Le dimanche, jour béni des grands de ce monde

13/12/2020 - 2 min. de lecture

Le dimanche, jour béni des grands de ce monde - Cercle K2

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Le Général (2s) Marc Delaunay est dirigeant-fondateur du cabinet MARS Analogies et cofondateur d’AME-France.

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Les savoureuses anecdotes dominicales contées par le Général Jean-Pierre Meyer font écho à quelques souvenirs de soldat de terrain.

Nos dimanches en opération, depuis leur éclosion à la fin des années 70, étaient et restent rarement inoccupés. Oubliés des interdits religieux et des trêves opérationnelles d’antan, les dimanches ont, dans la bulle médiatique, une fonction supplémentaire, celle d’être le jour préféré des grands de ce monde pour aller sur le terrain. Poussiéreux ou embourbés selon la saison, ces lieux improbables sont le point focal oublié des négociations, des résolutions, des mandats, des déploiements, des graves incidents, puis des pertes dans des opérations sans fin qui tiennent une place fugace dans le ressac de l’information continue. Dans ces zones grises du monde, nos chefs d’état ou de gouvernement, ministres escortés d’ambassadeurs, secrétaires généraux, envoyés spéciaux, chefs de missions, chefs d’états majors, inspecteurs, voire éminences médiatiques... profitent du calme relatif du week-end en base arrière pour y débarquer sans effet de surprise.

Accompagnés de délégations à géométrie et consistance variables, de chroniqueurs accrédités aux confidences, ils veulent légitimement se rendre compte de tout ce qui se cache derrière les nobles mots de la diplomatie, des comptes rendus militaires et des flashs médiatiques. Liban, Moyen-Orient, Balkans, Afrique, lieux de catastrophes, zones de conflits et points d’appui périphériques se doivent de livrer leurs menus secrets qui seront disséqués dans l’avion du retour avant que les affaires normales se réveillent dès le lendemain matin dans les lieux de pouvoir.

En quelques heures, le site élu doit faire fi de sa complexité et de ses contraintes pour livrer, avant la photo de groupe, ses mystères à des gens pressés de finir de tout comprendre. Le programme de visite fait se serrer les coudes des responsables du terrain, militaires, civils, humanitaires, autorités nationales et locales enchaînés à la réalité incertaine du contexte et consommés à coordonner au quotidien toutes les partitions de l’action internationale.

Nous avons tous croisé, salué et - pour les plus chanceux - serré la main de ces V.VIP assis au centre du premier rang avant l’inévitable PPT léché dont la teneur est élaborée au plus près des consignes, des attentes, des éléments de langage. Bref, de ce qu’ils sont d’humeur à entendre sans être fâchés et écourter la visite. Avant de repartir se poser ailleurs pour entendre un autre produit dérivé de la réalité.

Parfois, un agenda trop généreux ou une panne intempestive imposent de divertir l’hôte prestigieux, convoyé en petit comité en dehors des pistes battues et des discours convenus. Ces rares moments d’humble vérité offrent aux grands l’occasion d’écouter les messages enfouis du terrain et de lâcher prise dans le réel, libérés du protocole, souvent éclairés et rarement dupes.

Dans mon expérience personnelle, la crise du Darfour a été un sommet en la matière. En six mois, j’ai vu à El Fasher plus de sommités multinationales se pencher sur le triste sort de cette province inconnue que partout ailleurs. Quand l’illustre visiteur en avait le temps, le mot de la fin était le même: "merci pour ce que vous faites et bonne chance" !

Après le décollage, ceux qui restaient sur le tarmac lâchaient le même soupir soulagé : "ça s’est bien passé... Qui, déjà, s’est annoncé le week-end prochain" ?

Général Marc Delaunay

13/12/2020

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