Le sport, agent d'influence pour l’Etat de droit et la Paix dans le monde

14/03/2022 - 5 min. de lecture

Le sport, agent d'influence pour l’Etat de droit et la Paix dans le monde - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Jean-Claude Javillier est Professeur émérite de droit, ancien directeur du département des normes de l’Organisation internationale du travail.

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Pandémies et guerres : de façon permanente et durable (puisque l’adjectif s’impose en tous domaines, sauf peut-être celui des normes) nous devons toujours renforcer la résilience tant individuelle que collective. Pour ce faire, il nous faut résister aux tentations qui nous viennent de tous côtés: la précaution sans limite, la décision sans débat, la peur sans raison, la condamnation sans contradictoire, l’arrogance sans culture, l’efficacité sans éthique. La liste précitée n’est bien évidemment point exhaustive. 

Nombreuses et nombreux sont les juristes qui ne réduisent pas le droit aux seuls règles en vigueur (et pas nécessairement appliquées, cela va de soi), qui ne sont pas seulement soucieux de la technique, mais bien des finalités  du droit en toute société : prendre en compte les intérêts en présence, élaborer des solutions équilibrées et praticables, donner priorité à l’intérêt général. Cultiver notre résilience, individuelle et collective, en toutes situations, sur le fondement de Valeurs communes, peu important nos cultures, sensibilités et origines.

Cependant, la prise en compte de la complexité de toute action juridique, si elle reste fondamentale, semble de plus en plus difficile à mettre en œuvre. Plusieurs facteurs contribuent à une telle situation. Qu’il soit permis de prendre le sport à témoin, en quelque sorte. Et du sport, on retiendra une acception fort large : de l’activité sportive, dans le quotidien, au sport en compétition, jusqu’au plus haut niveau, et notamment paralympique et olympique. Michel Serres nous y invite : “Le ballon est un traceur de relations,. L’arbitre incarne la justice. Le match est une scène politique et religieuse. Tout est réuni pour que le spectateur puisse apprendre sur le stade comme dans une faculté de droit, le collectif sans texte, la tragédie sans texte et le droit sans texte. Il y a là, en modèle réduit, tout ce que l’on peut souhaiter en pédagogie des sciences humaines” (in La nouvelle République.fr, 09.10.2020).

L’importance des valeurs, civiles comme militaires, du  parasport et du sport ne doit jamais cesser de retenir notre attention et de nous inspirer. Car le sport est l’un de moyens privilégiés pour se familiariser avec la nécessité de règles et d’une régulation, comportant toutes les garanties d’une objectivité et d’une effectivité. Cette dernière repose en effet sur l’acceptation de la pertinence pratique de la règle, comme de son interprétation et mise en œuvre par des sanctions, d’une façon ou d’une autre. Nous devons rendre hommage à toutes celles et ceux qui éduquent, entraînent et arbitrent, dans des contextes sociétaux parfois si difficiles et peu propices à la consécration d’un intérêt général compris et accepté, et de la nécessité de considérer et respecter l’autre comme soi-même.

D’un point de vue international, nous devons souligner la “part” si considérable, et de tout temps, du sport dans cette si délicate et fragile construction de la Paix, en tous continents et pays. 

La France accueillera les Jeux Olympiques, en l’année anniversaire des Jeux d’été de 1924. C’est l’occasion de rendre hommage à Pierre de Coubertin, qui présida le Comité international olympique de 1896 à 1925. En ces temps de remise en cause, et de “déconstruction”, singulièrement culturelle et historique, voulue par certaines et certains, nous avons bien évidemment conscience des imperfections, voire des perversions possibles de certaines compétitions sportives, singulièrement mondiales.Comment ne pas rester profondément marqués par ces Jeux Olympiques de Berlin, en 1936, dont le régime nazi avait su tirer le plus grand parti, au service d’une idéologie à l’opposé des Valeurs olympiques. Pour autant, il est dramatique que cet humaniste français soit considéré comme raciste, colonialiste et misogyne, ainsi qu’il a pu être affirmé ici ou là. Nous voici, par de tels propos radicaux, au cœur des périls présents pour tout Etat de droit: l’émotion comme procureur, le constat sans nuance ni contradiction, la condamnation à l’aune d’une endogamie idéologique, excluant toute valeur humaniste. Voici qui peut affecter notre capacité de résilience dans les temps présents et futurs.

