La Grande Distribution européenne : chronique d'une mort annoncée

20/06/2025 - 14 min. de lecture

La Grande Distribution européenne : chronique d'une mort annoncée - Cercle K2

Cercle K2 neither approves or disapproves of the opinions expressed in the articles. Their authors are exclusively responsible for their content.

Aurélie Luttrin est Présidente de Eokosmo.

---

Amazon a détrôné Walmart en chiffre d’affaires trimestriel pour la première fois de l’histoire. Au quatrième trimestre 2024, le géant du e-commerce a enregistré 187,8 milliards de dollars de revenus, surpassant les 180,6 milliards de Walmart (source : LSA, 21 février 2025).

Ce basculement symbolise bien plus qu’une simple performance financière : il incarne le triomphe d’un modèle fondé sur la maîtrise des données, l’agilité technologique et l’exploitation intégrale des infrastructures numériques.

Pendant que les distributeurs traditionnels européens peinent à moderniser leurs systèmes et à saisir les implications de la quatrième révolution industrielle, des acteurs comme Amazon, Alibaba ou JD.com redéfinissent les règles du jeu.

La détention de capital, les mètres carrés, ou même l’expertise sectorielle ne suffisent plus. L’avantage compétitif décisif se trouve désormais dans la capacité à capter, structurer et activer les données, à chaque maillon de la chaîne de valeur.

La grande distribution européenne est en train de mourir, et personne ne semble vouloir appeler les choses par leur nom. Elle ne meurt ni de désamour des consommateurs, ni d’un déficit de compétences logistiques. Elle meurt de n’avoir pas vu venir une révolution qui remplace le savoir-faire par la data-science, et les entrepôts par les algorithmes.

Ce n’est pas une crise. C’est une mise à mort. La grande distribution européenne n’a pas raté sa digitalisation. Elle a raté sa révolution. Celle qui redéfinit les rapports de force économiques non seulement par les produits, mais aussi par la donnée. Celle qui permet aux géants du numérique de se nourrir des distributeurs... avant de les remplacer.

Voici pourquoi.

1. Un secteur qui n’a pas pris la mesure de la 4ème révolution industrielle

La quatrième révolution industrielle n’est pas une simple étape technologique supplémentaire. Elle ne se résume ni à l’automatisation, ni à la numérisation des processus. Elle marque un basculement de paradigme : la donnée devient le nouveau capital, et sa maîtrise le facteur central de performance économique, sociale et stratégique.

Cette révolution repose sur trois piliers indissociables :

  • la captation systématique des données à toutes les étapes de la chaîne de valeur (production, logistique, vente, relation client, maintenance…) ;
  • la mise en réseau intelligente de ces données (interopérabilité, cloud, API, cybersécurité) ;
  • et leur exploitation dynamique et finalisée, à travers notamment des modèles d’IA, d’optimisation, d’anticipation ou de personnalisation, au service d’objectifs préalablement définis.

L’intelligence artificielle n’est pas en soi la révolution. Ce n’est qu’un outil, un canal, un levier parmi d’autres. Ce qui fait la révolution, c’est l’exploitation stratégique des données - à condition que cette exploitation soit orientée, finalisée, et gouvernée. C’est ici que beaucoup se trompent : croire que l’IA ou le numérique sont des solutions prêtes à l’emploi, à prendre sur étagère, c’est s’interdire d’en faire un levier de transformation. Les technologies ne sont pas des gadgets. Ce sont des choix politiques.

Pour en tirer parti, il faut :

  • définir précisément ses besoins stratégiques et non partir des outils disponibles ;
  • comprendre la géopolitique des infrastructures numériques : où sont stockées les données ? par qui sont-elles exploitées ? dans quel cadre juridique ?
  • évaluer les risques extraterritoriaux : beaucoup de solutions dites “cloud” exposent les données européennes au droit américain (CLOUD Act, FISA…), ou chinois (Cybersecurity Law) ;
  • intégrer la sécurité dès la conception, pas comme une couche a posteriori.

