[Groupe K2] Recrutement / marque employeur - Hybridation du travail

09/04/2024 - 7 min. de lecture

[Groupe K2] Recrutement / marque employeur - Hybridation du travail - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Caroline Diard est Professeur associé chez TBS Education. Olivier Bouteille est HR Manager chez IKEA.

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La notion de marque employeur est empruntée au marketing. La nécessité de se démarquer a conduit les services RH à élaborer des stratégies proches de celles utilisées par les marqueteurs : outils de communication déployés pour attirer, fidéliser et motiver les collaborateurs. Le travail hybride prend une place de plus en plus importante dans cette marque employeur. 

Elle se caractérise par « l'ensemble des bénéfices fonctionnels, économiques et psychologiques fournis par l'emploi et permettant d'identifier l'entreprise en tant qu'employeur » (Ambler et Barrow, 1996)[1].

Pour Kapoor (2010), la marque employeur correspond à un processus visant à positionner l'entreprise comme un lieu où « il fait bon travailler » (Great place to work) (p. 51) (...) pour devenir un « employeur de choix ».

Les entreprises développent de nombreuses initiatives, comme les concours et classements. En s'assurant une bonne place dans ces classements, les entreprises peuvent se permettre d'être plus exigeantes dans le choix de leurs candidats, et voient surtout leur nombre de candidatures augmenter. La présence d'une marque employeur fédère les salariés autour de valeurs fortes en adéquation avec les objectifs stratégiques de l'entreprise. La marque est ainsi à la fois un moyen de se différencier des autres entreprises et un moyen de renforcer le sentiment d'appartenance (Diard, Henda, 2023)[2]

D'un point de vue marketing RH, les entreprises doivent effectivement « vendre » leur marque, non pas en tant que produits ou services, mais en tant qu'employeur. 

Or, depuis le début des années 2000, un tournant dans les attentes des collaborateurs vis-à-vis de l'entreprise a modifié les pratiques des employeurs. Ce tournant, aidé par la technologie grandissante, a considérablement augmenté pendant la période de Covid-19, pour laisser davantage de place à l'hybridation du travail. 

Les envies des collaborateurs de télétravailler sont venues s'ajouter à la liste des arguments recherchés dans ce qui peut être considéré comme une bonne entreprise. 

Il est à distinguer deux notions : la possibilité d'avoir une organisation hybride laissée par le métier exercé, et la possibilité d'avoir une organisation hybride laissée par l'entreprise. 

Argument fort de la marque employeur, si le métier est éligible au télétravail, l'entreprise va pouvoir proposer dès l'offre d'emploi, un fonctionnement hybride aux candidats et collaborateurs. Ce choix nécessite la définition de certains critères notamment en termes de durée hebdomadaire, de prise en charge, d'organisation, de droit à la déconnexion, mais demeure un choix pour l'entreprise. 

Toutefois, dans un environnement fortement concurrentiel en termes de ressources humaines, l'organisation souhaitant attirer des talents devra proposer les arguments recherchés par les candidats, en l'occurrence, la possibilité de télétravailler. 

Cette possibilité n'est toutefois qu'un des éléments de la marque employeur. Mais comme Kapoor (2010) le précise, la marque employeur vise à positionner l'entreprise comme un lieu où « il fait bon travailler » (p.51). Les années passant, la notion de « il fait bon travailler » évolue, en permanence, et de plus en plus rapidement. Le jeu de la compétitivité en tant qu'employeur d'une entreprise est devenu un enjeu crucial de la réussite d'une entreprise. Il faut réussir à attirer, au sein de notre entreprise, des talents qui ont le choix de l'entreprise dans laquelle travailler. Et une fois attiré, il faut les retenir. La marque employeur doit donc s'adapter en permanence, aux attentes des collaborateurs. Ce n'est donc plus le collaborateur qui doit rentrer dans le moule de l'entreprise, mais l'entreprise qui doit proposer un environnement de travail et des conditions de travail attendus des collaborateurs. 

Lors de sa recherche d'emploi, le candidat voit son expérience collaborateur commencer avec la lecture de l'offre d'emploi. Marketing RH par excellence, nous pouvons appliquer les notions élémentaires de marketing à l'offre d'emploi : 

  • Cible : candidat
  • Produit : l'entreprise
  • Prix : salaire et avantages
  • Communication : sémantique, éléments visuels, orthographe et grammaire, tournures de phrase
  • Distribution : supports de l'offre d'emploi (sites, journaux, affiches, etc.)