Faisons confiance aux championnes et champions pour proclamer l’actualité et la pertinence des propos tenus, en les situant dans leur contexte historique, par  celui qui dessina les anneaux olympiques. Étant ajouté, que ces anneaux doivent inclure le parasport. Il ne doit exister qu’une seule bannière olympique. Les juristes doivent se mobiliser pour qu’aucune discrimination ne puisse exister, en toute question et toute situation (notamment institutionnelle et protocolaire), entre parasport et sport. Quelle exemplarité en ces jeux mondiaux militaires, dont les délégations défilent avec toutes tous les parapostifs et sportifs. Le drapeau français a été porté à Wu-Han par un Champion parasportif, le Soldat Sébastien Pradalier, du 3 ème Régiment du Matériel du Muret (cinq médailles dont trois en athélitisme et deux en cyclisme aux Invictus Games de Toronto) !

Puisque nos tribunes sont libres, qu’il soit permis de faire part d’une inquiétude et d’une invitation au débat, à partir du parasport et du sport, en nos Sociétés contemporaines.

Comment ne pas relever le triomphe du court terme, sur le temps long, et même moyennement long. Selon les civilisations, nous savons combien le temps est perçu et utilisé de façon si contrastée. La tendance, singulièrement dans les univers occidentaux, et notamment européen, est de vouloir maîtriser, dans l’instant, les situations les plus complexes, et pour ce permettre de simplifier à l’extrême tout particulièrement les données historiques, culturelles et sociétales. Cependant, la quête de solutions pertinentes, en matières sportives, comme juridiques et diplomatiques, ne saurait jamais résulter d’un tel comportement.  

Il faut affirmer que le dialogue et le débat, l’écoute et la compréhension de l’autre est le préalable nécessaire de toute efficacité. La vie et la pensée contemporaine en réseaux nous conduit à ignorer cette fondamentale sagesse qui donne au temps long son rôle indispensable dans toute Société humaine. Toutes et tous, sportifs et juristes, devons nous mobiliser, au plan national tout autant qu’international.

Ne nous laissons point guider ni emporter par les seules émotions, dans l’instant.

Est-il admissible que des rumeurs, sans que les faits soient suffisamment discutés et établis de façon contradictoire, puissent jusitfier des sanctions immédiates et radicales, par un lynchage médiatique, dans le sport comme en tous autres domaines, ? il nous faut garantir les droits à la défense et un débat contradictoire en tous lieux et institutions. 

Est-il admissible, et souhaitable, que des championnes et des champions, notamment, soient exclus de compétitions en raison de leur nationalité, et des (mauvaises et condamnables) pratiques de leurs gouvernants ? Il convient que la participation à toutes compétitions soit garantie à toutes et tous (sauf en cas de violation personnelle des règles en vigueur) sous une bannière neutre, et notamment paralympique et olympique.

Célébrons la contribution du Sport à la Paix et au développement de bonnes pratiques de gouvernance à travers le monde. Bien évidemment nous n’ignorons point les mauvaises pratiques. Mais, ainsi qu’il en va d’un diplomate onusien, sont regard est porté sur le verre à demi-plein, et jamais à demi-vide. 

Pour renforcer notre Etat de droit, saisissons l’opportunité des Jeux Olympiques à Paris. Appuyons les actions du Centre pour le sport et les droits de l’homme qui réunit notamment des organisations internationales, des entreprises et des organisations non gouvernementales, et œuvre si utilement à Genève. Ses principes “Sporting Chance”, et son plan de Convergence pour 2025, doivent nous inspirer en toutes situations. De même, mettons en oeuvre, dans la vie quotidienne, et à tous niveaux, les points de consensus sur les opportunités et les défis en matière de travail décent dans le monde du sport (OIT, Genève, 20-22 Janvier 2020)

Et puisqu’à Pierre de Coubertin, nous souhaitons rendre un vibrant hommage, qu’il nous inspire dans toutes nos pratiques, sportives comme juridiques, individuellement et collectivement : "Chaque difficulté rencontrée doit être l’occasion d’un nouveau progrès”.

Jean-Claude Javillier

14/03/2022

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