La liberté de la presse oui mais...

20/01/2023 - 4 min. de lecture

La liberté de la presse oui mais... - Cercle K2

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René Picon-Dupré est ancien DRH, Consultant RH et management.

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D’abord, une précision, je suis favorable sans aucun problème à la liberté de la presse, gage de la démocratie.

Pour autant, à la lumière de ce que nous vivons depuis plusieurs années, avec notamment le développement des chaînes d’information en continu, qu’il me soit permis ici de pointer certains errements actuels susceptibles de nous interroger.

Sauf erreur la première manifestation de cette "information" en continu date de la Guerre du Golfe (1990 – 1991) avec la Cinq de l’époque qui nous faisait quasiment voler à bord des aéronefs militaires.

Depuis, sans vouloir les lister, ce type de télévision s’est développé. Nous sommes loin du JT de 13 heures et de 20 heures qui donnaient des informations en 30 minutes, même si les chaînes historiques les ont maintenus. Il est vrai que la presse écrite complétait utilement ces éléments et ouvraient le débat. Or, cette dernière a perdu de son importance.

Et ces chaînes doivent trouver le moyen d’exister 24 heures sur 24, même si le principe de répétition fait partie de leur ADN.

Et, de fait, à la lumière d’éléments récents, je relève les interrogations suivantes :

  • Sont-elles destinées à informer ou à faire peur ? Il est vrai que le sensationnel a toujours attiré, mais quand même :
    • Covid : nos chaînes en continu ont contribué à faire monter la pression, sans pour autant que l’effet soit durable puisqu’aujourd’hui, on constate que les mesures barrières ont été allègrement abandonnées ;
    • à lier d’ailleurs aux difficultés des hôpitaux accentuées en période de Covid, de grippe et de bronchiolite ;
    • la guerre en Ukraine, avec son cortège de destructions et d’horreurs, et surtout, de façon cyclique, la mention du risque d’une guerre nucléaire ; et
    • la crise de l’énergie et la menace de délestage (excellent d’ailleurs pour faire vendre des groupes électrogènes).
  • Quelle est la hiérarchie de ces informations ? Une information chasse l’autre et, tout d’un coup, on se prend à constater que, tiens !, on a moins de pression sur tel ou tel sujet :
    • Le Mondial de football a relégué la guerre en Ukraine au second rang et, d’ailleurs, la président ukrainien l’a si bien compris qu’il a attendu le coup de sifflet final pour son déplacement aux États-Unis.
    • La grève des contrôleurs de la SNCF a effacé le risque de panne d’électricité : il devenait plus important de partir (ou non) pour les fêtes que de ne pas grelotter en janvier. D’ailleurs, depuis, même cette angoisse a été atténuée !
  • Jusqu’où doit aller l’information ? J’avoue avoir été choqué par le fait que, pour montrer notre engagement et notre soutien à l’Ukraine, nos chères chaînes de télévision, avec d’ailleurs le plein appui de nos officiers généraux en 2° section qui les peuplent depuis le début du conflit, détaillent le nombre et le type d’armements livrés à l’Ukraine. Si Nexter a besoin de publicité pour vendre son canon César, il a trouvé ses supports, et gratuitement ! Vous me direz que, même si cela n’existait pas, les services de renseignement russes trouveraient l’information. D’accord, mais il n’est pas indispensable de leur mâcher le travail.

Autre particularité des nos chaînes d’information en continu : le débat.

Comme on ne peut quand même pas tenir une journée entière en passant en boucle les mêmes images, nous avons les débats. Pourquoi pas ? Mais s’ils offrent l’intérêt d’échanges de points de vue, rien ne garantit que les participants soient nécessairement compétents et s’appuient sur des faits incontestables. Qu’en tirent les téléspectateurs quand ils voient des médecins, pas toujours épidémiologistes, pour le Covid, ou des généraux (2S) se perdre en conjecture sur l’avenir d’une épidémie ou l’issue d’une guerre bien incertaine ?

Que les journalistes qui les animent aient au moins l’humilité et l’honnêteté de préciser que les propos tenus n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient être considérés comme paroles d’Évangile !

Je frémis quand je vois tel journaliste presser ses invités de dire si oui ou non la Russie va perdre cette guerre... et l’Ukraine la gagner !

Et, au cas où les téléspectateurs ne penseraient pas tout seuls à s’y connecter, curieusement les chaînes renvoient même à des informations issues de réseaux sociaux, ouvrant elles-mêmes un boulevard à leurs concurrents directs. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a d’ailleurs récemment défini plusieurs recommandations relatives à la mention des réseaux sociaux dans les programmes de télévision et de radio : il admet la référence nominative à un réseau social lorsqu’elle indique la source d’une information ou d’un témoignage, ainsi que le renvoi du public vers un réseau social s’il est ponctuel et discret, ne revêt pas de caractère promotionnel et est exempt d’incitation appuyée à se connecter.

Et un risque pour les vraies informations, notamment celles que le Gouvernement souhaite (ou devrait souhaiter) porter à la connaissance de tous.

Les citoyens tirant leurs informations de ce qu’ils voient à la télévision (ou entendent à la radio), ces médias devraient véhiculer des informations indiscutables.

Or, combien de fois entend-on dire que telle loi a été votée par l’Assemblée nationale, alors qu’il ne s’agit que d’une première lecture ! Et le citoyen comprend que la loi est votée…

De même à propos des mesures relatives au Covid – même si le Gouvernement n’a pas été exempt de décisions erratiques – mais justement ! -, il ne faut pas s’étonner si la vaccination stagne quand on ne sait plus si le rappel n’est ouvert qu’aux plus âgés ou à tous, et combien de temps après une infection par le Covid (3 ou 6 mois) on peut se refaire vacciner.

 

Alors la solution ?

Certes il n’est pas question de recréer les gardes champêtres d’antan avec leur tambour, mais au moins pour les informations importantes que le Gouvernement veut faire passer, peut-être faudrait-il un système de communiqués relayés de la même façon par tous les médias, ce qui aurait au moins le mérite de l’unicité et de la clarté.

Et pour le reste, espérons que le bon sens prévaudra.

René Picon-Dupré

20/01/2023

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