Or, la grande distribution européenne reste majoritairement bloquée dans une culture du système d’information patrimonial : cloisonné, linéaire, hérité. Sa gouvernance des données est souvent absente, fragmentaire ou sous-traitée sans maîtrise. 

C’est cette bascule que la grande distribution européenne n’a pas anticipée. Trop d’acteurs restent enfermés dans une vision mécanique du progrès, où l’on déploie des outils sans repenser les finalités, les usages ni les organisations. Leurs systèmes d'information sont souvent conçus comme des centres de coûts techniques, et non comme des cœurs de pilotage stratégique. Résultat : des outils inadaptés, coûteux, et parfois destructeurs de valeur.

Deux exemples parlants : Lidl et GiFi

Lidl a illustré à grande échelle les conséquences d’un projet technologique mal aligné avec les réalités internes. Entre 2011 et 2018, l’enseigne a investi près de 500 millions d’euros dans un ERP SAP censé unifier sa gestion des flux. Mais le modèle SAP, basé sur le prix de vente, entrait en contradiction avec la culture de gestion de Lidl, centrée sur le prix d’achat. Les surcoûts d’adaptation, la complexité et le manque d’adhésion interne ont conduit à l’abandon total du projet – et à une perte sèche (RetailDetail, 2018). Mais un second cas, plus récent, révèle une autre forme d’erreur stratégique : celle du contresens masqué par une annonce flatteuse.

Plus récemment, en novembre 2024, le groupe Schwarz, maison mère de Lidl, annonçait fièrement que sa filiale StackIT hébergerait en Allemagne la suite Google Workspace dans des conditions de sécurité et de confidentialité renforcées. Présentée comme une avancée majeure en matière de souveraineté numérique, cette initiative suscite pourtant de lourdes interrogations.

Car en réalité, cette alliance ne garantit ni l’indépendance technique, ni la maîtrise servicielle.

Techniquement, StackIT n’est qu’un hébergeur : Google reste propriétaire du code, des outils, des interfaces, des mises à jour. Lidl ne maîtrise ni le socle applicatif ni les choix d’orientation des services. À la moindre évolution imposée, l’organisation interne s’adapte – ou subit.

Juridiquement, Google reste une société américaine soumise au CLOUD Act. Même si les données sont hébergées en Europe, elles peuvent faire l’objet de réquisitions extraterritoriales. La localisation des serveurs ne garantit ni l’inviolabilité des données ni leur souveraineté.

Sur le plan serviciel, Google conserve la relation avec l’utilisateur final. Lidl ne contrôle ni la logique fonctionnelle des outils (Docs, Gmail, Drive, Meet…) ni leur intégration stratégique. Cela renforce une dépendance structurelle à une plateforme extérieure, qui s’impose progressivement dans les usages internes, jusqu’à rendre tout retour en arrière impossible.

Ce type de partenariat donne l’illusion d’une autonomie numérique, alors qu’il expose davantage le groupe à une captation de valeur et à une désintermédiation rampante. Ce n’est pas un pas vers la souveraineté : c’est une délégation maquillée.

GiFi, de son côté, a connu une crise grave en 2023-2024 suite à une migration informatique bâclée. Le programme "Millénium", mal conçu et mal piloté, a entraîné des erreurs de réapprovisionnement massives, un désalignement entre les ventes et les stocks, et une baisse brutale du chiffre d’affaires. Le groupe a dû négocier en urgence avec ses créanciers pour éviter la faillite (CIO On Line, 12 mars 2024).

Ces cas ne sont pas des exceptions : ils incarnent une maladie structurelle de la gouvernance numérique en grande distribution.

L’indispensable révolution des DSI

La quatrième révolution industrielle impose une transformation du rôle des Directions des Systèmes d’Information. Elles ne peuvent plus fonctionner comme des départements techniques isolés, mais doivent devenir des directions stratégiques, transversales, connectées au terrain, aux clients et à la vision d’entreprise.

Cela implique :

  • Une compréhension fine des besoins métiers réels, pour éviter les décalages entre outils déployés et usages ;
  • Un pilotage éclairé de l’écosystème technologique, intégrant les enjeux de souveraineté, de droits extraterritoriaux et de cybersécurité ;
  • L’anticipation des usages, l’agilité dans les choix techniques, et une écoute constante des équipes opérationnelles ;
  • Une capacité à orchestrer des transformations complexes, intégrant formation, conduite du changement et redéfinition des rôles.

