[Groupe K2] La préparation mentale en entreprise

13/04/2022 - 10 min. de lecture

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Ancienne basketteuse de haut niveau, Tatiana Manuel est Manager en informatique et organisation dans le secteur du logement social après un parcours dans le milieu bancaire. Elle accompagne en parallèle en coaching, préparation mentale et conseil RH en milieu sportif et privé.  

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Quels constats dressez-vous sur la performance en entreprise ?

Le lien entre l’humain et la performance est un réel sujet en entreprise. Je travaille en tant que manager dans les métiers de l’informatique depuis près de 20 ans, et je me suis rendue compte que faire évoluer les outils informatiques et les organisations supposait avant tout d’aller travailler l’humain. Malheureusement, cette dimension n’est pas suffisamment traitée ou tout du moins sous-estimée. 

C’est à partir de ce constat que j’ai commencé à étudier les thématiques liées au développement de la performance et à la conduite du changement, au départ beaucoup au travers de la formation en interne et de l’auto-formation, puis en suivant un Master en Conseil en organisation et conduite du changement à Paris VIII. Mon objectif était d’acquérir les outils et les techniques pour accompagner au mieux les individus et le collectif dans les sujets de transformation.

Lorsque l’on modifie une organisation ou un outil informatique, il est essentiel de soutenir les personnes qui sont ancrées dans des habitudes, des modes de fonctionnement. Il est donc nécessaire d’activer les leviers permettant d’atteindre plus de flexibilité, d’ouverture pour qu’elles s’ouvrent au changement, pour être plus à l’aise dans les nouvelles organisations, notamment par rapport aux outils informatiques. 

 

En reprenant votre exemple, qu’avez-vous mis en place pour gagner en efficacité ? 

Tout cela s’est passé par beaucoup de communication au départ. J’ai beaucoup travaillé sur les éléments de communication. Je me suis intéressée à la PNL ainsi qu'aux techniques de questionnement. Apprendre à questionner l’autre sur ses besoins : comment il se verrait travailler avec le nouvel outil informatique ? Qu’est-ce qu’il lui faudrait pour se sentir bien ? Quels seraient ses manques ? Et, par rapport aux manques, lui proposer aussi des outils et des techniques pour s’organiser et gérer les montées de stress. Tous ces éléments qui sont des éléments de préparation mentale, je les ai peu à peu intégrés dans ce que je faisais au quotidien vis-à-vis des organisations que j’accompagnais dans leur transformation. 

 

Quelles difficultés ont été rencontrées par les accompagnants ?

Ces personnes étaient demanderesses de transformation mais ressentaient une forme de stress, de questionnement et de doutes, en raison notamment de la part d’inconnu. La clé a été de les faire travailler sur leur ouverture, la curiosité, l’intérêt pour leur faire prendre conscience qu’elles étaient / pouvaient être acteurs, dans le bon sens du terme, à la transformation de l’outil informatique et la participation au changement de l’organisation. Il a également fallu expliquer à ces personnes qu’elles allaient, à titre personnel, y trouver de nouvelles aptitudes et de nouvelles compétences leur permettant une meilleure performance. 

En effet, le travail est un domaine dans lequel la notion de performance est présente. Chacun a son niveau de performance. Je ne prône pas la haute performance mais je pense que l’on est tous en capacité de faire bouger nos propres limites et d’étirer nos capacités au quotidien, notamment pour donner du sens à ce que l’on fait. Finalement, nous ne sommes que des êtres organiques qui ont besoin aussi de pouvoir grandir, évoluer et se nourrir au quotidien, sous peine de s’asphyxier, de s’éteindre.

 

Par quelles étapes passe l’accompagnement ? Est-il individualisé ou standardisé ?

L’accompagnement que je prodigue à chacun de mes collaborateurs ou à chacun de mes interlocuteurs, hors de ma direction, est vraiment individualisé. Cela se passe au travers de nos échanges où je vais aller affiner ma perception et ma connaissance de la personne pour lui proposer des outils ou des pistes de réflexion qui sont vraiment singulières et adaptées à la personne. 

 

Quels sont les outils que vous mettez à disposition des personnes que vous accompagnez ?

La réponse n’est pas simple. En fait, je dispose d’une boîte à outils. J’ai été formée en préparation mentale, en coaching, en PNL, en techniques d’hypnose et je suis praticienne de 4 ou 5 outils particuliers. Il n’y a donc rien de vraiment défini. 

