Action de rendre compte, un réflexe qui se perd ?

01/11/2021 - 3 min. de lecture

Action de rendre compte, un réflexe qui se perd ? - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Bernard Granier est Manager opérationnel au sein d'une écurie de Formule 1.

---

L'action de rendre compte est innée dans certains métiers (militaire). Cette action est en réalité très importante dans la communication entre personnes. Rendre compte consiste à répondre à une demande d'action, le plus souvent une question.

On se souvient encore de la scène de la réplique "Et je vous dis quoi ?" du film Bienvenue chez les Ch'tis. Kad Merad demande au facteur interprété par Dany Boon de lui apporter une réponse après son action. En fait, le "Et je vous dis quoi ?" veut dire qu'il va rendre compte, c’est-à-dire communiquer en fin de son action sur ce qu'il a fait, ce qui s'est passé, ce qu'il a vu, etc.

Pourquoi, me direz-vous, vouloir s'épancher sur l'action de rendre compte ? Tout simplement parce que j'ai l'impression qu'il s'agit d'un principe qui se perd. Et pourtant, plus que jamais, la grande majorité des personnes est connectée en permanence au travers de leur smartphone. Parmi ces personnes, nombreux sont ceux qui ont le nez en permanence sur leur téléphone qui à s'extasier devant les "productions" d'un streamer, à papoter avec leurs "copains"(dont la plupart ont été rencontrés dans la journée) sur les réseaux sociaux. Qui n'a pas eu un jour un sentiment de colère crise envers son enfant ou son proche qui ne répond pas aux plus simples des SMS "Tu es arrivé(e) ?", "Tu es où ?".

Dernièrement, j'ai échangé avec un jeune homme au sujet d'un SMS que je lui avais transmis et dont j'attendais impérativement un accusé de réception. Après qu'il ait fallu que je le relance à plusieurs reprises, ce dernier m'avoue qu'il ne lui restait que 5 % de charge. Pour information, cette personne voyageait, c’est-à-dire qu'en cas de pépin, il risquait fort d'être confronté à des difficultés pour transmettre un appel ou bien répondre à l'inquiétude de ses proches. De plus, je sais qu'il a consacré l'utilisation de son smartphone à jouer et à suivre ses streamers préférés sans prendre la peine de concentrer un seul instant son attention sur les diverses notifications qu'il recevait.

En première approche sous l'action de la colère, on peut assimiler cela à un manque de respect, ce que je ne crois pas. Je pense que cela est dû au fait que l'action de rendre compte s'est fortement érodée auprès des personnes. On peut imputer cela à un problème d'éducation, ce qui n'est pas le cas de cette personne. Je ne nie pas que cela puisse aussi l'être dans d'autres circonstances. L'individualisme en est un des facteurs. Mais, pour être plus précis, je pense que le virtuel en est le générateur essentiel parce qu'il est assez difficile de rendre compte à une machine. Il est, par conséquent, facile de s'en affranchir puisque cela n'a pas de réelles conséquences. Si ça ne va pas comme l'on veut, on recommence, on fait un reset, on éteint la machine et hop c'est reparti ! On évolue entre le virtuel et soi-même sans avoir de compte à rendre. Bref, une vie facile ! Seulement, voilà, la réalité est souvent toute autre et, plus précisément, dans les relations entre individus où l'action de rendre compte a tout de même son importance.

L'action de rendre compte relève indéniablement du monde réel. Elle implique une part de réactivité (et non de réaction qui conduit le plus souvent à un effet contraire) qui va engager un acte formel de communication avec une autre personne qui est dans l'attente. C'est alors que la notion de contrainte apparaît. On se retrouve obligé de sortir de sa bulle et de répondre. "Pourquoi il ou elle veut que je lui réponde ? J'ai autre chose à faire !". Et pourtant le temps court ! À l'autre bout de la requête, il y a une personne qui attend une réponse suite à une inquiétude, une requête de reconnaissance, un accusé de réception d'une action réalisée, une réponse face à un événement constaté, etc.

Attention ! Je tiens à souligner que la fameuse "passe à l'aile" qui consiste à "refiler le bébé pendant que l'eau est chaude" n'est pas à assimiler à l'action de rendre compte. Cela relève de la non-décision ou de la fuite car il en existe des adeptes de haut niveau.

Actuellement, je vois et lis beaucoup de sujets relatifs à la communication et, pourtant, peu insistent vraiment sur la notion de rendre compte. Cela a peut-être une consonance trop militaire, martiale, assimilable à une absence de liberté d'action… qu'accorde le virtuel (?). Et pourtant, rendre compte est une simple action réflexe permettant de fluidifier les relations entre les personnes même si cela peut laisser penser à certains que c'est une perte de temps ou bien que cela peut attendre. Rendre compte c'est se rassurer du niveau de relations au sein d'un groupe (cellule familiale, équipe) et c'est aussi un moyen de gagner du temps en anticipant d'éventuels soucis, de reconnaître les actions ainsi que les personnes. Dans le monde de l'entreprise, ne pas rendre compte peut affecter la productivité et l'efficacité et parfois mener à une situation de crise…

Mais, si cela peut paraître "relou", rendre compte est essentiel. Cette action doit être appréhendée comme un simple réflexe, car rendre compte permet de faciliter bien des choses auprès de son entourage, ses relations… et de se faciliter la vie aussi.

Bernard Granier

01/11/2021

Dernières publications