Pour une territorialisation de la gestion de la crise sanitaire

01/03/2021 - 5 min. de lecture

Pour une territorialisation de la gestion de la crise sanitaire - Cercle K2

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Hervé Carresse est Directeur associé du Cabinet Nitidis.

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Alors que le rapport de retour d’expérience du Général Richard Lizurey (téléchargeable sur le site du gouvernement) ne semble pas avoir été exploité et que le gouvernement a fait appel à des cabinets privés pour préparer la gestion des tests et de la vaccination, certains responsables et experts s’interrogent depuis le début sur le non-déploiement des plans établis (pandémie, vaccination) et la non-activation de l’organisation territoriale de crise, impliquant les maires dans leur mission de sauvegarde des populations en coordination avec les préfets, de manière à agir chirurgicalement sur une pandémie qui touche les territoires de manière aléatoire et ainsi mettre en place des mesures ciblées de restriction propres à sauvegarder localement le plus d’activité économique et de lien social possible.

De ce fait, remettre le maire au centre de la gestion d’une crise relevant plus que jamais de la sauvegarde des populations, au sens sanitaire, mais aussi au sens de la sauvegarde des intérêts sociétaux et économiques en jeu est un impératif qui n’a que trop tardé à être mis en œuvre.

Pourquoi affirmer cette nécessaire et urgente territorialisation, voire municipalisation, de la gestion de la crise sanitaire ?

 

 1. Pour assurer une surveillance territorialisée et localisée de l’épidémie

1.1. Une épidémie territorialisée

Tout d’abord parce que le virus ne circule pas de manière homogène sur le sol national. Les données publiées hebdomadairement par Santé Publique France (lien) lors des points épidémiologiques démontrent, malgré leur caractère synthétique, l’aptitude des échelons déconcentrés du Ministère de la Santé et de la Solidarité (ARS, délégations départementales) à informer précisément les préfets et les maires sur le niveau de circulation géographique et les clusters de l’épidémie. 

 

1.2. Surveiller les eaux usées

Ensuite, parce que la surveillance épidémiologique des eaux usées comme celle effectuée par l’Observatoire (Obépine) offre une opportunité efficace d’anticiper les rebonds épidémiques tout en précisant une localisation qui pourrait, comme le montre l’expérience marseillaise dans ce domaine, aller jusqu’au bloc d’habitations. De fait, les eaux usées constituent un indicateur permettant l’anticipation des évolutions de l’épidémie. À cette fin, Obépine analyse deux fois par semaine les eaux usées de 90 stations d’épuration dans l’Hexagone. 

Cette technique prédictive a été précocement utilisée à Marseille. En marge des analyses d’Obépine, les Marins Pompiers de la Cité phocéenne réalisent, depuis le mois de septembre 2020, un dosage quotidien de la station d’épuration de la ville et prélèvent chaque semaine 37 points d’eaux usées. Ce projet, baptisé Comete (Covid Marseille Environmental Testing Expertise), qui relève d’une grande simplicité opérationnelle, car basé sur la surveillance des bouches d’égout jugées stratégiques, permet d’établir quotidiennement une carte des quartiers de la ville, classés selon les niveaux de concentration du virus.

 

1.3. Anticiper et localiser l’épidémie

Cette ville de 1,6 million d’habitants chasse donc le virus à un niveau local, voire ultra local, et s’assure ainsi une capacité de mise en place de mesures ciblées et proportionnées dans les zones et les établissements sensibles (Ehpad, écoles, collèges), tout en anticipant d’environ 7 à 15 jours la bascule de la situation épidémiologique. Cette pratique innovante mériterait d’être certainement étendue aux grandes agglomérations en impliquant de manière comparable les services de secours et les ARS territorialement compétentes.

 

2. Pour déployer une gestion de crise territorialisée et municipalisée

2.1. Une organisation de crise historiquement territoriale

Conformément à l’organisation de crise établie en France, les départements et les communes doivent retrouver une position prépondérante dans le pilotage de la crise actuelle afin de planifier, conduire, coordonner, au mieux : les mesures de restrictions en cas de cluster, la vaccination des populations à risques, la reprise de l’activité économique, l’entretien du lien social.

 

2.2. Une gestion de crise trop centralisée

De fait, si le premier confinement a indéniablement sauvé des vies et épargné de nombreux cas dans la population française, il a eu aussi un coût élevé aux plans humain, social et économique. La mise en œuvre du deuxième déconfinement, monolithique, déconnecté des réalités sociodémographiques a sans aucun doute induit un syndrome post-traumatique sur l’économie et le lien social, alourdissant l’impact de cette crise complexe, une crise qui demeure sans précédent au regard des mesures mises en œuvre pour en contrer les effets sur le système hospitalier. 

 

2.3. Une gestion de crise à territorialiser

Or, la stratégie de gestion de crise actuelle mériterait de radicalement muter pour se déployer de manière locale et chirurgicale, au plus près des situations à risques, afin de ne pas induire des effets douteux sur l’épidémie, mais certains et néfastes sur l’économie et la société. Les enjeux des mesures de contrôle de l’épidémie et leurs modalités opérationnelles sont à tailler et à moduler au grès des spécificités locales, épidémiologiques et sociales. C’est pour cela que les maires et leurs cellules de crise communales doivent être impliqués dans une gestion d’une crise qui, plus que jamais, s’inscrit dans leur mission de sauvegarde des populations.

 

2.4. Libérer l’activité partout où c’est possible

Dans une optique de gestion locale, les modalités pratiques de réouverture des activités durement touchées par les restrictions actuelles, tels que la restauration et les spectacles, pourraient ainsi être testées et évaluées. Leur réouverture dans des communes à faibles densités de population et peu touchées par le virus deviendrait rapidement possible.

Ces réouvertures précoces, à l’échelle de départements, de villes et de communes "pilotes" auraient l’avantage de fournir un retour d’expérience salutaire avant toute extension de ces mesures libératoires à d’autres départements et villes plus urbanisés et problématiques sur le plan sanitaire.

 

3. Pour préparer de l’avenir

3.1. Une approche volontariste

Cette approche territorialisée et municipalisée de la gestion de crise sous-entend une anticipation volontariste des acteurs économiques avec l’appui des administrations et des municipalités pour mettre en œuvre les mesures d’adaptation indispensables pour protéger les citoyens et garantir la reprise durable de l’activité économique. La démarche locale de pilotage de la crise sanitaire vise le redémarrage rapide de l’économie et progressif de la socialisation. Pour cela, elle doit se concrétiser dans une vision globale et durable intégrant les paramètres propres à chaque collectivité.

 

3.2. Une résilience des collectivités territoriales

Il faut d’ores et déjà admettre que cette crise sera sans doute suivie d’autres émergences infectieuses ou d’autres catastrophes majeures. C’est au prix de cette décentralisation et localisation systématique de la gestion des crises majeures et systémiques que l’on reconstruira un avenir économique pour le temps long et une réelle aptitude à la résilience de nos collectivités territoriales face aux potentielles crises futures.

Hervé Carresse

01/03/2021

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