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Thibault Lanxade est Président Directeur Général du Groupe Jouve.
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Le déploiement des moyens sanitaires militaires outre-mer pour lutter contre le Covid-19 a été un signal important à des territoires qui avaient des raisons de se sentir quelque peu délaissés alors que la montée en charge de l’épidémie y était réelle.
L'augmentation de la capacité de réanimation dans les centres hospitaliers, l’approvisionnement en masques et en tests dans les Antilles et à la Réunion et le renforcement de moyens humains pour soutenir les équipes déjà mobilisées a été un engagement fort du gouvernement. Le décret rapide permettant de recourir à des médecins diplômés hors de l’Union Européenne était essentielle pour le renforcement du dispositif sanitaire. Enfin, le déploiement de porte-hélicoptères et de bâtiments-hôpitaux de la Marine nationale à des fins sanitaires, notamment à Mayotte, permettant de délester les établissements de santé est une réponse forte aux demandes des élus locaux.
Comme le prévoit l'article 73 de la Constitution, tout ce qui est mis en vigueur en métropole doit impérativement s’appliquer et être adapté à l’Outre-mer, en tenant compte de la particularité de la plupart de nos territoires ultra-marins.
En garantissant une protection sanitaire comparable à celle en vigueur en métropole, ces mesures rassurent les populations ultramarines sur la réalité de ce principe de continuité territoriale entre la métropole d’une part et les département et régions d’outre-mer (DROM) et les Collectivités d’outre-mer (COM), d’autre part.
En droit, il ne saurait donc y avoir qu’une catégorie de Français. Néanmoins, cette évidence mériterait d’être souvent rappelée.
De fait, les Outre-mer souffrent d’être encore trop éloignées de Paris ! Malgré les efforts et les déclarations d’intention, leur économie n’est pas soutenue à la hauteur de son potentiel. Quelques exemples suffisent à illustrer les défaillances de l’Etat vis à vis de ces territoires. Ainsi, Bpifrance, le bras armé financier de l’Etat est faiblement représenté dans la zone caribéenne ; dans la zone Pacifique, c’est la direction Ile-de-France de la banque publique qui tient les cordons de la bourse. Ceci est d’autant plus regrettable que, sur place, la concurrence bancaire n’existe pas assez pour dynamiser l’économie.
Sur le plan sanitaire, ces territoires se sont engagés depuis longtemps dans la mise en œuvre de projets pilotes en digitalisation. C’est le cas de la télémédecine Réunion-Mayotte ou de l’innovation en transformation numérique pour préparer le nouveau CHU de Guadeloupe. Cette volonté d’innovation a été longtemps bridée par trop de bureaucratie ministérielle. Le contexte de crise que nous traversons nous met désormais collectivement en demeure d’aider à la libération de ces énergies et de les soutenir concrètement.
Les annonces récentes sonnent comme l’expression d’une mobilisation nationale pour aider les territoires ultra-marins à répondre à la pandémie. La tâche est considérable avec, en particulier, le déploiement de canaux efficaces de soutien logistique, sanitaire et financier. Il s’agit là d’un devoir collectif pour montrer que la solidarité nationale face au coronavirus envers ces territoires existe dans les faits.
La situation créée par la crise que nous traversons donne aussi à nos Outre-mer une formidable occasion de rompre avec une politique de développement qui a cessé d’être pertinente, parce que désormais obsolète, dépassée au regard des réalités de notre époque. Passons maintenant de la « startup nation » à la « startup island » !
Réussir ce rebond imposera l’évidente nécessité d’une conjugaison étroite des efforts et de l’imagination des décideurs publics et des acteurs économiques. Mais, avant tout il commande une rupture avec les habitudes du passé.
19/05/2020