Vers une détection comportementale opérationnelle

20/10/2020 - 3 min. de lecture

Vers une détection comportementale opérationnelle - Cercle K2

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Thierry Novarese est Lieutenant-colonel dans la réserve opérationnelle de la Gendarmerie nationale, en charge de la DPCA à la Direction des Opérations et de l’Emploi. Docteur en Connaissances sociotechniques des systèmes et des réseaux (Sciences de l’Ingénieur et Sécurité Globale), Professeur de philosophie et Chercheur-associé à l’Université de Troyes.

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La Détection Préventive des Comportements Atypiques (DPCA) est une méthode d’analyse comportementale globale qui prend en compte à la fois les marqueurs classiques de stress, les espaces, flux de circulation ainsi que les signaux extraits de la résilience opérationnelle. J’ai créé cette méthode d’abord au sein et pour la Gendarmerie des Transports Aériens dans le cadre de la lutte anti-terroriste sur les aéroports hexagonaux avant son extension vers d’autres unités de la gendarmerie.

Les attentats du 11 septembre 2001 et ceux perpétrés en France, à partir de 2012, engagent un processus qui nécessite de développer une stratégie globale capable de répondre aux organisations terroristes mondialisées. Dans le même temps, les transformations de la délinquance et des formes de violences imposent une modification de la conception de la sécurité. L’analyse comportementale en gendarmerie naît de cette situation nouvelle. L’étude d’une méthode d’analyse comportementale permettant de détecter précocement toute intention d’action malveillante a donc été retenue dès 2015. Son principe directeur est fondé sur l’existence de manifestations non dissimulables lors de la préparation ou de la commission d’une action illicite. Au regard du contexte et des besoins de la gendarmerie, elle a été initialement pensée pour la lutte anti-terroriste et la prévention de la radicalisation.

Le choix d’un ciblage de la lutte antiterroriste islamiste jihadiste peut facilement se comprendre par l’état de la menace actuelle. Les aéroports et l’aviation civile, en général, représentent des cibles privilégiées depuis 2001. En attestent encore les derniers actes terroristes perpétrés sur les aéroports de Bruxelles-Zaventem, d’Atatürk Istanbul ou encore de Paris-Orly. Si d’autres terrorismes existent (régionaux avec les groupes basques, corses, bretons, etc. ; idéologiques avec les groupuscules d’extrême droite ou gauche ; confessionnels avec des menaces émanant des divers courants du fondamentalisme religieux ; naturalistes avec l’émergence d’un terrorisme écologique), ils ne constituent pourtant pas un péril imminent pour nos démocraties et États. En atteste encore le nombre de victimes des attentats liés à la seule revendication islamiste jihadiste.

L’objectif initial était de réaliser une méthode comportementale opérationnelle à la portée de tous les gendarmes. Les méthodes d’analyse comportementale sont conçues souvent "en laboratoire", en dehors d’un terrain qui est pourtant leur destination. Nous avons fait tout le contraire en partant de ceux qui assurent au quotidien la sécurité : les gendarmes et policiers. Ces derniers développent, en effet, naturellement des connaissances métacognitives en lien avec une expérience professionnelle où la détection des signaux de déviances est, en même temps que la condition d’exercice du métier de policier ou gendarme, un impératif d’efficacité et de survie. Pour cela, il fallait objectiver cette pratique professionnelle des policiers et gendarmes : transformer une connaissance droite (le fait d’avoir des repères individuels qui n’engagent pas un savoir commun) en signaux matérialisés et ainsi normalisés et partageables. Modéliser donc le flair du gendarme. C’était le premier défi qui supposait des auditions multiples de policiers et militaires possédant une expérience reconnue. Le pari était de mettre en place des signaux qui ne comportaient pas d’étrangeté mais qui provenaient directement de cette expérience sédimentée des personnels.

Il fallait impérativement produire une détection comportementale non discriminatoire, qui ne repose pas sur des critères ethniques, des signes religieux ou des types physiques. Cette préoccupation nous conduisit à solliciter le département Déontologie de l’EOGN (École des Officiers de la Gendarmerie Nationale) pour accompagner une démarche qui s’est voulue totalement neutre axiologiquement dès sa conception. Par ailleurs, la DPCA permet d’engager des contrôles qui sont plus aboutis mais aussi plus ciblés, moins de contrôles donc mais motivés par des éléments répertoriés et objectivables.

Aujourd’hui, la Détection Préventive des Comportements Atypiques (DPCA) peut s’adapter rapidement à toute menace nouvelle ou déterminée comme telle. Elle est déployée dans toutes les unités de la Gendarmerie qui en font la demande et se trouve requise pour une multitude de missions de surveillance et de contre-terrorisme.

Thierry Novarese

20/10/2020

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