Radicalisation(s), l’urgence d’agir par la citoyenneté et l’offensive numérique

13/11/2020 - 5 min. de lecture

Radicalisation(s), l’urgence d’agir par la citoyenneté et l’offensive numérique - Cercle K2

Le Cercle K2 n'entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans les publications (écrites et vidéos) qui restent propres à leur auteur.

Hassen Christophe Djerrah est Cadre territorial, référent prévention radicalisation et Formateur CNFPT.

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"Le mérite d'un homme réside dans sa connaissance et dans ses actes et non point dans la couleur de sa peau ou de sa religion", Khalil Gibran.

Les questions de citoyenneté et de radicalisation sont aujourd’hui des thèmes qui mobilisent la réflexion et les craintes au cœur des institutions, des médias et de la société en général. Certes, chacune de ces composantes, parfois croisées, appréhende ces thématiques selon son propre prisme.

Certains y voient l’expression du bilan de plusieurs années de controverses et d’inefficacité relative des politiques publiques et des comportements que l’on peut qualifier de partisans de certains élus. D’autres, que l’on peut retrouver dans les sphères complotistes ou "populistes" (au sens péjoratif), considèrent qu’il s’agit là des signes de la "fin du Système" corrompu, d’une société décadente. On notera que la définition du mot "Système" est la plupart du temps généraliste, confuse, à destination des amateurs de conspiration judéo-maçonnique. Ces derniers ne proposent pas davantage de réelles solutions (républicaines et laïques).

Il est toujours plus simple de juger le passé avec la connaissance de l’Histoire. Le climat social et le développement des communautarismes pourraient d’ailleurs donner raison à certains discours des années 80 qui se voulaient annonciateurs de ce qui était considéré comme "les problèmes de l’immigration". Il ne faut pas perdre de vue que cette "prophétie" au reflet prémonitoire n’est que l’expression du fragile équilibre vivant au cœur même des valeurs démocratiques de la République, en particulier la liberté d’expression. En son temps, Platon dans "La République" décrit une société qui semble coller à chaque période de crise sociale que nous traversons.

Ces radicalisations, sociales, religieuses ou politiques nous obligent non plus uniquement à nous poser les questions, mais plutôt à agir face à des sujets et des problématiques organisés et coordonnés par les ennemis endogènes et exogènes de la République.

La dernière Commission sénatoriale sur l’Islam radical en France pointe du doigt de nombreux aspects sur l’attaque des piliers de la République et, en particulier, une sorte de manipulation génétique de l’ADN de la laïcité à la Française et de la liberté d’expression. Cette laïcité décrite par Ferdinand Buisson vise l’idéal pour les femmes et les hommes libres à penser et à comprendre plus qu’à croire. Selon Ferdinand Buisson, "est-ce qu'on apprend à penser comme on apprend à croire ? Croire, c'est ce qu'il y a de plus facile. Et penser, c'est ce qu'il y a de plus difficile au monde".

Ce qui est valable pour les dérives fondamentalistes religieuses l’est également pour les autres formes de radicalisation. C’est donc avec l’aide de la pensée et la compréhension qu’il est urgent de fournir les outils à ceux qui s’interrogent sur leurs croyances et leurs certitudes.

Cet "élan d’optimisme" est pondéré par la réalité. Comment ne pas évoquer l’arachné protéiforme qui sévit sur la toile de l’internet, celle qui séduit l’internaute en travestissant la réalité et encore plus la vérité.

Les études sur la radicalisation et les communautarismes pointent clairement l’enjeu et les risques liés à l’usage d’internet pour obtenir de "l’information". Les contenus que l’on peut y trouver participent à bâtir des croyances via des interlocuteurs, autoproclamés experts ou savants en matière du fait religieux en sciences humaines ou politique.

Une rapide consultation des plateformes de partage de vidéos (youtube, rutube, etc.) met en lumière non seulement la multitude des chaînes et des profils hostiles à la démocratie, mais surtout la masse de commentaires et d’échanges dans la queue de la comète, qui abondent dans le sens de ces discours dogmatiques qui rendent illégaux les principes républicains au profit d’une lecture archaïque, essentialiste et normative de modèles alternatifs.

Il est important d’accepter que la reconquête et la préservation d’une société réconciliée sera aussi sur internet ou ne sera pas. La question du choix se présente donc devant nous. Croit-on pouvoir organiser internet pensant que nous parviendrons à couper les têtes de l’hydre ? Ou bien, faut-il décider de mener le combat des idées de façon organisée et stratégique sur le champ de bataille déjà bien occupé par l’ennemi ?

Nos institutions et nos valeurs sont comme une magnifique armée napoléonienne, efficace et réputée. De nos jours, cette armée, l’arme au pied, les canons muets, est visible à des kilomètres. Rien à voir avec la déferlante barbare et dévastatrice qui s’abat sur les esprits de nos concitoyens et nos jeunes en particulier depuis plusieurs années. Elle est sournoise, hétéroclite et capable de s’adapter. Elle passe de sites en blogs, de plateformes de streaming en partages sur messageries privées et cryptées. De sites hébergés à l’étranger (Rutube ou Vk) en conversations sur les tchats de jeux vidéos ou même sur le deep /dark web.

Un article de juin 2016 du JDD rappelait que l’addition entre le complotisme et la crédulité représentait un véritable marche pied vers la radicalisation. Comment ne peut-on pas réagir face à cette menace de façon proportionnée ?

L’un des défauts de la cuirasse de notre modèle occidental réside dans le respect de nos "conventions". On ne voit majoritairement que le droit. Bien évidemment, on se "rebiffe" sur Tweeter, on fait des "punchlines" et des hashtags, on crée des plateformes très institutionnelles ou des numéros d’écoute. Cela peut concourir à apporter de l’aide mais cette réponse est bien naïve. Il s’agit là de l’écume de la mer face aux contenus disponibles en libre accès.

Internet regorge de milliers d’heures de discours et d’argumentaires nauséabonds et dangereux, modélisés pour s’adapter aux publics ciblés. Un esprit malléable, chez les scolaires notamment, contraints d’assister à des conférences ou des cours sur la citoyenneté, sera toujours moins réceptif que lorsqu’il visionne des contenus sur internet, surtout lorsqu’il pense le faire par choix sans se douter du rôle de la technologie.

Si l’on considère la génétique des algorithmes informatiques conjuguée au principe de l’argumentum ad populum qui vient gangrener les esprits, nous obtenons une arme de désinformation massive qui peut potentiellement s’abattre sur tous au regard de la diversité des sujets (vaccins, religions, collapsologie, développement personnel, mouvements sociaux, complot et nouvel ordre mondial, manipulation des médias et des masses, communautarisme ethnique et révisionnisme, etc.).

Il est temps de mettre de l’ordre dans le chaos en utilisant les moyens et les outils qui seront adaptés pour répondre aux attaques et peut-être… gagner le combat, même si nous n’avons pas vraiment fait le choix du terrain.

"Ne répétez pas les mêmes tactiques victorieuses, mais adaptez-vous aux circonstances chaque fois particulières", Sun Tzu.

Hassen Christophe Djerrah

13/11/2020

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