bien loin une fois cette rentrée à l’ordre du jour.
16/09/2020