Les Droits Humains contre les Droits de l’Homme ?

24/03/2023 - 2 min. de lecture

Les Droits Humains contre les Droits de l’Homme ? - Cercle K2

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Emmanuel Bloch est Maître de conférences associé à l’Institut Français de Presse, Université Panthéon-Assas.

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Depuis quelques mois l’expression « Droits Humains » devient prépondérante dans tous les discours faisant référence aux Droits de l’Homme. 

Les tenants de cette locution justifient le passage des « Droits de l’Homme » aux « Droits Humains » principalement pour des raisons de lutte contre la discrimination de genre. Le remplacement de la référence à « l’Homme » par « l’humain » permettrait de rétablir une certaine neutralité. Certains ajoutent que l’expression « droits de l’Homme » ne serait finalement qu’une mauvaise traduction du « Human Rights » anglo-saxon.  

Ecartons de suite ce dernier argument, qui finalement remplace une mauvaise traduction par une faute de français ; on devrait dire en effet les droits de l’être humain, tous les « droits » étant de facto « humains » puisque conçus par des êtres humains. Sans compter qu’en 1789, sans se référencer à une version anglo-saxonne, la France publiait déjà sa « Déclaration universelle des droits de l’Homme ». 

Sur le sujet de la lutte contre la discrimination, certains pourront sans doute opposer avec raison, que cet argument du « genre » traduit avant tout une ignorance culturelle et sémantique. L’homme évoqué dans la Déclaration des droits de l’Homme n’est pas le genre – opposé à la femme – mais bien l’être humain, en référence à la race humaine. C’est l’Homme de l’Homme préhistorique (dont la moitié étaient des femmes), du petit pas pour l’Homme de Neil Armstrong, de l’Homme est un loup pour l’Homme, etc.

Mais au-delà de l’aspect idéologique dans la référence aux droits de l’Homme ou aux droits humains, il y a un glissement de sens et de valeurs qui est bien plus grave me semble-t-il qu’une simple argutie de genre.

L’évocation des Droits de l’Homme se réfère bien à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme des nations unies.  Celle-ci liste toute une série de droits précis qu’il s’agisse de liberté individuelle, mais également de droits relatifs à la santé, au travail, à la religion, etc. A l’inverse, la notion de « droits humains », elle, n’est rattachée à aucun texte fondamental. L’avantage, c’est que cela devient alors l’auberge espagnole des droits. Certains y incorporent, par exemple, la lutte contre la corruption ou la protection de l’environnement. D’autres insistent sur la diversité et font peu de cas de la démocratie ou de la liberté syndicale, sujets assez sensibles dans certains pays. En clair, le flou de l’expression « droits humains » permet de mettre en place un « right washing », volontaire ou non, à peu de frais. 

Enfin, du point de vue sémantique l’expression « droits humains » invoque en quelque sorte « l’humanité », la totalité de l’espèce humaine. Alors que les « droits de l’Homme » portent bien sur l’Homme (et la femme) en tant qu’individu. Et cela change tout. Les idéologies les plus mortifères valorisent toujours une humanité heureuse à venir, quitte à sacrifier l’individu d’aujourd’hui. Tout l’inverse de l’approche défendue par la déclaration universelle des droits de l’Homme. En effet, ce qui fait la force de ce texte c’est qu’il invoque bien des droits qui s’adressent à chacun en tant qu’individu et non à une humanité abstraite. 

Voilà pourquoi il me semble indispensable de revenir aux « Droits de l’Homme ». Certes ce texte est complexe, exigeant, mais il porte des valeurs essentielles qui méritent pas d’être édulcorées, même avec les meilleurs sentiments. 

Emmanuel Bloch

24/03/2023

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