Pour dissiper le clair-obscur…

19/09/2020 - 3 min. de lecture

Pour dissiper le clair-obscur… - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Dominique Lamoureux est Président du Cercle d’Ethique des Affaires.

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Des centaines d'articles, de discours, de conférences et autres initiatives tentent, depuis quelques mois, de nous prédire ce que sera le temps de "l'Après Covid-19". Et pourtant, nous demeurons "dans ce clair-obscur où émergent des monstres alors que le vieux monde se meurt et que le nouveau monde tarde à apparaître".[1]

Parmi ce tsunami de contributions, il faut globalement constater l'indigence des réponses apportées pour penser un futur acceptable pour l'Homme et sa Planète. Cette faiblesse s'explique probablement parce que la pandémie semble prendre le pas sur la multitude des autres sujets - tout aussi critiques - qui interpellent de façon irrémédiable la gouvernance du monde et "des communs", que ces défis soient d’ordre politico-économique, environnemental ou technologique.

De plus, la majorité des organisations et des individus ne semble pas - et surtout ne semble pas vouloir - prendre conscience des transformations considérables auxquelles ils vont être confrontés. Par ignorance, par peur ou par égoïsme, ils veulent se convaincre qu'ils pourront fondamentalement continuer à consommer, produire et se comporter comme avant. Le changement c'est pour les autres…

D'une part, les élites refusent d'envisager un nouvel ordre qui remette radicalement en cause leur statut et leur prospérité. D'autre part, de nombreux citoyens ont choisi de se réfugier dans des idéologies ou des systèmes de pensées archaïques ou fantasmagoriques qui ne cessent de proliférer : libertarisme, complotisme, populisme, intégrisme religieux, collapsologie, etc.

Or, pour répondre à ces défis prodigieux, il importe de faire une révolution copernicienne aussi radicale et "scandaleuse" que celle qui a été faite, à leur époque, par les philosophes du XVIIIème siècle. Ils ont osé exhorter leurs contemporains à passer d'un ordre divin absolu et dogmatique à un système démocratique et temporel. De la transcendance au relatif humain ! Est-ce qu'une telle audace est interdite à notre siècle ?

L'urgence est en effet de remettre en question les modèles du passé : "on ne peut pas prétendre résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème [2]". Il est vain de croire à des systèmes de gouvernance que les individus récusent, à la pérennité d'un ordre multilatéral conçu au siècle dernier ou encore à la possibilité d'une croissance économique infinie sur une Terre finie.

Les nouveaux paradigmes portent sur le développement de questions telles que l'éthique, les responsabilités des entreprises et celles des consommateurs, la dénonciation de la dictature de la transparence, le renoncement aux rêves d'une modernité irresponsable et surtout le retour à la raison critique.

Un des premiers chantiers est de concevoir de nouveaux modes de consultation capables de transférer les outils de la démocratie à tous les citoyens et non plus à leurs seuls représentants, en lesquels ils n'ont globalement plus confiance. La révolution numérique et les applications de l'internet devraient permettre d'appréhender et d'intégrer l'opinion de chacun, sans tomber dans la barbarie d'une démocratie directe. La Convention Citoyenne pour le Climat en est une tentative.

Cette révolution politique devrait tendre à transformer la gouvernance du monde afin de permettre la fin d'un tout économique dominant pour encourager l'émergence d'une politique sociale inclusive, qui rapproche les individus, au lieu d'accroître irrémédiablement les écarts.

Pour ce faire, Il est nécessaire de repenser le rôle et la mission des sachants et des experts dans la gouvernance de la planète afin qu'ils puissent concevoir et imposer des axes politiques et stratégiques à long terme sans esprit partisan ou enjeux idéologiques. Des organes de contrôle sur le fonctionnement des institutions doivent être mis en place afin d'assurer le respect des grands principes démocratiques.

Une telle évolution n'est possible que si des programmes de formations globales et continues sont déployés auprès de l'ensemble des citoyens afin de faire évoluer leurs compétences et leurs cultures en faveur de valeurs telles que la solidarité et la responsabilité citoyenne, mais aussi la tolérance et la dignité, valorisées à travers une morale laïque et républicaine.

L'objectif est de passer du savoir-faire au savoir-être en contraignant chacun à appréhender ses droits et à reconnaître ses devoirs, afin de promouvoir un équilibre entre l'individu et le collectif, afin que le "nous" prenne le pas sur un "je" égoïste et irresponsable.

Dominique Lamoureux

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[1] Antonio Gramsci
[2] Albert Einstein

19/09/2020

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