Le monde de demain ne sera plus celui d’hier et vraisemblablement plus celui d’aujourd’hui !
01/12/2020 - 4 min. de lecture
Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.
Philippe Kunter est Directeur du Développement Durable & RSE de la Bpifrance
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Depuis maintenant quelques dizaines d’années et de manière encore plus prégnante depuis la crise de 2008, nous ressentons cet effet d’accélération dans nos vies et dans les entreprises, nous constatons que les lignes bougent, que les habitudes ne vont pas résister très longtemps et que les modèles d’affaires des entreprises doivent évoluer pour continuer à créer de la valeur.
Pour une entreprise comme pour un individu, avancer dans l’incertitude, tracer une nouvelle route, constituent un véritable défi car il ne s’agit plus de "sortir de sa zone de confort" selon l’expression totalement banalisée mais suppose d’être doté d’un "GPS" personnel plus robuste et de se recréer un nouveau référentiel de repères pour imaginer la suite. Il s’agit d’un tout autre exercice.
La comparaison avec le milieu marin trouve, une fois de plus, tout son sens. Il ne s’agit plus seulement pour prendre un nouveau cap de regarder tout simplement la météo mais aussi de tenir compte du vent, des courants, des marées pour apprécier et anticiper les dérives. Il s’agit d’un autre niveau de complexité pour toujours le même objectif : se déplacer d’un point de départ vers un point d’arrivée en sécurité. Pour autant, faut-il savoir où l’on souhaite arriver ou, comme l’on dit dans certains milieux, être au clair sur l’état final recherché, en s’appuyant sur des appareils de mesure (compas, sondes, etc.) qui demandent à tout moment néanmoins de conserver un solide bon sens et du jugement.
À cet égard, la montée en puissance du Big data, de l’intelligence artificielle, comme leviers puissants de transformation de notre société et des entreprises, représentent des innovations, des opportunités de développement et des avancées majeures lorsqu’elles sont réalisées dans une logique de numérique responsable et éthique car elles apportent des solutions concrètes en termes d’améliorations pour le plus grand nombre et de progrès (inclusion sociale, accès à l’enseignement, transition écologique, économie circulaire, etc.). Néanmoins, elles doivent s’accompagner d’une véritable attention au regard des enjeux du réchauffement climatique mais aussi sur la place des hommes et des femmes dans notre société et dans nos entreprises afin de ne pas contribuer à augmenter les fractures. Il s’agit là de points de vigilance essentiels dont les manquements se traduisent parfois par des pertes de repères et de sens, de sentiment d’utilité, d’engagement[1]. "Dans le monde d’aujourd’hui, ce ne sont plus les machines qui tombent en panne, ce sont les hommes eux-mêmes"[2].
Sans paraphraser le dirigeant d’une société de gestion, "le danger provient de cette tendance naturelle de chacun à confondre ce qui est mesuré avec la mesure elle-même". Cela traduit bien la stricte nécessité de conserver un véritable discernement sur notre environnement, la finalité et le sens du travail.
La crise sanitaire à laquelle nous devons faire face a mis en avant nos vulnérabilités et, dans le même temps, notre capacité à réagir avec une accélération de notre prise de conscience collective sur les enjeux majeurs de notre société que l’on retrouve d’ailleurs dans les objectifs de développement durable des Nations Unies. L’aspiration a un monde plus respectueux de l’environnement, plus solidaire où la dimension technologique est de plus en plus intégrée, se fait sentir. Les salariés, professions libérales, artisans, commerçants, dirigeants(es) d’entreprises sont aussi des citoyens et à ce titre, sur les sujets de la transition écologique et énergétique, la barrière du professionnel et du personnel tend à s’estomper. La Convention Citoyenne pour le Climat ou le Collectif des étudiants du Réveil écologique vont dans ce sens et il appartient aux entreprises de les écouter et d’en tenir compte.
La place de l’entreprise et le rôle des entrepreneurs(es) dans cette transformation majeure, appelée de tous les vœux et indispensable au regard des enjeux de l’urgence climatique et de la biodiversité, est centrale. Tout ceci nous conduit à redire qu’il faut avant tout redonner du sens à l’entreprise et avoir confiance dans l’avenir malgré l’adversité.
L’entreprise peut et doit représenter le fer de lance des transformations à venir (Cf. loi PACTE) qui nous apparaissent aujourd’hui pleines d’évidences du fait des épreuves auxquelles nous devons faire face et que nous avions probablement perdues de vues : le sujet de la relocalisation pour des questions de sécurité ou de risque de rupture d’approvisionnement, le retour à des chaînes de valeur locales, régionales et de l’ancrage territorial, l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique et de ses conséquences sur la biodiversité notamment.
Comme bien souvent, les organisations ou les individus changent, lorsque ceux-ci y sont réellement contraints (tragédie, réglementations, lois) ou extrêmement motivés car convaincus. La période que nous vivons peut apparaître d’une complexité totale car impossible d’en apprécier tous les contours et conséquences (dimensions économique, sociale, environnementale, sociétale) mais aussi comme une opportunité exceptionnelle qui nous est donnée de traverser le gué pour atteindre la rive en face de nous.
La crise sanitaire a révélé à grande échelle que nous allions travailler différemment : réflexions accélérées sur le travail à distance, intégration de plus en plus forte de la RSE (Responsabilité Sociétale d’Entreprise) dans les modèles d’affaires des entreprises (réduire les risques mais aussi et surtout créer de la valeur) et dans la compréhension de ce que représente la performance en intégrant la dimension extra-financière en redonnant de la visibilité, du sens et de l’impact dans les activités.
Le temps presse, l’heure n’est plus aux petites mesures mais à un engagement massif de tous les acteurs pour inventer une nouvelle route et s’engager dans ces transformations car la fenêtre commence à se refermer (Cf. l’avis des experts sur le climat). Comme dans tout nouveau défi de haut niveau, une telle démarche s’appuie sur un collectif robuste et non de façade, compétent, respectueux des autres et de son environnement, où l’on partage à la fois le sens et la volonté d’agir ensemble au quotidien.
La mise en œuvre d’actions très concrètes par tous, dans chaque entreprise, en fonction de son secteur d’activité, dans les domaines environnementaux, sociaux et sociétaux, nous permettra certainement d’améliorer notre résilience non pas pour répondre aux chocs passés mais en se préparant à ce qui est devant nous, ce qui nous attend.
Une opportunité formidable nous est donnée pour aller de l’avant, d’agir encore plus pour accélérer les transformations nécessaires, croire et oser !
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[1] Rapports Gallup
[2] "Le monde est clos et le désir infini", Daniel Cohen, 2015
01/12/2020