Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Pascal Favaro est Docteur en pharmarcie et spécialiste des techniques d'organisation de la logistique santé.
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La maladie à coronarovirus COVID-19 a été découverte avec le premier patient touché en Chine en novembre 2019. Le virus fut identifié en janvier 2020 comme un nouveau coronavirus, nommé SARS-CoV-2 (c’est à dire « 2e virus de SARS pour Severe Acute Respiratory syndrom - Syndrome Respiratoire Aigu Sévère). Les premières personnes à avoir contracté le virus s’étaient rendues au marché de Wuhan dans la Province de Hubei en Chine. Une maladie transmise par l’animal est donc privilégiée mais l’origine n’a pas été confirmée alors même qu’une polémique naît avec la proximité d’un laboratoire P4 c’est-à-dire d’un laboratoire travaillant sur des organismes de haute dangerosité (taux de mortalité très élevé, absence de vaccin protecteur et absence de traitement médical). La maladie provoquée par ce coronavirus a été nommée COVID-19 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Depuis le foyer initial chinois, l’épidémie de Coronavirus COVID-19 s’est largement propagée à travers le monde et depuis le 11 mars 2020, l’OMS l’a ainsi qualifiée de pandémie.
En France, les trois premiers malades recensés le 24 janvier 2020 étaient des patients d’origine chinoise ayant séjourné à Wuhan. Depuis, l’épidémie s’est propagée à la France entière, les régions étant cependant diversement touchées. On peut penser que le confinement a certainement évité une propagation homogène sur tout le territoire.
Cette pandémie n’est pas en soi une surprise scientifique. L’apparition périodique de virus grippaux pandémiques est illustrée par des épisodes ayant marqué le dernier siècle (grippe espagnole en 1918-1919, grippe asiatique de 1956, grippe de Hong-Kong 1968-1970, Grippe H1N1 de 2009). Elle est devenue une préoccupation majeure qui a conduit la France depuis une quinzaine d’année à élaborer un plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale », d’abord mis à jour en 2009 puis en 2011. Ce plan de crise en cas de pandémie consiste en un ensemble de mesures visant à diminuer l’impact d’une pandémie sur les différents secteurs de la société, sanitaires bien évidemment mais également économiques.
A l’heure actuelle, un certain nombre de données ne sont pas complètement consolidées mais il est possible d’en déduire certaines estimations. Ainsi, à partir de patients hospitalisés, la durée d'excrétion virale se situe autour de 20 jours chez les survivants et pour les autres, il est resté détectable jusqu'à la mort. Ceci donne une idée de la contagiosité, durée de la période d'excrétion virale, période pendant laquelle le malade est potentiellement contagieux. Cette excrétion permet de faire des modélisations épidémiologiques et détermine les périodes d’isolement des patients infectés. Le taux de reproduction de base est le nombre moyen d'individus qu'une personne infectieuse peut infecter, tant qu'elle est contagieuse. Ce taux se situerait autour de 3.
La maladie se transmet par les gouttelettes (sécrétions projetées lors d’éternuements ou de la toux) d’une personne infectée. La contamination se fait aussi par contact avec une surface ou un objet infecté car il existe une survie du virus hors de l'organisme. Les doigts qui se sont contaminés, s'ils sont ensuite portés à la bouche, près des narines ou sur l'œil, peuvent être vecteurs du virus. Enfin, d’autres voies d’infection ont été avancées comme une transmission par aérosols (le virus pouvant rester infectieux 2 à 3 h dans l'air) ou par des particules ou gouttelettes fécales avec des personnes se lavant mal les mains après être passées aux toilettes. C’est donc pourquoi les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale sont indispensables pour se protéger de la maladie.
La transmission qui passe par des sujets asymptomatiques est problématique car il est difficile de s’en prémunir sauf dans le cadre d’une distanciation sociale stricte (type confinement général).
Les différents éléments constatés confèrent donc au COVID-19 un potentiel pandémique élevé, ce qui est effectivement constaté. La détection et l'isolement précoce des cas asymptomatiques apparaissent donc particulièrement intéressants. Le délai d’incubation est la période entre la contamination et l’apparition des premiers symptômes. Elle est estimée entre 3 et 5 jours environ et peut aller à 14 jours. Pendant cette période, le sujet peut être contagieux : il peut être porteur du virus avant l’apparition des symptômes ou à l’apparition de signaux faibles.14 jours est donc considéré comme un bon délai de sécurité pour savoir si une personne est symptomatiquement infectée, et pour éviter qu'elle ne contamine d'autres personnes hors de sa zone de confinement.