Des technologies devenues politiques

Enfin, il faut marteler ce point fondamental : les technologies ne sont plus neutres. Les infrastructures cloud, les services IA, les outils collaboratifs sont régis par des logiques juridiques et géopolitiques (CLOUD Act américain, Cybersécurité Law chinoise, Règlement IA européen). Choisir un outil, ce n’est pas simplement répondre à un besoin fonctionnel : c’est s’inscrire dans un cadre juridique, économique, éthique et stratégique. Cela exige de la lucidité, de la méthode et une véritable vision souveraine.

La grande distribution européenne ne meurt pas d’un défaut d’outillage. Elle meurt d’une absence de stratégie numérique intégrée, d’une vision tronquée de la révolution industrielle en cours, et de décisions IT faites en silo, souvent sans finalité ni gouvernance.

2. La stratégie du criquet : comment les géants du numérique phagocytent la grande distribution ?

La « stratégie du criquet », telle que je l’ai décrite dans une précédente tribune (La stratégie du criquet des GAFAM-BATX menace la démocratie et l'économie ; La Tribune – 18 août 2020), illustre la méthode insidieuse par laquelle les géants du numérique s'infiltrent dans des secteurs économiques, exploitent les ressources disponibles, puis se retirent une fois leur domination assurée.

Cette approche se déroule en quatre phases :

  • Partenariat initial : les géants du numérique établissent des collaborations avec des acteurs traditionnels, souvent sous couvert de services cloud ou d'intelligence artificielle.
  • Acquisition de connaissances : ils analysent en profondeur le fonctionnement interne de leurs partenaires, accumulant des données précieuses sur les processus, les clients et les marchés.
  • Création de concurrents : forts de ces informations, ils développent des solutions concurrentes, souvent plus efficaces et adaptées aux besoins des consommateurs.
  • Domination du marché : en proposant des services supérieurs, ils supplantent les acteurs traditionnels, les reléguant à des rôles secondaires ou les éliminant du marché.

Des alliances toxiques : Monoprix, Auchan, Leclerc

Plusieurs enseignes de la grande distribution européenne ont été piégées par cette stratégie :

Monoprix – Amazon Prime Now : en 2018, Monoprix a conclu un partenariat avec Amazon pour proposer ses produits alimentaires via le service Prime Now à Paris et en proche banlieue. Cette collaboration a permis à Amazon d'accéder à des données précieuses sur les habitudes de consommation des clients urbains français, renforçant ainsi sa position sur le marché français au détriment de Monoprix. 

Auchan – Alibaba : en 2017, Auchan et Alibaba ont noué un partenariat stratégique en Chine en devenant les deux actionnaires majoritaires de Sun Art Retail Group. Cependant, en 2020, Auchan a vendu sa participation de 36 % dans Sun Art à Alibaba pour environ 3 milliards d'euros, mettant fin à son aventure chinoise. Cette cession illustre comment Alibaba a pu renforcer sa présence en Chine, tandis qu'Auchan s'est retiré du marché.

Leclerc/Microsoft : fascination technologique et absence de lucidité stratégique

Un exemple emblématique de cette dépendance douce se trouve dans le témoignage de Michel-Édouard Leclerc lui-même. Dans un billet publié sur son blog après une rencontre , le 24 janvier 2019, avec les équipes de Microsoft France, il écrit :

« Microsoft fait valoir qu’il ne sera jamais notre concurrent et propose des partages dans la collecte, la gestion et l’analyse des données. Les présentations d’expériences et de projets étaient très pédagogiques, ce qui pour les dirigeants de la coopérative E.Leclerc est perçu comme une qualité essentielle. »

Ce type de prise de contact, sincèrement apprécié pour sa clarté et sa pédagogie, traduit aussi un phénomène plus large : la manière dont certaines décisions technologiques structurantes peuvent être prises dans un climat de confiance, voire de fascination, sans une évaluation complète des enjeux systémiques. 

