Casting et discernement par temps de crise

25/04/2020 - 4 min. de lecture

Casting et discernement par temps de crise - Cercle K2

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Diplômé de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, ancien officier parachutiste à la Légion étrangère, François Bert est Fondateur d’Edelweiss RH et de l’Ecole du Discernement, dont la finalité est "de former les décideurs publics et privés à la prise de décision".

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Alors que s’accumulent les signes d’indécision et d’absence de clairvoyance au sommet de l’Etat, une question rarement posée s’impose, d’évidence : a-t-on le bon personnel politique pour la fonction ?

Vient en effet le moment où décider ne s’improvise pas et peut difficilement se rattraper par des conseillers en communication. Est-ce par conséquent une question de savoir ou de personnalité ?

 

Prêtres, prophètes ou roi ?

Nous avons tous des qualités relationnelles, cérébrales et décisionnelles mais elles n’ont pas chez nous, comme les boules au loto, le même ordre d’importance.

Si l’on prend par exemple un médecin Mère Teresa, un médecin expert/chercheur et un médecin urgentiste, ils peuvent sur le papier remplir les cases de ces trois familles de qualités. Dans la durée néanmoins, une tendance va nettement se dessiner chez chacun au détriment des autres familles.

Le médecin mère Teresa cherche d’abord la relation : c’est ce qui le rend légitime et motivé car il excelle à créer et entretenir le lien, même s’il maîtrise techniquement son sujet. Le médecin expert/chercheur veut contribuer au service par la qualité du contenu qu’il délivre ou crée ; la relation pour lui est une condition d’accès aux données, pas une quête. L’urgentiste ne cherche pas d’abord la relation ni un contenu à produire, il se met à l’écoute d’un contexte changeant pour le traduire en décision.

Mal employé, chacun de ces médecins va vite s’ennuyer et obtenir de mauvais résultats : ainsi de l’urgentiste ou de Mère Teresa à l’institut Pasteur, de Mère Teresa ou du chercheur aux urgences, du chercheur ou de l’urgentiste en dispensaire à Calcutta.

Bref, si nous sommes tous, pour prendre une image biblique simple, prêtres, prophètes et rois, il y a bien des prêtres, des prophètes et des rois et l’Histoire a montré qu’ils n’étaient guère interchangeables.

 

La politique, lieu de carence des décideurs naturels

En politique nous avons depuis au moins 25 ans des prêtres et des prophètes, mais plus de rois. Parce que la politique est une vente, elle attire au pouvoir un binôme technico-commercial, fort de son bagout et de ses idées décalées pour créer du rêve ou du moins l’apparence d’un renouveau.

La réalité est que la conduite des affaires d’un pays n’est pas l’expérimentation d’idées marginales ni la recherche d’une image aimable en égrenant le temps d’une mesurette la litanie de toutes les victimes diversitaires mais bien la capacité sans cesse mise au défi à prioriser les dangers et à y concentrer ses efforts en y embarquant la nation.

Conduire un pays c’est gérer trois choses : la sécurité, la prospérité et l’épanouissement culturel et spirituel des gens. Cela demande de la créativité dans l’action, pas dans l’idéologie.

C’est en somme faire, comme à la guerre, des batailles avec des règles tactiques simples mais sur une réalité complexe et extrêmement mouvante, devenir un spécialiste par astuces pratiques des rigueurs de l’hiver plutôt que de « penser printemps ».

La crise est révélatrice des erreurs de casting car elle demande une présence mentale au lieu de conjonction de l’action qu’un souci de communication constante rend impossible.

 

Construire des équipes complémentaires

En attendant, comment limiter la casse ? La première étape est de construire des équipes, en assemblant non pas d’abord des compétences mais des personnalités complémentaires. Cinq pistons coalisés sans bielle n’ont jamais fait un moteur. Napoléon a gagné des batailles parce qu’il avait notamment à ses côtés le maréchal Berthier, qui complétait ses intuitions tactiques par son intelligence pratique. Trop de cabinets regroupent des cerveaux capables de produire de la pensée ou des éléments de langages mais pas du discernement.

Aussi faut-il environner les hommes politiques non pas seulement d’experts techniques et de conseils en communication mais surtout de chefs naturels capables de leur offrir les bonnes décisions et la conduite durable de l’action.

 

S’équiper en discernement

A défaut, qu’au moins soient mis en place une formation ou un accompagnement des décideurs au discernement. Qu’est-ce que le discernement ?

Dans sa finalité, il est l’art de donner aux choses la portée qu’elles méritent, c’est-à-dire trier l’important du dérisoire, y orienter l’action et y concentrer ses efforts le temps nécessaire.

Dans son fonctionnement, il est une écoute accumulée jusqu’à l’évidence de la décision à prendre, d’où la nécessité de se taire beaucoup pour s’en laisser saisir et non pas communiquer à tout va.

Il vit avec une intelligence de la trajectoire et non du point, avec le souci du rebond et non l’obsession de prouver sa perfection.

Il organise donc une permanence de l’écoute, un échelonnement des décisions stratégiques et courantes pour que la subsidiarité joue son rôle, une coordination la plus ouverte possible des moyens pour créer de l’impact sur chaque nouvelle étape.

Comme le disait Louis XIV, donnons-nous les moyens de « laisser agir la facilité du bon sens » plutôt que nous épuiser à sauver les apparences.

 

François Bert

Fondateur d’Edelweiss RH et de l’Ecole du Discernement

25/04/2020

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