C’est vraiment un ressenti, une intuition sur le moment où je vais poser quelque chose sur la table. Récemment, j’étais en réunion avec un manager et on parlait des pistes de réflexion sur la réorganisation de son département et je ne le sentais vraiment pas à l’aise. Très rapidement, sans lui faire passer de test, je lui ai parlé du MBTI (Myers Briggs Type Indicator : outil d’évaluation psychologique déterminant le type psychologique d’un sujet parmi seize types différents) avec les 4 dimensions et les 2 polarités associées à chacune des dimensions pour qu’il arrive aussi à comprendre la problématique dans laquelle il se trouvait en tant que manager. Son profil était plutôt de préférence introversion avec une préférence en termes de collectes d’informations qui était plutôt sensation par des faits, par des détails. Il avait une forte proportion en termes de prises de décision, ce que l’on appelle "feeling", donc avec un besoin d’harmonie et de consensus. Pourtant, il devait arriver à un scénario de transformation d’organisation qui passait nécessairement par une forme de fracture. Cela causait chez lui quelque chose d’extrêmement fort. Il avait du mal à exprimer ce qu’il ressentait. C’était émotionnellement assez intense. Le fait de travailler sur son type, de manière très rapide, m’a permis aussi de l’amener sur la potentialité d’aller activer sa dimension extraversion dans l’expression de ce qu’il pouvait vivre pour pouvoir aller travailler derrière un plan d’action. 

 

Qu’est-ce qui distingue la préparation mentale auprès des sportifs de la préparation mentale auprès des dirigeants ou managers d’entreprises ?

Pour moi, il n’y a pas de différence. Un dirigeant d’entreprise est un sportif de haut niveau et ce qu’il vit au quotidien relève de la haute performance. Donc l’intégralité des outils mis à disposition de la préparation mentale pour moi est complètement transposable au monde de l’entreprise. J’ai accompagné une DRH d’un grand groupe et j’ai vraiment travaillé sur la fixation d’objectifs, la relaxation, la visualisation, l’imagerie mentale. Le panel des outils de préparation mentale a été utilisé avec elle. 

 

Cela revient à dire qu’un dirigeant avant la réunion la plus importante de l’année serait dans la même situation psychologique qu’un sportif avant les Jeux olympiques ? 

Exactement. L’impact sur l’individu est à la hauteur de la représentation qu’il se fait de l’enjeu. Un dirigeant d’entreprise ou un membre du comité de direction est soumis à de nombreuses échéances. Il a acquis une forme de résistance, de capacité à avoir des temps forts et des temps faibles et de s’entraîner et de renouveler l’effort à la hauteur d’un sportif de haut niveau. Je dirais même que, pour un dirigeant d’entreprise, cela va même à plus long court car la carrière d’un dirigeant d’entreprise est souvent plus longue que celle d’un sportif de haut niveau. 

 

Quels sont les freins à l’optimisation de la performance des dirigeants d’entreprises ? 

À mon sens, le frein majeur aujourd’hui est le temps, car il y a une accélération en entreprise qui ne permet plus toujours d’avoir ces temps d’intention à soi, pour être en capacité de donner aux autres. 

Le deuxième frein est que ce sont des techniques qui sont assez peu proposées en entreprise et, lorsqu’elles le sont, elles touchent la plupart du temps les mêmes couches hiérarchiques, alors que cela fait partie des sujets qui devraient être et à la portée de tous. Chacun peut avoir besoin à certains moments d’être accompagné et de trouver des techniques pour aussi y trouver un mieux-être, parce que la recherche de performance, c’est aussi apprendre à mieux se gérer, à se sentir mieux, à gérer ses moments de "moins" et à canaliser ses moments de "plus".

 

Comment se construit l’accompagnement en préparation mentale ?

Quand je présente la préparation mentale, je simplifie en disant qu’il y a 3 grosses zones de cerveau et que l’on a besoin de s’assurer que l’équilibre est en place avant d’entamer le travail en préparation mentale. 

Se pose alors la question de ses besoins primaires : est-ce que je mange correctement ? Est-ce que je dors correctement ? Est-ce que je respire correctement ? Est-ce que j’assure mes besoins de base pour pouvoir aussi être équilibré émotionnellement. Et est-ce que je suis suffisamment équilibré pour de nouveau avoir accès à mon sas de prise de décision ? 

Tout cela relève d’un travail préalable et qui doit être nourri au quotidien car des évènements de la vie peuvent créer de nouveaux déséquilibres. Si cela arrive, quels sont les indicateurs qui me permettent d’identifier là où je dois travailler ? Quelles sont les ressources que je dois aller chercher ? Et qu’est-ce que je dois incarner pour de nouveau me mettre en mouvement ? 

 

Que se passe-t-il une fois l’accompagnement terminé ? 

Il y a une dynamique d’acculturation qui s’inscrit chez la personne pour la rendre curieuse et qu’elle puisse continuer à se développer sans moi. Je ne suis pas une béquille pour le reste de sa vie. J’aide juste, à un moment donné, la personne à prendre un nouveau mode de fonctionnement, une nouvelle façon d’appréhender les choses. L’objectif est qu’elle reparte en apprenant à s’auto-développer toute seule. 

 

Certaines personnes peuvent-elles avoir besoin d’un travail psychologique avant la préparation mentale ?