Tout d'abord, une réflexion précise sur la cible : qui l'entreprise souhaite-t-elle recruter ? son niveau d'étude, son niveau d'expérience, ses hard skills et ses soft skills, mais également des questions plus précises en termes de cible : quel est le profil type du collaborateur que l'entreprise recherche à recruter, où habite-t-il, quelles sont ses habitudes, etc. ? Mais aussi, en 2023 : que recherche le profil type de collaborateur, en termes de valeurs de l'entreprise ? 

La rédaction d'une offre d'emploi commence nécessairement par une identification précise de la cible de candidats à laquelle l'entreprise souhaite s'adresser. Plus cette identification sera précise, plus l'offre d'emploi et la recherche de collaborateur de façon générale pourront être adaptées selon cette cible.

Une fois l'identification effectuée, l'interrogation de la cohérence entre l'entreprise et les souhaits du collaborateur devra être interrogée afin de garantir une expérience collaborateur optimale, et donc une meilleure image de marque employeur.

Attirer c'est bien, fidéliser c'est mieux. Réussir à attirer le bon profil, en ne s'intéressant pas à la cohésion entre les valeurs proposées par l'entreprise et celles recherchées par le candidat présente le risque de voir une rupture du pacte psychologique, et une sortie plus ou moins rapide du collaborateur, ce que cherchera à éviter l'entreprise. 

Le mensonge ou l'omission sont naturellement proscrits, mais la question va se poser lorsque l'identification des souhaits des collaborateurs ne correspond pas à ce que l'entreprise peut offrir. 

« Les candidats et collaborateurs souhaitent un fonctionnement hybride, mais je n'en propose pas. »

« Les candidats et collaborateurs souhaitent une souplesse horaire, mais je n'en propose pas. »

« Les candidats et collaborateurs souhaitent une qualité de vie au travail que je ne propose pas. »

Dans ces incohésions et dans d'autres, la question de l'attractivité et de la rétention se pose. L'entreprise ne proposant pas ce que les candidats et collaborateurs recherchent est-elle encore attractive ? 

Le changement est une évidence : les temps changent, les souhaits changent. L'adaptation est la principale réponse au changement. Pour demeurer compétitive, attirer et fidéliser des talents, les entreprises doivent s'adapter, en permanence. La proposition d'un fonctionnement hybride fait partie de ces outils à disposition des entreprises pour s'adapter aux souhaits actuels des collaborateurs, parmi tant d'autres.

« On n'a jamais deux fois l'occasion de faire une première bonne impression ». C'est guidé par cet adage que l'entreprise travaille son offre d'emploi, afin de montrer qui elle est, quelles sont ses valeurs, son histoire, et s'assure de transmettre autant d'informations que possible afin que le candidat – la cible – s'identifie à l'entreprise, et y voit l'environnement réel. Loin de la sirène attirant les voyageurs avec des mensonges, et parce que le recrutement est un enjeu stratégique très fort, l'entreprise a tout intérêt à présenter avec le plus d'exactitude possible ce qu'elle a à proposer. 

Le candidat peut ainsi visualiser ce que peut lui apporter l'entreprise, et ce que lui peut apporter à l'entreprise, avec une objectivité aussi grande que possible. 

Les stratégies disruptives dans le recrutement, en 2023, sont payantes. De nombreux grands noms ont adopté des offres d'emploi décalées des standards, humoristiques, voire presque auto-dérisoires, mais ces stratégies fonctionnent. 

A la suite de l'offre d'emploi, le candidat qui a envoyé sa candidature, idéalement travaillée entreprise par entreprise, avec le vœu pieux d'une présentation personnelle adaptée à l'entreprise (sous forme de lettre de motivation, vidéo, enregistrement audio, journal, billet de train, ou tout autre format de candidature), se voit recontacté par le recruteur, par e-mail, courrier postal, ou téléphone. Le format choisi, la forme de la réponse apportée correspond aussi à l'expérience collaborateur, tout autant que le délai entre la candidature et la réponse, positive ou négative soit-elle (nous avons tous des histoires sur des délais déraisonnablement longs, ou des réponses copiées-collées : « malgré la qualité de votre candidature… »). 

