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Pierre Monzani est Préfet & Directeur général, Assemblée des Départements de France.
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Dans les trente dernières années, le débat public sur la sécurité connaît un invariant et une fluctuation.
L’invariant, assez désespérant, c’est l’opposition entre angélistes et sécuritaires qui demeure, dans les médias et la classe politique en tout cas, stérile et fixe, alors même que la réalité délinquante s’amplifie. Dans les années 90, j’écrivais une note au gouvernement pour indiquer que 2000 délinquants constituaient le noyau hyper-dur de la criminalité et que, si ce noyau n’était pas cassé par une extrême dureté, le chiffre des délinquants créateurs d’une insécurité quotidienne connaîtrait une croissance géométrique : 20 000, puis 200 000, etc. J’avais, hélas, raison.
Ce noyau ayant grandi, les coups de menton sur le registre "la République ne le tolèrera pas" sont passés de l’inefficacité pratique au ridicule pathétique.
La fluctuation c’est, en fonction des gouvernements, de la personnalité et de la force politique des ministres de l’Intérieur, une jauge allant de la fermeté sans complexe à la faiblesse culpabilisant les forces de l’ordre elles-mêmes. Mais ces fluctuations, faute de constance de long terme, ont fait perdurer l’invariant qui ne peut qu’inquiéter les acteurs de la sécurité et les Français.
À cet égard, la sécurité, comme tant d’autres sujets, est vue selon un clivage qui oppose les gens du peuple, qui vivent au plus près du risque délinquant, aux élites, qui en vivent généralement éloignés et protégés et qui, pour certaines, s’achètent une bonne conscience facile en limitant la délinquance à une cause sociale.
L’évolution des mentalités risque de rendre le nécessaire sursaut sécuritaire difficile. En effet, au-delà de la question sociale, la sécurité se construit grâce à la conscience collective, à la maturité culturelle, à la force des valeurs d’une civilisation (et, en creux, à la conscience que la barbarie la menace). À l’heure du tout à l’ego, de la marchandisation généralisée et de la montée du communautarisme, voilà qui ressemble à un bien lourd défi.
Seule une restauration tous azimuts de l’autorité, une inflexible politique de tolérance zéro et une volonté gouvernementale sans faille pourront créer les conditions du début du commencement de la victoire des honnêtes gens sur les voyous.
28/09/2020