Covid 20 – Attention Danger !

27/01/2021 - 10 min. de lecture

Covid 20 – Attention Danger ! - Cercle K2

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Christian Sommade est Délégué Général du Haut Comité Français pour la Résilience Nationale

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Cela fait plusieurs mois que je n’ai pas pris la plume, car il y a des moments où il faut mieux laisser les responsables agir et se taire. Mais la gestion de la crise actuelle qui nécessite cohérence, rationalité, pédagogie et communication arrive à un tournant inquiétant dans les semaines et mois à venir et ce, malgré des pistes sérieuses pour vaincre le virus et garder, de fait, une cohésion sociale qui menace de vaciller, tout en minimisant les pertes économiques déjà abyssales.

Alors qu’une variante du virus (Britannique et Sud-africaine, mais déjà présente presque partout en Europe) nous promet d’augmenter rapidement la contagiosité du virus de 50 à 70 %, donc plus de cas, de formes graves et de décès. Ceci est ce que l’on appelle en gestion crise, un fait nouveau, qui doit d’ores et déjà infléchir fortement l’approche de cette gestion de crise, comme l’a souligné le conseil scientifique.

C’est un challenge majeur pour le gouvernement qui arrive à bout de course des solutions économiques et sanitaires (ou presque) mises en œuvre. La stratégie de pas plus de 50 % d’occupation des lits de réanimation est compréhensible, mais est-elle tenable, à la fois devant une nouvelle vague plus forte et dans un contexte économique et social plus dégradé ? La question se pose. Or, une fois de plus, l’anticipation manque et les solutions techniques de base ne sont pas assez travaillées. Or, il faut, à mon sens, revenir aux basiques de la gestion des épidémies, connus depuis toujours.

1. Il est plus qu’urgent de vacciner à tour de bras, le mode "lent" est une erreur et cacherait-il une logistique défaillante, comme on en a connu durant la première phase de l’épidémie ? Il est surprenant en tout cas que le Président en parle lors de ses vœux si le problème ne se posait pas. Vacciner en EPHAD semble en effet plus facile que vacciner en population générale. Avons-nous oublié les plans de vaccination du H1N1 comme nous avons oublié les masques ? Mais il est vrai, à décharge, que ce premier vaccin Pfizer-BioNTech est complexe à mettre en œuvre au plan logistique, il aurait donc fallu mieux se préparer en amont. Là encore, on peut craindre un manque d’anticipation en regard des "flux attendus". Bref, comme toujours un manque de moyens et d’organisation pour faire face aux enjeux qui sont toujours sous-estimés. L'État ne semble toujours pas savoir mobiliser les ressoucres sociétales, voire ses propres ressources, toujours gérées en tuyaux d'orgues.

2. Il faut reparler du masque – car si les taux d’incidence sont élevés, c’est parce que les mesures barrières sont insuffisantes à la fois techniquement (type de masque) et sur des protocoles peu ou pas assez respectés. Le message "public" donne l’illusion qu’avec les masques tissus et dans une certaine mesure, chirurgicaux, "on est protégé". Or, il n’en est rien. Seul le FFP2 est protecteur et le masque chirurgical dans une très faible mesure. Il faut infléchir la doctrine et fabriquez en masse des FFP2 pour les populations "à risques" mais aussi à terme "générale" sur les départements et villes les plus exposés.

3. Il faut revoir notre politique de désinfection, qui est encore quasi inexistante, désinfection des lieux publics et des infrastructures, revoir les protocoles et ce, d’autant plus si la nouvelle souche est plus contagieuse (ce qu'on fait les Chinois).

4. Il faut avoir le courage de dire que le virus se transmet beaucoup par aérosolisation et donc que toutes les mesures de purification d’air, de ventilation en air frais dans les locaux sont très importantes, associées au masque et autres gestes barrières.

Bref, il faut plus de rigueur scientifique, de précision dans la communication, de transparence, de vérité pour que chacun comprenne individuellement et techniquement son rôle de "barrière" au virus. Il faut en faire plus ! Et ne sous-estimons pas les citoyens, ils peuvent le faire, mais chacun doit être encore plus responsabilisé et, pour cela, encore plus informé.

On peut en effet constater qu’un vrai masque (FFP2) et de vrais protocoles auraient coûté (et coûteraient si cette 3ème vague violente se répand) beaucoup moins chers au pays, associés bien évidemment à la vaccination qui arrive et qui demeure l’objectif principal.

 

Deux exemples

1. Deux FFP2 à 1 euro pièce sur 6 mois offerts pour 50 millions d’habitants auraient couté 3,6 milliards d’euros (prix qui aurait certainement chuté de près de 50 % en nationalisant provisoirement la production à cette échelle). Ils auraient certainement permis de ne pas fermer l’économie au point où nous avons été contraints de le faire, ce qui a engendré une perte nationale de près de 200 milliards d’euros à fin 2020, car les taux d’incidence n’auraient pas été aussi élevés avec une vraie protection individuelle, et donc n’auraient certainement pas généré autant de "fermeture" et d’impact économique. La production aurait pu être lancée en France sur ces "vrais" masques et pour des années, car d’autres pandémies nous guettent, comme l’a confirmé récemment l’OMS. Cela n’a pas été fait. Nous avons payé très cher des masques chinois peu utiles. Les industriels sont prêts à produire en masse, en France, mais ils sont peu écoutés.