Lors d’un accompagnement, il y a le diagnostic et la prise de conscience. Dans cette prise de conscience, il y a des composantes qui relèvent du champ psychologique ou thérapeutique. Notre objectif est alors de rediriger vers le professionnel compétent. Il y a des terrains où, en tant qu’accompagnant sur de la préparation mentale, ou même tout type d’accompagnement, nous ne sommes pas habilités. Il est de notre responsabilité d’aiguiller vers les bonnes personnes. 

 

On parle de préparation mentale mais le corps entier semble concerné ?

Je vais donner un exemple avec un joueur américain que j’ai accompagné qui jouait en France et avait des gros problèmes de concentration. Je lui ai présenté les 3 grands pans que le cerveau avait besoin pour bien fonctionner : les besoins primaires, la partie émotionnelle et la partie prise de décision. 

Puis, après je l’ai fait travailler sur une technique en le mettant dans la peau d’un animal. Il a choisi le jaguar pour tout ce qu’il savait faire et je lui ai demandé de quoi avait-il besoin pour se sentir bien. Évidemment, il m'a dit qu’il a besoin de dormir, de se nourrir, etc. Au bout d’un moment, en travaillant sur ces aspects, il s’est rendu compte de lui-même qu’il ne dormait pas correctement parce qu’il passait son temps à appeler sa famille aux États-Unis. Il ne faisait pas non plus beaucoup attention à son alimentation. Je lui ai dit que ses problèmes de concentration vont aussi dépendre du temps qu’il va passer à rééquilibrer ces deux aspects. 

Ici, la prise de conscience est arrivée en douceur, en jouant un peu sur de la symbolique et afin qu’il se rende compte par lui-même de ces décalages. Il a compris que sa prise de décision sur un terrain et sa capacité à se concentrer dépendraient de sa capacité à se mettre très au clair sur ses besoins primaires au niveau corporel. On est donc sur l’aspect physique pur et après aller travailler aussi l’émotionnel parce que son expatriation en France lui causait un déséquilibre émotionnel énorme. Il avait beaucoup de mal à switcher lorsqu’il était sur un terrain. Ce sont des éléments qui, sur le papier, peuvent sembler anecdotiques mais en faisant cette analyse, ont permis de remonter l’histoire et la retravailler réellement dans son intégralité. Cela a dû passer par une prise de conscience qu’il a dû faire lui-même. 

 

Comment les outils utilisés par un entraîneur peuvent être utiles au manager en entreprise ? Et inversement ? 

J’ai accompagné des managers comme j’accompagne encore des entraîneurs professionnels. J’utilise exactement les mêmes outils. Ma spécificité lorsque j’accompagne des entraîneurs est de transmettre des outils de management qu’ils n’ont pas. Au-delà des outils de préparation mentale, je leur donne des outils qui viennent du monde de l’entreprise. 

 

Comment la préparation mentale peut s’intégrer au quotidien ?

Vivre sa vie au quotidien peut être une performance. La vie est un grand championnat. Il peut même y en avoir plusieurs. Ce sont des réussites, mais aussi des échecs. C’est aussi travailler sa résilience, apprendre à se connaître davantage et donc se doter de techniques pour se sentir bien, performant ou gérer les aléas de la vie. 

C’est aussi apprendre à comprendre la différence avec les autres, nous ouvrir aussi à l’autre pour prendre conscience que l’on fait partie d’un grand collectif. Et, dans ce grand collectif, quelle est la part que je prends ? Quelle est la part qui revient à l’autre ? Et comment on fait au quotidien l’un avec l’autre pour que ça aille bien ? 

La vie au quotidien est donc aussi une forme de performance qui nécessite de la résistance, de la résilience et plein de choses qui font que la préparation mentale et tout ce qu’elle peut apporter en connaissances, techniques et outils, y trouvent complètement sa place. 

Tatiana Manuel

Cet entretien s'inscrit dans le cadre des échanges menés par le Groupe K2 "préparation mentale pour tous" composé de :

Cristina Piccin est préparatrice mentale et sportive de Haut Niveau; Sylvain Callejon est Responsable de la Communication et du Marketing chez Allyteams ; Fanny Renou avocate et co-fondatrice de Allyteams; Charlotte Lapicque Secrétaire générale du Cercle K2; Reynald Lemaitre Conseiller en gestion de patrimoine chez Capfinances & Ancien footballeur professionnel ; Benjamin Nivet ancien footballeur professionnel ; Marilise Miquel Directrice des Opérations du Cercle K2 ; Christophe Massina  Responsable de l'Equipe de France féminine de Judo ; Edith Perreaut-Pierre Directrice associée de Coévolution ; Michel Verger Enseignant-chercheur et Préparateur mental ; Fabien Siguier Vice-Président Exécutif Ressources Humaines et Transformation au sein du Groupe Adisseo; Ronny Turiaf Ancien joueur professionnel de basket-ball. Champion de NBA avec le Heat de Miami

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13/04/2022

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