L’assurance donnée par Microsoft – « nous ne serons jamais vos concurrents » – est accueillie avec sérieux, mais elle mériterait d’être systématiquement interrogée à la lumière des transformations profondes du secteur.

Car si Microsoft ne vend pas de produits alimentaires, il développe et commercialise des solutions d’optimisation logistique, de prédiction des ventes, de pricing automatisé et de magasins sans friction. 

Autant de domaines qui, demain, peuvent redéfinir la valeur dans la grande distribution. La question n’est donc pas “vont-ils nous remplacer ?” mais “dans quels maillons de la chaîne vont-ils capter la valeur ?”

Ce n’est pas une erreur individuelle, ni une naïveté coupable : c’est le reflet d’un manque d’acculturation stratégique à la 4ème révolution industrielle, où la frontière entre fournisseur de technologie et acteur économique est désormais floue, mouvante, et à géométrie variable. 

Une dépendance accrue et une souveraineté compromise

Ces alliances, loin de renforcer les enseignes traditionnelles, ont souvent conduit à une perte de contrôle sur leurs données et leurs processus. En confiant des aspects cruciaux de leur activité à des acteurs externes, elles ont compromis leur souveraineté numérique et leur capacité à innover de manière autonome.

La stratégie du criquet démontre que, sans une compréhension approfondie des enjeux de la quatrième révolution industrielle et une gouvernance rigoureuse des données, les partenariats avec les géants du numérique peuvent se transformer en pièges mortels pour les acteurs traditionnels de la grande distribution.

Le commerce physique ou numérique n’est plus hors-sol : les GAMMA sont déjà dedans

Contrairement à une idée reçue, les géants du numérique ne se contentent plus d'être des partenaires technologiques. Ils sont devenus eux-mêmes des acteurs de la grande distribution :

  • Amazon : possède ses propres chaînes physiques (Amazon Go, Amazon Fresh, Whole Foods), sa marketplace globale et son système logistique complet.
  • Google : développe Google Shopping et contrôle les accès aux comportements d'achat via Chrome, Android et Maps.
  • Microsoft : a racheté l'application de scan intelligent Grabango, investit dans les systèmes de caisse sans friction et collabore avec Walmart sur des projets de magasin automatisé.

Ils ne vendent pas seulement des outils aux distributeurs. Ils testent, développent, valident, industrialisent... et vendent ensuite en direct.

L’IA, catalyseur d’une double peine pour la distribution

La grande distribution alimente aujourd'hui gratuitement les modèles d'intelligence artificielle de ses propres concurrents. Chaque requête de client, chaque transaction numérique, chaque comportement sur le site d'une enseigne partenaire du cloud est aspiré, structuré, analysé par les grands modèles d'IA des GAMMA (Gemini, Copilot, Claude, Amazon Bedrock...).

Ces IA sont ensuite revendues sous forme de services (pricing prédictif, supply chain optimisée, assistants de vente, analyse client) aux mêmes distributeurs qui les ont nourries – mais cette fois sous licence payante, sans rétrocession ni valorisation de la donnée source.

C'est une double peine

  • Un manque à gagner monumental : des années de données exploitées gratuitement.
  • Une facturation de services IA créés à partir de ces données, dans un modèle économique captif, sans contrôle sur le moteur ni sur les finalités.

Les alliances qui paraissaient stratégiques se révèlent être des injections silencieuses de dépendance et de perte de valeur. Elles témoignent d'une incompréhension profonde des rapports de force à l'ère de la donnée. Croire encore que ces géants ne feront pas commerce de ce qu'ils apprennent dans les coulisses de la grande distribution, c'est ignorer que la prédation douce est leur modèle économique.

 

3. Vers une grande distribution augmentée : sortir du coma stratégique

Face à l’avancée implacable des géants technologiques, l’avenir de la grande distribution européenne ne se joue plus dans l’adaptation, mais dans la refondation. Penser pouvoir rattraper le retard avec un CRM, un projet d’IA mal défini, ou un partenariat cloud mal maîtrisé est une illusion dangereuse. Il faut sortir du coma stratégique. 