Nous avons aujourd’hui trop de masques inutiles (tissus), chirurgicaux, pas toujours utilisés correctement, et trop peu de FFP2, "au moins" pour toutes les personnes dites fragiles, pour avoir une vraie protection respiratoire face au virus. La soi disant gêne du port du FFP2 ne tient pas au regard notamment des contraintes des masques tissus et le niveau de protection du FFP2 est sans commune mesure. Cela est l’erreur majeure de cette gestion de crise, erreur impardonnable qui remonte au départ de la crise. Il y aura des responsabilités à rechercher dans ce cadre, pas seulement sur les stocks défaillants, mais aussi sur la "politique des masques" qui prévaut encore aujourd’hui car, de ce côté-là, l’État n’a rien appris. Avons-nous une vraie étude en milieux d'usage "restaurant, théatres ou métro" entre masques tissus, chrurgicaux et FFP2 ? Onze mois après le début de cette pandémie, on a trouvé le vaccin mais nous n'avons pas d'études sur les masques... INCOMPRÉHENSIBLE !

2. Aujourd’hui, le vaccin à 14,58 euros pièce (le plus cher chez Pfizer-BioNTech ; les prix s’échelonnent entre 2 et 12 euros chez les autres fabricants - source "Le Monde"), c’est au maximum 4 à 5 milliards d’euros (probablement beaucoup moins) pour vacciner 25 à 30 millions de personnes (probablement un maximum atteignable, sans obligation, et ce qui correspond actuellement peu ou prou au stock attribué à la France), autant dire rien, au regard du coût d’un nouveau confinement "dur", qui est certain, si la pandémie repart fortement sur ce virus muté. La France (Sanofi) aura sa place dans la vaccination, qui devra être répétée dans le temps. Nous jouons le "backgame" et la sécurité, mais il faut vacciner d’ores et déjà avec les premiers vaccins disponibles agrées par les grandes agences sanitaires, européenne (EMA) et nationales. Le complot n’a pas sa place dans la vaccination. Nous sommes au XXIème siècle et il n’y a pas d’autres choix que convaincre… Là encore explication, communication, engagement plus massif et transparence sont de mise.

 

Une difficulté chronique à "gérer"

Nous avons subi la première vague en voulant, comme souvent dans une grande partie de l’administration et de la haute administration, "nier", puis "rassurer à tout prix" sur le mode (chronologique & humoristique) : "ce n’est pas vrai, ce n’est pas nous, c’était imprévisible, ce n’est pas si grave, puis c’est sérieux, puis c’est grave, puis nous allons payer (le quoiqu’il en coûte) et, enfin, nous faisons au mieux et nous n’avons vraiment pas le temps de faire des retours d’expérience ou d’entendre des voix dissonantes, forcément antirépublicaines". Or, s’il y a eu beaucoup d’erreurs proférées et commises : masque, chloroquine, etc. venant de toutes les parties (c’est aussi cela les crises) et que, dans la crise, il faut tenir un cap et que celui-ci, c’est vrai, a été tenu. Mais il faut aussi écouter et comprendre les signaux faibles aptes à bousculer les enjeux et tout cela dans un contexte pollué par les enjeux de pouvoirs ou d’influence. Et ils sont nombreux dans les crises. Les opportunités sont trop tentantes pour certains. La crise est une "fête", me disait un jour un grand reporter, et certains veulent clairement en profiter indument.

Après avoir subi la première vague, nous "gérons" la deuxième vague "à vue". La troisième risque de nous faire mal si nous ne produisons pas dès à présent, mais il est peut-être déjà tard. Une réflexion partagée et publique sur cette dernière, voire peut-être sur une éventuelle quatrième vague et sur la sortie de crise... Car le monde d’avant n’existe déjà plus. Or, rien à l’horizon ou si peu, sur la capacité de l’État à se reformer après une crise qui a été mal gérée et coordonnée en termes d’efficacité technique par l’État dans nombre de ses composantes. Si, au final, le Président de la République et le gouvernement  ont pu et su faire face, il est important de noter que le ton ira forcément en se durcissant, si les mêmes erreurs se répètent.

Les premiers documents de RETEX qui ont vu le jour récemment le confirment, celui du Général Lizurey (2S) sur l’organisation technique de la gestion de crise interministérielle : accablant ; celui du Sénat, non moins accablant, sur l’organisation et l’efficacité du ministère de la Santé, de la DGS, des ARS, ou de Santé publique France et sur la coopération interministérielle.

Cela donne-t-il un vaste programme de remise en cause des structures et des organisations ? Mais non, la crise brûle et consomme les énergies, et rien ne vient du politique ou de l’administration elle-même pour infléchir, voire réformer les organisations, ou penser à la sortie de crise. Le quotidien absorbe tout.

