Indépendance stratégique et réindustrialisation
17/05/2020 - 2 min. de lecture
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Olivier de Maison Rouge est Avocat et Docteur en droit. Il est notamment l'auteur de « Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique », VA Editions, 2018
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Dans son discours du 13 avril 2020, le Président de la République en a appelé à l’autonomie stratégique.
Un peu plus tôt dans l’histoire, le fondateur de la Vème république, dont nous fêtons cette année le 50ème anniversaire de la mort et le 80ème anniversaire de l’appel à la résistance, déclarait :
"Nous ne pouvons pas avoir une politique indépendante et une défense indépendante, si nous n’avons pas une économie indépendante et des finances saines. C’est la condition sine qua non de l’indépendance nationale."
(Cité par Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle, Tome 1, Editions de Fallois/Fayard, 1994, p. 530)
Les évènements que nous traversons mettent cruellement en lumière que la France a abandonné des pans entiers de son industrie au bénéfice de « l’atelier de monde » - à savoir la Chine - les contrats commerciaux étant en outre adossés à des transferts de technologies. Cela a conduit à des pertes de savoirs-faires peut-être irréversibles et à l’émergence durable d’une puissance potentiellement hostile.
Dans un monde de compétition exacerbée, les grandes entreprises industrielles avaient opté pour des délocalisations massives depuis plusieurs décennies. Le COVID-19 aura été un révélateur de notre dépendance économique accentuée par cette soumission au moins-disant social et commercial. Il a été un accélérateur du déclassement économique de l’Europe en général, et de la France en particulier.
Cependant, mettre fin à plusieurs années de dépendance ne peut se faire par un simple claquement de doigts ; cela doit s’inscrire dans le cadre d’une doctrine stratégique dûment structurée. Autrement dit, il ne s’agit pas de relocaliser aveuglément, de même que le « Made In France » ne doit pas se cantonner pas à la production du miel ou au slip bleu-blanc-rouge, malgré tous leurs mérites gustatif et esthétique.
Il faut donc reconstruire, comme dans l’après seconde guerre mondiale, notre industrie nationale, selon une articulation concertée et réfléchie, dans un souci d’indépendance stratégique.
Très concrètement, cela nécessite de définir les axes cardinaux, avec une forte impulsion appuyée au plus haut niveau de l’Etat et un investissement financier fort, fléché avec le soutien d’un fonds souverain, le cas échant alimenté par un grand emprunt national, outre des ressources provenant notamment de l’assurance-vie (qui représente actuellement 2.000 milliards d’Euros de placements par les Français).
Les actions combinées doivent être dûment orientées :
- Des mesures incitatives pour réintégrer les exilés fiscaux sont à envisager. Il faudra continuer à favoriser le développement de l’énergie décarbonée, mais encore imposer des standards environnementaux pour les produits manufacturés importés.
- Les impôts de production doivent être supprimés et la TVA dite « sociale » doit trouver à s’appliquer (se traduisant par un allègement significatif des charges sociales) ainsi que la création de crédits d’impôts investissement dans les équipements industriels pour les entreprises.
- La définition et le soutien aux secteurs stratégiques essentiels en matière de souveraineté industrielle doit s’intégrer à la mission assignée à l’Etat.
En définitive, il faut se rappeler que l’industrie n’est pas un gros mot et concourt directement à la prospérité nationale ; l’indépendance économique doit consécutivement être un définie comme un objectif de priorité et de solidarité nationales qui sont les deux mamelles de ce redressement impérieux.
Avocat – Docteur en droit, auteur de « Penser la guerre économique. Bréviaire stratégique », VA Editions, 2018
17/05/2020