Pistes de réflexion sur les conséquences de la crise dans le domaine des assurances

07/05/2020 - 3 min. de lecture

Pistes de réflexion sur les conséquences de la crise dans le domaine des assurances - Cercle K2

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Diplômé de Sciences Po Paris, Jean-Pascal Sibiet est Insurance Specialist. Il a également fondé le Programme Franco British Young Leaders.

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"La crise n’a pas été bien gérée et nous n’avons pas suffisamment appris de 2008-2009" résonne en boucle dans les médias et sur les réseaux sociaux à défaut de comptoirs où commander un café.

La gestion de la crise présuppose l’anticipation d’une crise sanitaire. Si l’on se fie au Allianz Risk Barometer 2020, une étude de 2718 Risk Managersde plus de 102 pays et présents dans 22 industries différentes : le risque de pandémie ne figurait pas dans les 7 principaux risques identifiés en 2020. Du côté des experts du World Economic Forum, la pandémie ne fait pas non plus partie, dans son rapport publié en janvier 2020, des 10 principaux risques à craindre sur les 10 prochaines années.

Que pouvions nous retenir des crises de 2008-2009 ? la crise enclenchée en 2007-2008 était, au départ, une crise immobilière et une crise bancaire, alors que la crise actuelle touche directement l’économie réelle, c’est-à-dire le cœur du système : l’investissement, la production, l’emploi.  Et à l’économiste Christian de Boissieu de prolonger l’analyse « la secousse de 2007-2008 ne cumulait pas avec autant d’intensité que la crise actuelle un choc d’offre et un choc de demande. Ce qui amplifie le problème aujourd’hui, c’est que le Covid 19 représente un choc symétrique (il concerne le monde entier) et séquentiel puisqu’il touche l’un après l’autre tous les continents. »

Le premier plan de relance français de 2008-2009 prévoyait 26 milliards d’euros soit environ 1,3 % du PIB. Avec une réduction des recettes fiscales et une augmentation des dépenses, l’endettement de la France est passé de 68% du PIB cette année-là à 92% en 2013. Autant dire qu’en quelques mois, on balaie des années de rigueur budgétaire et on relègue aux générations suivantes un poids fiscal phénoménal. Les circonstances pourraient s’aggraver au regard d’autres crises ou d’une dégradation de la confiance des marchés dans la France.  Si la rapidité est un atout durant une crise, les mécanismes de relance doivent être nets, précis et articulés.

Au lieu de réagir a posteriori face à des dommages toujours croissants, pourquoi ne pas davantage gouverner par les instruments pour les situations de crises ? Il convient de mettre en place ex ante des dispositifs de résilience économique pour les entreprises et les professionnels libéraux.

L’objectif est de mieux adresser les aides qui seront disponibles, les mécanismes d’activations et les écarts qui subsisteront. Réduire l’incertitude en cas de crise permet aux acteurs économiques d’anticiper, de garder le cap et offre aussi à leurs fournisseurs, clients ou actionnaires de reprendre confiance sur une base tangible.

La mise en place d’un mécanisme d’indemnisation privé-public, à l’instar de ce qui a été fait pour le régime des catastrophes naturelles, il y a près de 40 ans, est vertueux. Il laisse les victimes se concentrer sur la reconstruction. Un nouveau régime de couverture « sans dommage », sous l’impulsion des assureurs, du Trésor et de parlementaires, pourrait voir le jour pour couvrir (certaines) pertes d’exploitation sans dommage. La mise en place ce type de mécanisme incite les acteurs à balancer l’appétit au risque (faut il couvrir 100% de la perte ?) et de quantifier (que couterait il d’assurer 100% de la perte ?) et de compléter sur les marchés les écarts de couverture en fonction des secteurs, régions et sentiment d’exposition aux risques.

L’actuel projet de couverture « pandémie » à l’étude va dans le sens d’une réponse conjointe que l’Etat ou les assureurs ne peuvent pas offrir seuls :

  • Garantie d’un minimum pour la relance (grâce à la garantie de l’Etat : la pandémie est une crise systémique, des acteurs de marché seuls ne peuvent l’indemniser)
  • Adaptation aux acteurs économiques (provisions et mécanismes de réassurance donnant une rationalité économique sur le long terme)
  • Adéquation entre appétit aux risques et coûts de la couverture (les assureurs et réassureurs dans leur rationalité ne proposent des couvertures de risques abordables qu’à partir d’un seuil critique d’assurés)
  • Conditions d’attribution connues et sécurisées (le déblocage des aides/indemnisations se fait selon un processus établi et à destination du bénéficiaire à l’abri des fraudes)

Face aux crises à venir, il serait judicieux autour d’un consensus politique de reprendre l’adage « Gouverner c’est prévoir », en acceptant humblement qu’on ne puisse pas tout prévoir mais pérenniser grâce à des instruments de rebond. Dès demain,  il faut renforcer nos mécanismes de résilience économique au lieu de faire le choix de l’inaction en pensant que le payeur de dernier recours sera toujours là de crise en crise pour renflouer ce qui un jour ressemblera au Titanic (par 3800 mètres de fond).

Jean-Pascal Sibiet

Insurance Specialist

Fondateur du Programme Franco British Young Leaders

07/05/2020

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