Car le seul reproche majeur que l’on peut faire, c’est d’avoir une gestion de la crise, à la semaine, dans le meilleur des cas, au mois ? Sans capacité de projection sur le moyen et long terme (le trimestre, l’année voire plus). Le prétexte de l’adaptation permanente ne peut cacher la pauvreté de la production des différentes stratégies nécessaires par les autorités. Ce n’est pas le rôle du conseil scientifique que de substituer aux autorités politiques, sanitaires et sécuritaires du pays sur les options et sur la vision de sortie de crise.

Si ces stratégies existent, elles ne sont pas communiquées. Cela revient au même que de ne pas en avoir, car si ces approches ne sont pas exprimées très en amont, y compris dans des scénarios multiples, voire divergents, le débat et l’adhésion sont absents et la crédibilité des autorités va aller encore en s’amenuisant avec le risque de crise sociale, politique, voire sécuritaire, à terme proche.

 

Une incomprehension grandissante qui nécéssite des explications qui peuvent être désagréables

La société française ne comprend pas, ou de moins en moins, certaines mesures de restriction, dont la logique, même si elle existe, n’est pas très claire, et les mesures pas toujours justifiées. Certes, les études montrent que les restaurants et les lieux clos (cinéma, théâtre, magasin, etc.), où l’on demeure plus de 15 minutes, représentent des foyers d’infection potentiels.  

Mais il y a d’autres lieux qui sont tolérés : gares, aérogares, métros, trains, grandes surfaces (en mettant à part l’avion qui a des dispositifs de filtration élaborés). Il faut donc reprendre à la base la pédagogie en expliquant que, d’une part, il y a la criticité des activités, faire fonctionner un hôpital, un centre logistique, une centrale électrique, ou y concourir par les transports, etc., est plus "critique" que des activités culturelles aussi plaisantes et nécessaires soient-elles pour l’esprit et la vie. Et cela, les gens sensés le comprennent. 

Mais il y a une deuxième approche qui est celle de la statistique. Plus on ouvre et plus on facilite l’interaction humaine dans certains lieux. De fait, plus on augmente "statistiquement" le risque de contamination. Car disons-le franchement, il est évident que de laisser ouvert un hypermarché et fermer un petit commerce n’a pas toujours vraiment de sens sur le plan du risque épidémiologique, mais le poids économique joue, comme souvent, en faveur des acteurs les plus importants... pour faire baisser la statistique sur les moins importants (en termes d’influence), mais il y a aussi des logiques derrière cela.

Comme je l’avais indiqué dans un précédent post, il est très difficile d’expliquer à la population cette approche, oui pour le travail, surtout "essentiel" (suis-je essentiel ? Dilemme complexe à expliquer), et non pour le "plaisir", idée essentielle dans notre civilisation, surtout lorsque l’on est "arrêté".

Cette approche rationnelle, qui est basée sur les besoins vitaux et économiques et sur la maîtrise "statistique", est par définition, souvent inégalitaire, voire inéquitable. Mais l’objectif est bien de réduire les interactions humaines tant que la vaccination n’a pas touché 50 à 60 % de la population. Comment y parvenir ? Le débat ne peut être clos et décidé par le politique sans  recours à la représentation nationale, qui doit s’exprimer finement sur ces mesures. Il ne peut être laissé seul à l’exécutif et aux juridictions (Conseil d’État, voire au Conseil constitutionnel). Ce débat méritera d’être posé et reposer pour les futures pandémies et l'État doit être capable de mobiliser ses ressources en collectif et non pas en tuyau d'orgues... Il y a urgence et ce débat doit avoir lieu.

Les Français ne sont plus au temps de l’ORTF. Ils doivent être "associés" à la gestion de crise et non pas considérés comme des objets passifs au service d’un collectif qu’ils ne ressentent plus complètement (les applaudissements aux soignants se sont tus) car la crise lasse et laisse place au doute, à la morosité, parfois à la dépression, voire à la colère, qui peuvent guetter nombre de concitoyens particulièrement affectés.

La crise va donc perdurer et se transformer. Il faut y penser, débattre, OUVRIR de nouvelles solutions, laisser à la société civile une plus grande place dans cette réflexion, et surtout donner au Parlement un rôle plus important aujourd’hui qu’à l’habitude dans notre démocratie, car on entend peu ou pas assez les députés et sénateurs en dehors des postures politiques, faire des propositions concrètes, même s’il faut reconnaître qu’ils manquent trop souvent d’expertises techniques, pour contrebalancer les solutions toutes faites de l’exécutif (encore des réformes à faire). Il faut donc s’ouvrir sur plus de solutions innovantes pour restaurer la confiance entre l’État, les citoyens et les forces économiques pour faire repartir le pays et mieux se préparer aux crises futures qui seront, de par les interdépendances toujours très fortes et la montée des risques et menaces (changement climatique, terrorisme, etc.) le quotidien des autorités politiques et administratives. Il est urgent de repenser la gestion de crise en France.

Christian Sommade

27/01/2021

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