Un nouveau gazoduc entre l’Espagne et la France : pour quoi faire et à quel prix ?

12/10/2022 - 2 min. de lecture

Un nouveau gazoduc entre l’Espagne et la France : pour quoi faire et à quel prix ? - Cercle K2

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Jérôme Ferrier est Président d’honneur de l’Union internationale du gaz.

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L’Espagne s’oppose encore à la France sur la question des approvisionnements énergétiques.

La réalité est que l’Espagne a développé une politique très ambitieuse de développement des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Ces terminaux, qui étaient en partie vides avant la crise de février 2022,  répondent à l’ambition de faire de l’Espagne un hub gazier pour le sud de l’Europe, avec deux gazoducs en provenance d’Algérie - le Maghreb-Europe qui traverse le Maroc et le Medgaz qui relie directement Béni Saf à proximité d’Oran à Almeria - auxquels s’ajoutent les 6 terminaux GNL, investissements ayant largement bénéficié des subventions de l’UE.

Deux gazoducs lient la France et l’Espagne : le gazoduc Lacal, reliant Lacq à Calahorra à travers la vallée de Soule, réalisé en 1991 pour faire transiter du gaz acheté par l’Espagne à la Norvège avec une capacité limitée à 3Gm3 par an, et le gazoduc Euskadour reliant Bidart à Irun sur la côte basque, construit en 2000 avec une capacité de 500 Mm3 par an et censé acheminer des quantités de GNL déchargées à Bilbao vers le stockage souterrain de Lussagnet dans les Landes. Lorsque Gaz du Sud Ouest (GSO devenue aujourd’hui Téréga) a renforcé la liaison entre Toulouse et Marseille en 1995, on avait déjà imaginé de construire une connection vers l’Espagne entre Barbaira à proximité de Carcassonne et Barcelone. La justification économique n’ayant jamais été établie, ce projet avait été abandonné d’un commun accord entre la France et l’Espagne.

La situation actuelle créée par une diminution drastique des importations de gaz russe amène l’Espagne à relancer le débat sur les conditions d’approvisionnement de l’UE.

Or, la liaison Maghreb-Europe a été arrêtée par l’Algérie suite à son différend politique avec le Maroc et la liaison Medgaz a une capacité limitée à 8 Gm3/an. Par contre, la capacité des terminaux GNL reste excédentaire et pourrait réceptionner des quantités additionnelles. Forte de cet avantage, l’industrie gazière espagnole plaide à nouveau pour construire le gazoduc MidCat entre le réseau catalan et l’artère du midi. Cette liaison pourrait être utile aujourd’hui face aux restrictions d’approvisionnement en provenance de l’Est et l’insuffisance de terminaux GNL sur la Mer du Nord et la Baltique, notamment en Allemagne. 

Mais l’Allemagne a pris la dimension de son erreur de ne pas s’être donnée plus tôt l’outil de diversification qu’aurait apporté un ou deux terminaux méthaniers, et développe aujourd’hui à marche forcée 5 terminaux terrestres et maritimes. Le premier terminal flottant (FSRU) devrait être opérationnel dès 2023 et les autres arriveront d’ici 2025-2026. Or, la durée de construction du MidCat une fois décidé prendrait au moins 3 ans, sans tenir compte des recours administratifs éventuels. Au moment où cette liaison deviendrait opérationnelle, l’Allemagne n’aura plus besoin de gaz en provenance d’Espagne et MidCat pourrait devenir largement sous-utilisé, alors même que la France aurait assumé l’essentiel de l’investissement.

Quant à la liaison sous-marine directe imaginée entre l’Espagne et l’Italie, il semble qu’il s’agit là davantage d’un argument de négociation pour faire bouger les lignes à Bruxelles que d’un réel projet, compte tenu des enjeux techniques à surmonter et des difficultés vraisemblables pour le financer.

Il faut savoir raison garder lorsque l’on pense aux infrastructures énergétiques qui doivent s’inscrire et se penser dans le temps long et s’inscrire dans une stratégie cohérente et coordonnée au niveau européen. L’Espagne peut constituer un appoint et offrir une sécurité d’approvisionnement notamment dans les régions frontalières grâce à ses capacités de terminaux GNL, comme la France peut constituer un appoint et une sécurité pour l’Espagne grâce à ses capacités de stockage, notamment dans le Sud-Ouest. Mais pas au prix d’investissements non justifiés économiquement.

Jérôme Ferrier

12/10/2022

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