La 4ème révolution industrielle : une mue des rapports de pouvoir

Trop souvent, on confond “révolution industrielle” avec “équipement technologique”. C’est une erreur.

La quatrième révolution industrielle, c’est la fin d’un modèle économique centré sur l’actif matériel, et l’avènement d’un pouvoir basé sur l’exploitation intelligente, continue, et sécurisée de la donnée. Elle repose sur cinq piliers :

  • La centralisation algorithmique du pilotage stratégique ;
  • La souveraineté sur les infrastructures numériques ;
  • La capacité à industrialiser la personnalisation ;
  • La gouvernance intégrée entre direction, DSI, terrain et partenaires ;
  • Une vision claire des risques géopolitiques, juridiques et extraterritoriaux.
  •  

Ce n’est pas un chantier technologique. C’est une transformation du système nerveux de l’entreprise. Et celle-ci doit être pensée à l’aune d’un plan de performance globale et durable : économique, écologique, humaine, technologique, juridique.

Repenser le rôle des DSI et des COMEX

Les directions informatiques ont longtemps été perçues comme des centres de coût, ou des “supports” au service de métiers supposés plus légitimes. C’est une hérésie aujourd’hui. Ce sont elles qui doivent désormais piloter la structuration de la donnée, définir les standards de cybersécurité, évaluer les architectures technologiques souveraines, et garantir que chaque choix est aligné sur un objectif stratégique clair.

Mais cela exige :

  • Une formation stratégique des COMEX à la souveraineté technologique et à la géopolitique des infrastructures numériques ;
  • Une transversalité forte entre les métiers et les DSI pour éviter les choix hors-sol ;
  • La mise en place de comités de pilotage des transformations, agiles, indépendants, et dotés d’un pouvoir réel.

Une réponse existe : une stratégie triennale, méthodique et ciblée

Il ne s’agit pas de tout bouleverser d’un coup. Il s’agit de reconstruire l’architecture de l’entreprise autour de ses données. Les distributeurs qui réussiront seront ceux qui :

  • Reprendront la main sur leur infrastructure numérique ;
  • Structureront et sécuriseronnt leurs données stratégiques (client, stock, fournisseur, RH) ;
  • Formaliseront des cas d’usage IA pragmatiques : pricing, prédiction des ventes, logistique intelligente, personnalisation de l’offre ;
  • Créeront des écosystèmes technologiques souverains, interopérables et auditables ;
  • Mobiliseront leurs équipes à tous les niveaux, avec des objectifs concrets et des résultats mesurables dès la première année.

Un plan triennal, avec des effets dès 12 mois, est possible. Il suppose une méthode rigoureuse, une gouvernance claire et l’abandon des postures de soumission ou de fascination vis-à-vis des Géants du numérique. C’est à ce prix que la grande distribution européenne pourra redevenir un acteur stratégique de la souveraineté alimentaire, commerciale, et économique du continent.

Conclusion : ce n’est pas impossible. C’est urgent et c’est souverain.

La grande distribution européenne n’est pas morte. Elle est en arrêt cardiaque. Ceux qui comprennent les nouvelles règles du jeu peuvent encore reconstruire des empires solides, souverains, et compétitifs. Mais cela suppose de quitter le déni, de changer de paradigme, et de reconnaître que l’enjeu n’est pas technologique : il est civilisationnel.

L’IA n’est pas la révolution. Elle n’est qu’un outil. La révolution, c’est la donnée. Le pouvoir, c’est la maîtrise. Le danger, c’est la naïveté.

Et au-delà des entreprises, c’est l’État lui-même qui devrait s’alarmer de cette dépendance croissante aux plateformes extraterritoriales. Car ce n’est pas seulement la compétitivité de nos enseignes qui est en jeu, c’est la souveraineté alimentaire de nos nations. Laisser des groupes étrangers piloter la demande, orienter les flux logistiques, imposer des standards numériques opaques, c’est risquer de perdre le contrôle sur l’un des biens les plus fondamentaux : nourrir sa population.

Il est temps de reprendre le contrôle. Maintenant.

Aurélie Luttrin

20/06/2025

Last publications