Les signes cliniques principaux sont la fièvre, la toux, le plus souvent sèche et la gêne respiratoire. Ils peuvent s’accompagner de signes secondaires comme de la fatigue, des douleurs musculaires, une perte d'appétit, des troubles gastro-intestinaux de type diarrhée. Il peut ne pas y avoir de fièvre et elle n'est pas toujours le premier signe de la maladie. Les principales complications sont une détresse respiratoire aiguë qui impose une hospitalisation en unité de soins intensifs. Des facteurs de risques qui péjorent le pronostic vital sont des pathologies associées type hypertension, diabète, maladies coronariennes et un âge avancé.
5% des sujets infectés entrent dans une phase critique de la maladie et sont admis dans les services de maladies infectieuses et de réanimation médicale, pour un taux de mortalité de l’ordre de 50% dans ce groupe. En effet, dans leurs formes les plus graves, les pneumonies sont responsables d’un tableau appelé syndrome de détresse respiratoire aiguë. Il s’agit d’une atteinte des 2 poumons avec une inflammation sévère entraînant la destruction des alvéoles pulmonaires ainsi qu’un œdème important.
En résumé, dans ces cas extrêmes, contrairement à la grippe qui tue plutôt de manière indirecte en affaiblissant l’organisme, le virus COVID-19 va totalement détruire les cellules des poumons, mais il peut aussi s’attaquer à d’autres organes, comme les reins.
A titre préventif, il n’existe pas encore de vaccin contre le COVID-19. Les malades légers (80 % des cas) n'ont pas besoin d'hospitalisation ; ils doivent rester chez eux, et porter un masque en présence d'autres personnes. Le traitement est pour l’instant symptomatique. En France, le ministère de la santé recommande de ne pas prendre de médicaments anti-inflammatoires (ibuprofène, cortisone...) qui pourraient être des facteurs d'aggravation de l'infection.
L’hospitalisation ne concerne que les formes sévères et critiques. Les traitements mis en place sont alors essentiellement des soins de soutien avec ventilation et oxygénation. Il n'y a pas encore de médicament reconnu comme efficace mais il existe un espoir avec la choloroquine, médicament utilisé depuis longtemps dans la prévention du paludisme. Au regard des polémiques que l’on trouve dans la presse ou les échanges sociaux, le principal risque avec la chloroquine est l’intoxication aiguë avec problèmes cardiaques ou respiratoires potentiellement mortels, sachant que la dose recommandée se rapproche du seuil de risque. Des essais sont actuellement en cours pour valider ou non la pertinence de sa prescription.
La prévention repose essentiellement sur les mesures barrières et les conseils largement relayés par les médias. L’idéal est l'évitement de tout contact avec un sujet suspect ou confirmé. Une distance d’un mètre minimum est préconisée pour se protéger mais des distances supérieures ont pu être évoquées jusqu’à 4,50 m en milieu clos (bus par exemple). La distanciation doit s’accompagner de mesures d’hygiène renforcées : se laver les mains très régulièrement, utiliser des mouchoirs à usage unique, tousser ou éternuer dans son coude ou dans un mouchoir, saluer sans se serrer la main et arrêter les embrassades. La désinfection des mains doit être particulièrement stricte après contact avec des surfaces potentiellement contaminées telles que des poignées de portes, barres de maintien dans les transports, claviers utilisés par différentes personnes…. A noter que le virus est sensible aux désinfectants habituels : une désinfection des surfaces peut ainsi utilement être mise en œuvre (surfaces de travail tels bureaux, tablettes digitales, claviers d’ordinateurs…)
Avec la pandémie, deux grandes options peuvent s’offrir aux décideurs politiques des pays :
- La 1ère option mise sur une protection immunitaire collective : dans ce scénario, l’immunité de la population se renforce au fil de l’épidémie, conduisant, in fine, à un déclin du nombre de cas lorsqu’un pourcentage suffisant de la population a été atteint. Ce n’est pas toutefois un « laisser-faire » complet qui se traduirait par un grand nombre de mort mais seulement une atténuation qui vise à freiner la circulation du virus (mise en quarantaine des cas identifiés et de leur famille, fermeture des écoles et des mesures plus ou moins étendues de distanciation sociale). Peu de pays ont parié sur cette option (Hollande, Suède…) et ceux qui l’avaient envisagée au début comme le Royaume-Uni se sont ravisés pour prendre l’option du confinement ;
- 2ème option : le confinement. Il vise à éliminer la transmission du virus. Le but est d’éviter la saturation des services de réanimation, de décaler le pic épidémique dans le temps, laissant plus de temps pour étudier le virus, savoir le combattre, augmenter la capacité du système de santé et analyser quelles sont les mesures adéquates pour reprendre certaines activités progressivement.