Le monde de l'entreprise dans les RH est un monde hyper concurrentiel. L'entreprise de 2023 veille autant que possible à répondre dans des délais raisonnables aux candidats, quelle que soit la réponse, et avec une personnalisation adaptée. Même dans une réponse négative, l'expérience collaborateur peut rester excellente. Les réseaux sociaux foisonnent d'histoires négatives sur l'expérience collaborateur au niveau du recrutement, tout autant que d'histoires fortement positives, qui influent sur la qualité de la marque employeur. Quel souvenir conservent les candidats de ces premiers contacts, tout négatifs soient-ils ? « C'est dans cette entreprise là que je veux travailler ! ». Fidéliser des candidats auxquels un recruteur donne une réponse négative, c'est un des summums de l'expérience collaborateur !

Pour le candidat retenu après ce premier filtre, vient le moment tant attendu et espéré de l'entretien (pour les formes les plus répandues du recrutement). A ce moment, que ce soit par téléphone, en visio-conférence, ou lors d'une rencontre physique, la personne en charge de l'entretien devient un ambassadeur de l'entreprise. Son attitude, ses propos, sa bienveillance, son sourire (on entend un sourire même au téléphone), son juste équilibre du temps de parole, son écoute, sont autant d'atouts que le recruteur a à sa disposition pour faire de l'entretien un élément fort de l'expérience collaborateur. Là encore, il s'agit de marketing RH : là où le candidat cherche un travail, le recruteur cherche à trouver le bon candidat et à vendre son entreprise. Assez peu évoqué, les candidats aussi peuvent refuser une offre qu'ils trouvent inadaptées ou, à plus forte raison en 2023, refuser une entreprise qui ne correspond pas à leurs valeurs. 

Le marché du travail voit de plus en plus arriver la génération Z, et le départ progressif de la génération X, bientôt suivi par la génération Y. Couramment admis comme présentant des différences de valeurs et de souhaits d'entreprise, chaque génération présente ses propres spécificités. L'expérience collaborateur sera donc perçue différemment selon le candidat et le collaborateur. Or, dans un environnement de forte concurrence où chaque entreprise rivalise d'ingéniosité pour attirer et retenir des talents, il convient de trouver de nouvelles voies d'attraction lors du recrutement. Exit donc l'entretien formel, en salle, où le recruteur lit le CV du candidat en demandant des précisions. Assurer une bonne expérience collaborateur impose de stimuler l'entretien, grâce à différentes stratégies, activités, mais aussi de mettre le candidat dans de bonnes dispositions : au-delà d'assurer une meilleure expérience collaborateur/candidat, cela permet aussi de davantage voir la « vraie » personne en face de nous, plutôt qu'un candidat stressé et peu sûr de ses propos. 

Le retour de l'entretien suivant les mêmes règles d'expérience collaborateur/candidat que le retour fait à la réception de la candidature, pour le candidat retenu viennent les étapes du préboarding puis du onboarding. Ce sont, littéralement, les premières expériences vécues non plus en tant que candidat, mais que collaborateur. Ils sont des étapes incontournables de l'expérience collaborateur, ayant une forte influence sur la vision du candidat de l'entreprise. Il est de coutume de dire qu'un onboarding réussi est la première pierre solide de la carrière du collaborateur dans l'entreprise. Les enjeux au moment du préboarding sont assez forts : premiers contacts avec la partie administrative de l'entreprise, premiers échanges avec les collaborateurs du service RH de l'entreprise, voire avec le manager. Pour une expérience collaborateur réussie, le pré-boarding nécessite d'être la continuité de l'offre d'emploi et du ou des entretien(s) d'embauche. Les valeurs de l'entreprise doivent transparaître, au même titre que le sérieux de l'entreprise. Sérieux, oui, mais sans nécessairement se prendre au sérieux.

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[1] - Ambler et Barrow, 1996, p. 187, cités dans Charbonnier-Voirin et Vignolles, 2015, p. 63

[2] - Diard, Caroline, Sana Henda, et Axel Brouillat. « Le télétravail : un élément fort de la marque employeur ? », Question(s) de management, vol. 43, no. 2, 2023, pp. 29-39.

09/04/2024

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