Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Bruno de Laigue est Directeur administratif & financier au sein du Groupe Business Partners.
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"Notre maison brûle et nous regardons ailleurs…"[1]. Pourtant, RSE, développement durable, écologie, bien-être social… sont des sujets de pleine actualité, sur lesquels les principaux pays du monde et les entreprises ont à cœur de travailler. En quoi, et comment, la finance peut-elle avoir un rôle à jouer dans ces processus ? Peut-on parler de "finance durable" ?
Le capitalisme libéral est de plus en plus mondialisé et la démographie en croissance continue, ce qui a pour conséquence une maximalisation de la production et des profits entrainant, de facto, une consommation à tout va. Revers de la médaille, implacable : crises écologique, sociale, économique, sanitaire…
- Ecologique en raison de la croissance des besoins énergétiques, à l’origine du réchauffement climatique, de l’augmentation des GES (gaz à effet de serre), de la déforestation…
- Sociale parce qu’il y aura de plus en plus d’inégalités et d’immigrations climatiques.
- Économique par l’influence grandissante de la finance.
- Sanitaire, enfin, par l’apparition de pandémies telles que le VIH ou la Covid-19 face auxquelles le monde occidental, souvent désarmé, réagit avec un temps de retard.
Deux types d’initiatives : étatique et privée
Les mesures à mettre en œuvre sont mondiales et doivent avoir une approche holistique et interdisciplinaire afin d’en faire une analyse globale, en matière écologique, social et économique. Chacun doit être acteur de leur application : États, collectivités locales, ONG, citoyens...
En 2000, huit objectifs (OMD : objectifs du millénaire pour le développement) ont été adoptés à NYC à travers la Déclaration du millénaire de l’Organisation des Nations Unies par 193 États membres et au moins 23 organisations internationales.
En 2015, les objectifs de développement durable[2] (ODD), définis par les délégués de ces mêmes 193 pays de l’ONU, complètent, avec un objectif à 2030, les propositions des OMD. C’est ainsi que 17 objectifs[3] sont clairement définis.
"Nous pouvons résoudre cette crise à laquelle la nature est confrontée. Mais, pour cela, […] les individus les plus riches vont devoir s’engager à réinvestir leurs bonus mirobolants au profit de la Terre afin de préserver la nature et de protéger nos terres, nos ressources en eau et notre faune", déclarait Hansjörg Wyss, homme d’affaires et milliardaire suisse, dans les colonnes de The Guardian, le 29 septembre 2021. Voilà la preuve que chacun, à sa manière, peut agir pour l’écologisation[4] de notre monde. Ce n’est pas pour rien si plusieurs fondations philanthropes viennent de s’engager à faire un don de 5 milliards de dollars pour protéger un tiers des terres et océans d’ici à 2030[5].
Et la finance dans tout ça ?
Parler de finance et de durabilité est, en réalité, contradictoire puisque ce sont deux termes opposés : l’un vise le court terme alors que l’autre s’attache au moyen / long terme.
La finance en tant que moyen d’actions, comme on vient de le voir, répond à cet objectif de long terme.
Mesurer ces actions, pour les réajuster ou les amplifier, permet de travailler sur le court terme : l’analyse sur un temps court pérennise une action long terme.
Plutôt que de parler de "finance durable" ne devrions-nous pas employer l’expression de "finance responsable" : l’analyse financière permet de prendre ses responsabilités lors de prises de décisions stratégiques ou opérationnelles.
Un cadre extra-comptable va bientôt voir le jour, à l’image des normes IFRS[6], permettant de comparer la résilience et la performance climatique et sociale des entreprises ainsi que leur solidité et leur utilité, entraînant une évaluation par le marché financier. Preuve que la nature du dialogue entre finance et entreprise évolue.
Le financier d’entreprise vit une (r)évolution
Au-delà d’analyses purement chiffrées, et révolution technique (ultra présente dans nos vies) aidant, le financier d’entreprise se doit d’élargir son champ d’actions : de "producteur" de tableaux de bord et d’analyses financières ou économiques, il doit devenir "concepteur" d’idées nouvelles permettant à sa structure d’évoluer, tant en matière micro que macroéconomique. Bien entendu, la technique financière restera la même mais, avec l’apparition des nouvelles technologies, le financier d’entreprise, dépassant sa propre technique, doit être le co-constructeur de l’entreprise de demain.
Il reste tant à faire
La crise sanitaire récente a mis le doigt sur l’impréparation du monde occidental face à des évènements inattendus et de grande ampleur. L’investissement financier des États face à cette pandémie a été massif, permettant à notre économie de "sortir la tête de l’eau", même si les dégâts sont nombreux.
Cet évènement nous rappelle l’urgence à agir et à donner du sens à nos actions : il devient indispensable de se remettre en question et trouver des solutions pérennes afin de faire face aux crises à venir.
L’entreprise a, et aura, un rôle essentiel à jouer dans cette aventure : lieu du lien social par excellence, ce sont toutes les entreprises qui sont, et seront, moteur dans les évolutions futures.
Les jeunes arrivant sur le marché du travail l’ont parfaitement compris ; leur recherche de sens et de cohérence est un formidable levier pour celles-ci.
Car la finance ne pourra être durable qu’à la condition qu’elle soit responsable !
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[1] Jacques Chirac, le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud, à l’ouverture de l’Assemblée plénière du IVème Sommet de la Terre.
[2] https://www.un.org/millenniumgoals/
[3] pas de pauvreté ; faim "zéro" ; bonne santé et bien-être ; éducation de qualité ; égalité entre les sexes ; eau propre et assainissement ; énergie propre et abordable ; travail décent et croissance économique ; industrie, innovation et infrastructure ; inégalités réduites ; villes et communautés durables ; consommation et production durable ; mesures contre les changements climatiques ; vie aquatique ; vie terrestre ; paix, justice et institutions efficaces ; partenariats pour la réalisation de ces objectifs.
[4] Par opposition à "industrialisation".
[5] Le Point, 29 septembre 2021.
[6] IFRS : "international financial reporting standards", normes internationales permettant de standardiser les présentations des données comptables : www.ifrs.org.
17/03/2022