Pour la plupart des pays touchés, l’absence de traitement et le risque de complications graves amenant dans les services de réanimation, les gouvernements ont décidé des mesures de confinement pour freiner la progression de l’épidémie. Ainsi, la vitesse de propagation du virus se ralentit et permet de limiter le nombre de personnes atteintes en même temps évitant ainsi une saturation des services de réanimation. A défaut, les hôpitaux se verraient contraints de devoir procéder à des priorisations à l’instar des afflux massifs en période de guerre ou lors de grandes catastrophes. Cette priorisation repose sur un tri des patients axé sur la maximisation de malades pouvant être sauvés.
Toutefois, la période de confinement ne peut être prolongée indéfiniment mais tant que le virus est circulant, la phase de déconfinement s’avère un exercice périlleux. En effet, si la population confinée est restée indemne de tout contact avec le virus, elle reste vulnérable en l’absence d’immunité créée (naturelle ou par vaccination). Le risque de seconde vague épidémique est alors renforcé.
Annoncé en France pour le 11 mai, le déconfinement n’a d’ailleurs pas encore été expliqué dans ses modalités précises. Il reste difficile de respecter le principe d’égalité, ciment de notre société, dans sa dimension sociale versus sa dimension médicale où le risque sanitaire n’est pas identique pour chacun. Outre les catégories les plus vulnérables (personnes âgées, personnes avec comorbidité associée…), l’immunisation acquise ou non est un critère majeur pour connaître le risque associé à un contact avec le virus. Pour connaître ce statut immunologique, des tests sérologiques apparaissent sur le marché mais il sera difficile de les généraliser à l’ensemble de la population. Ils permettent de savoir si la personne est immunisée et peut donc circuler sans crainte d’être contaminée et de contaminer d’autres personnes ou à l’inverse doit rester confinée ou prendre des précautions pour se protéger.
Il est ainsi évident qu’à l’heure actuelle, beaucoup d’inconnues demeurent encore que ce soit en terme de connaissance du virus que de modalités de conduite à tenir pour s’en protéger. Néanmoins, au regard des 4 mois passés, des leçons peuvent déjà être tirées.
Tout d’abord, la préparation du pays à la crise montre l’intérêt d’un plan national pandémie grippale dont la dernière actualisation date de 2011 avec le retour d’expérience de la grippe H1N1 de 2009. Même si un ressenti d’impréparation a pu être relayé dans les médias, il ne semble pas que le pays ait connu un effondrement de son système de santé, ni une désorganisation de la société en général, même si sa vie sociale et économique est très fortement impactée. Toutefois, on peut penser que le caractère relativement modéré de la grippe de 2009 a pu conduire à baisser le niveau d’effort dans la préparation, comme par exemple, avec l’absence de reconstitution de stocks stratégiques de masques. Il est évident qu’augmenter la préparation à un coût qui peut paraître inopportun au regard du contexte économique est d’autant plus difficile à faire accepter si le sentiment de risque n’est pas partagé.
Ensuite, la dépendance à la Chine dans un grand nombre de domaines montre les limites du modèle économique mondialisé actuel. Sur le plan sanitaire particulièrement, une grande partie de la production mondiale de médicaments et de substances actives provient de la Chine et de l’Inde. La France est donc dans une situation de grande dépendance aux aléas économiques de sites de productions situés bien en dehors de ses frontières et même de l’espace européen. Déjà constatées depuis plusieurs années, les ruptures sur de nombreux médicaments ont été exacerbées lors de cette crise amenant de véritables pénuries généralisées. Une réflexion sur la dépendance de notre pays dans des secteurs stratégiques devra ainsi être menée à la sortie de cette crise.
On le voit, à l’heure actuelle, il reste un bon nombre d’inconnues au regard de la connaissance de ce coronarovirus qui ont des impacts sur la sortie de cette crise. La mise au point d’un vaccin ne sera pas effective avant plusieurs mois et en l’absence d’un traitement qui lui pourrait être identifié plus tôt, le pays va devoir apprendre à vivre avec un virus, comme l’a annoncé le premier ministre lors de sa conférence de presse du 20 avril.
24/04/2020